Il y a eu des précédents célèbres.
Alan Moore - qui dans Filles perdues montre trois adolescentes longtemps après le temps de leurs aventures de jeunesse. Ou encore Stieg Larsson qui dans sa série Millenium s'inspire de Fifi Brindacier et de Kalle Blomkvist, inventés par Astrid Lindgren, pour en faire les protagonistes adultes de sa propre trilogie policière. Il y a eu aussi l’histoire que le scénariste Keith Giffen, (avec le soutient artistique de Bilquis Evely et d'Ivan Plascencia) proposa - 14 ans avant
« Friday » - à l'éditeur DC Comics™, en faisant grandir Sugar & Spike (Bib et Zette dans la version française) les deux enfants terribles de Sheldon Mayer pour une enquête au sous-titre évocateur :
« Metahuman Investigations ». Mais rien qui s'approche, à ma connaissance, du résultat qu'obtiennent Brubaker, Martin & Vicente avec « Fiday ».
Friday Fitzhugh - dont le nom semble être un hommage (à Louise Fitzhugh, auteur du classique de la littérature jeunesse américaine Harriet l'espionne), et un jeu de mots (avec la "girl Friday" ou en français assistante) ; fraîchement arrivée dans la petite ville de Kings Hill, devient la partenaire et l'amie de Lancelot Jones - démarquage à peine voilé de Jupiter Jones l’un des Trois jeunes détectives, jeune adolescent très précoce doué pour les enquêtes à tendance surnaturelle. Le duo résoudra sans faiblir, au fil du temps, moult mystères dans la grande tradition de ce que la littérature Young Adult© anglo-saxonne peut offrir. Ou ce que j’ai pu lire dans la collection Bibliothèque Verte™ de ce côté-ci de l'Atlantique, au cours années 1970.
Justement parlons des années 1970.
Le tome 1 de « Friday » commence avec le retour pour les vacances de son héroïne éponyme, désormais étudiante à l'université ; après qu'elle eut quitté Lancelot Jones et la ville de King Hill sur un quiproquo gênant. De son côté ce dernier a continué son train-train de détective de l’étrange.
Décidée à revenir sur la désastreuse nuit précédant son départ, Friday Fitzhugh se trouve fort marri lorsqu'elle se trouve impliquée derechef dans l'enquête qui occupe alors Lancelot, épaulé par le shérif.
Comme s'il ne s'était rien passé entre eux quelques mois auparavant.
Esthétiquement parlant tout dans « Friday » rappelle les seventies.
Mais le dessinateur Marcos Martin y a rajouté (comme l'avait prévu Brubaker dans son pitch) des éléments qu'on dirait tout droit sortis de la Nouvelle-Angleterre décrite par Lovecraft. Un mariage a priori contre-nature qui donne pourtant un résultat à nul autre pareil.
Idem pour le traitement des personnages.
Brubaker est parvenu à les faire grandir, en en faisant de jeunes adultes quelque peu chahutés par leur libido ; tout en conservant les conventions de la littérature jeunesse : le shérif est juste bon à servir de chauffeur à Lancelot Jones, ce dernier a toujours un QG dans un arbre creux au cœur d'un forêt profonde, Friday Fitzhug sort de chez elle par la fenêtre.
Bref, là encore, le mariage de la carpe et du lapin accouche de quelque chose de très original.
Si on en sait encore peu sur l’intrigue, ce premier tome est le recueil des trois premiers numéros (1er parution en version numérique sur Panel Syndicate™, puis en libraire grâce à Image Comics™) sur les sept pour l'instant disponibles, c'est qu'il sert surtout de tome d’exposition (mais quelle exposition !).
En définitive, d'une idée qu'il n'est pas le premier à avoir eu, Ed Brubaker en tire un résultat tout à fait original, et captivant.
Manifestement Marcos Martin met tout son talent de dessinateur et de storyteller dans la balance, et donne à voir l'un de ses meilleurs boulots (je n'en connais cela dit pas de mauvais, ni même de moyen).
Et cherry on the cake, la coloriste Muncha Vicente apporte la touche de savoir-faire, à ce qui sans elle ne serait pas le petit chef-d’œuvre artistique qu'est « Friday ».
Un premier tome qui est tout simplement l'une des meilleures BD que j'ai lues cette année. Et je gage qu'elle restera longtemps en haut de mon palmarès personnel.
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