En novembre 1969, les Rolling Stones font une tournée aux U.S.A., le groupe est alors dans une situation financière précaire.
En août de la même année un concert gratuit gigantesque, qui s’est déroulé sur la côte Est, près de Woodstock, fut un énorme succès.
Le Greatful Dead, un des groupes phares de l’époque envisage alors de monter un
« Woodstock de la côte Ouest ». Le projet échouera, mais les Stones, qui veulent réussir leur tournée américaine et effacer les nombreuses critiques qu’ils essuient alors ; essentiellement sur le prix des places trop élevé, reprennent l’idée d’un concert gratuit.
Celui-ci aura finalement lieu le 6 décembre 1969, sur le circuit automobile d'Altamont, en Californie du Nord.
The Altamont Speedway Free Festival™ deviendra aussi célèbre que The Woodstock Music and Art Fair™ - respectivement connus sous les noms d’Altamont et de Woodstock - mais pour des raisons diamétralement opposées.
Ce concert donc, promu par les Stones, est la toile de fond, un quasi McGuffin® même, de l’album homonyme, scénarisé par Herik Hanna, dessiné par Charlie Adlard, et commercialisé en France par les éditions Glénat™.
Un arrière-plan, important certes, essentiel même, mais un arrière-plan seulement. Car il n'était pas question pour Adlard, dès le début, de faire un documentaire sur le concert d'Altamont.
Ce n’est pas la première fois que Herik Hanna travaille avec un dessinateur de bandes dessinées américaine ; il a notamment scénarisé L’Héritage du Kaiser pour Trevor Hairsine, et Void avec au dessin Sean Phillips, deux albums parus aux éditions Delcourt™.
Et c’est justement Thierry Mornet, responsable du catalogue « comic books » de la maison d'édition de Guy Delcourt, qui mettra en contact Charlie Adlard avec Herik Hanna.
Le natif de Shrewsbury, en Angleterre, qui a fait ses armes dans les revues anglaises telles que 2000 AD ou Judge Dredd Megazine, au début des années 1990, avant de connaitre une consécration internationale avec la série Walking Dead, avait en effet en tête une histoire qui devait se dérouler pendant les Sixties, autour de la musique (Charlie Adlard est aussi batteur), et où le contraste entre les années 1960 et les années 1970 serait questionné.
Ses contacts du côté américain, au départ « Altamont » est un projet destiné au marché de la BD étasunien dans l’esprit de Charlies Adlard, n’ayant rien donné, il s’en ouvre à Thierry Mornet lors d’une conversation.
Ce dernier, qui n’est pas pour rien dans la notoriété de Walking Dead en France, le met alors en contact avec Herik Hanna, scénariste connu pour ses thrillers cousus de main de maître.
Et le courant passe tellement bien entre les deux hommes que Herik Hanna envoie au dessinateur un traitement de 130 pages, qui contient exactement ce qu’Adlard avait lui-même en tête.
« Altamont » est donc l’histoire d’un groupe d’amis originaires de Bakersfield, une ville située dans le Sud de la Californie, qui font route ensemble vers Altamont pour le concert du 6 décembre 1969. Au Nord de l'État donc.
Il y a « Doc », un ancien combattant de la guerre du Vietnam, qui vient de reprendre ses études de médecine, sa copine, elle aussi étudiante Jenny ; Leonard dont la mère ne comprend pas la vie qu’il mène, « Shizo » dont le surnom annonce d’entrée la couleur et Mike.
Et puis il y a Samantha, l’amie de Jenny.
Ils font route dans un Combi Volkswagen® ; évidemment !
Par la force des choses ce qui m’a scotché - littéralement - à cet album de plus de 130 pages, ce sont principalement les pages de Charlie Adlard. C’est simple, dans cet album, côté artistique, il fait tout : les dessins donc, l'encrage et les couleurs. Son travail dans ce dernier registre, et pour la première fois sur un nombre si important de pages, est pour le dire vite : époustouflant. En plus d’être un élément narratif essentiel à l'atmosphère de l'histoire.
« gros grains », si je puis dire, pour un résultat qui n’est pas sans rappeler le propre « travail » de Roy Lichtenstein, figure tutélaire du Pop art étasunien. Et qui n'a rien d'une coïncidence.
Quand la forme épouse le fond, en quelque sorte. <sourire>
Pourquoi préciser que mon intérêt a été maintenu - d’abord & avant tout - grâce au dessin ?
Eh bien, parce que côté scénario, Herik Hanna est dans le registre (très) convenu pour une histoire qui se déroule à cette époque.
Voyez vous-même : on y trouve de jeunes gauchistes rebelles à l'autorité, de la musique, de la drogue, un road-trip ; bref la quintessence des Sixties telle qu'on nous la vend encore aujourd'hui.
Il faut dire aussi que c'est en plein le sujet de l’album. <Sourire contrit>
Ceci dit, connaissant (et appréciant surtout) les scénarios de Hanna, je lui faisais toutefois confiance pour cuisiner avec ces ingrédients clichés, quelque chose de plus d’inattendu, de surprenant.
« Altamont » est l’un des tout meilleurs albums que j’ai lus cette année.
Si Charlie Adlard fait un travail de toute beauté, en plus d’être inventif question storytelling, Herik Hanna ne démérite pas non plus (loin s'en faut !), et offre un scénario astucieux, qui rend compte très finement de cette année 1969 ; du moins ce qu’en a retenu l’hagiographie médiatique.
En outre, sans avoir voulu faire, à proprement parler, un documentaire sur le concert éponyme, l'album restitue bien son atmosphère, en tout cas telle que le documentaire Gimme Shelter1979, de Maysles & Zwerin, en rend compte.
On peut aussi y lire un constat sur les Sixties, et qui pour le coup ne va pas forcément dans le sens auquel on s'attend. (Ce qui me va très bien, puisque c'est peu ou prou ma propre intuition).
Très très recommandé.
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