Elles se heurtent forcément à des paradoxes, voire plus simplement oublient que par essence, si on est capable de voyager dans le temps, l’histoire que l’on est en train de lire peut être tout simplement annulée, ou déviée de son cours, par l’un des personnages - justement - capables de voyager dans le temps.
Garth Ennis s’y confronte néanmoins durant un mandat de six numéros qui mettra en scène Midnighter.
L'un de ces justiciers postmodernes qui désormais prolifèrent, mais qui lui à la différence des autres, a eu son Quart d’heure de célébrité®, si je puis dire ; en devant sur un malentendu (entre le scénariste Warren Ellis et le dessinateur Bryan Hitch), homosexuel.
Si si !
En effet, Midnighter est au départ un avatar de Batman (mais beaucoup plus violent), qui fait équipe avec Apollo, un archétype à la Superman.
C'est d'ailleurs l'une des particularité des justiciers postmoderne ; en plus d'agir comme des criminels ils sont ouvertement les copies ironiques de personnages très populaires.
Ce duo donc, somme toute peu original, devient d'un coup (sic) un couple très queer, et surtout très en phase avec leur époque. D'où leur relative et éphémère notoriété en dehors de leur domaine d'action, la bande dessinée américaine.
Mais cela ne nous regarde pas, mon cher Jean-Michel. Lorsque commence « Machine à tuer », la mini-série de 6 numéros dont il est question ici, Midnighter s’ennuie. Il choisit donc le hasard, une mappemonde qui tourne et lui qui pose son doigt dessus, pour passer le temps.
Utilisant une technologie extraterrestre (un vaisseau spatial appelé le Porteur), il se rend sur les lieux désignés pas son doigt (non ce n'est pas sale) pour en découdre.
Je vous ai dis que ce personnage était un psychopathe ?
L'intervention qui suivra est peu claire, et finalement peu nécessaire au plat de résistance de l’aventure que vont nous raconter le scénariste Garth Ennis et le dessinateur Chris Sprouse (ce dernier sera remplacé par certains de ses collègue au fil des 5 numéros suivants).
Reste que lorsque le vigilante en cuir rentre au bercail en utilisant les « portes » du Porteur (sic), il est intercepté par des gens qui visiblement ne lui veulent pas du bien. (Voir supra)
Je vous passe les détails, mais un dénommé Paulus lui met un marché en mains.
Ne vous attendez pas toutefois pas à ce que ledit marché soit original, Ennis a décidé de jouer au plus malin.
Paulus ordonne à Midnighter, je vous le donne Émile, de tuer Hitler. Avant, bien évidemment, qu’il ne fasse fureur.
Et là, notre personnage principal, qui n’a eu aucun scrupule à débarquer en Afghanistan par hasard pour s’en prendre, sans prendre (sic) le temps de la réflexion, à un camp plutôt qu’à un autre, non sans avoir fait un peu de moral au passage, ce personnage disais-je, a soudain des [Attention sexisme] pudeurs de jeunes filles lorsqu’il faut régler son compte à Hitler.
Pour ceux qui ne le saurait pas, Midnighter fait partie d’un groupe de super-héros, lorsqu'il ne fait pas cavalier seul, réputé pour être « proactif » ; une manière d’agir qui pendant un moment à fait florès dans le monde de la bande dessinée américaine de super-héros.
Il s’agissait donc, si on voulait être « proactif », d'agir plutôt que de réagir.
Être proactif c'est devancer le problème avant qu'il n'ait lieu. C'est agir sur les faits et les processus à venir. On n'est guère ici éloigné des agents de Précrime™, imaginés par Philip K. Dick dans Minority Report. C’est aussi une de ces idées dont le management entrepreneurial est friand.
D'où l’étrange réticence de notre ami en cuir, puisque d'une certaine manière, tuer Hitler avant qu’il ne mette une partie du monde à feu et à sang, c’est être proactif.
Certes de manière rétroactive, mais une telle occasion se loupe-t-elle ?
Eh bien oui.
Midnighter va ainsi passer un certain nombre de pages à tenter trouver une façon de la faire à l’envers à son maître-chanteur, Paulus, plutôt que de flinguer Hitler.
Et ce qui devait arriver arriva ; Midnighter rencontra une police temporelle.
Oui je sais ce que vous vous dites, Garth Ennis n’a pas dû trop suer sur son scénario.
Mais vous n’avez pas encore lu la suite.
PAUSE.
Oui je vous propose une pause, imaginez, vous êtes disons en 1933, et vous êtes le Premier ministre de la Grande Bretagne. Un type extrêmement bien informé, un agent de renseignement hyper-doué vient vous trouver avec toutes les preuves de ce que deviendra le IIIéme Reich. Et là, vous réfléchissez et vous lui répondez : « D’accord, mais si on tue Hitler, ….. cela ne va-t-il pas modifier le cours de évènements ? ».
Mais oui triple buse, tout ce qu’on fait modifie de facto la cours des évènements, c’est Alain, le philosophe, je crois, qui disait quelque chose comme :« on sait ce qu’on fait, mais pas ce que fait ce qu’on fait. ».
Or donc, dans le cas qui occupe « Machine à tuer », Midnighter n’est jamais qu’un type qui sait ce que va faire Hitler. Qu’il vienne du futur ou pas, ne change rien fondamentalement. La diplomatie, le renseignement par exemple, c’est justement se projeter dans l'avenir, sans savoir ce qu’il sera, tout lui donnant l’impulsion nécessaire pour être ce qu’on désire qu’il soit.
Mais non, c'est non et Midnighter se refuse à le faire.
Je précise ici, que le super-pouvoir de Midnighter c’est justement de prévoir, d’anticiper, ce que vont faire ses adversaires. Oui c’est ballot !
Alors certes, les esprits chagrins avanceront que tout ceci n’est pas très fair-play, car on n'est plus dans l’anticipation, mais dans la certitude. Mais justement !
Ensuite depuis quand doit-on être fair-play avec Hitler ?
Ça y est, bon, inversez les rôles. Étonnant, non !?
Mais le temps passe et je me disperse ....
Vous remarquerez toutefois, si vous lisez un jour cette histoire, que Midnighter n’aura par contre aucun scrupule à dépêcher un soldat de la Première Guerre mondiale, pour délivrer un message soixante ans plus tard.
Vous remarquerez toutefois, si vous lisez un jour cette histoire, que Midnighter n’aura par contre aucun scrupule à dépêcher un soldat de la Première Guerre mondiale, pour délivrer un message soixante ans plus tard.
» soupire «
Mais poursuivons. Je ne voudrais pas manquer la deuxième scène de vertu ostentatoire (la première a lieu au tout début, en Afghanistan).
Alors qu’il voyage à toute blinde dans le Temps, Midnighter avoue au chef de la patrouille temporelle avec qui il est en cheville, depuis leur rencontre dans les tranchées, qu’il est gay.
« Qu’est-ce que ça veut dire ? » demande-t-elle.
Oui, vous lisez bien, on envoie des gens patrouiller dans le temps sans qu’ils connaissent les us et coutumes des époques où ils interviennent. On dirait le gouvernement Macron.
Mais non, vous êtes naïf, Garth Ennis veut simplement que vous sachiez qu’au 96ème siècle, il n’y a plus de préférence sexuel. Et ça semble réjouir Midnighter qui s’exclame :
Un Midnighter qui pourtant, préfère les hommes. Allez comprendre (oui je sais que vous avez parfaitement compris).
Reste le morceau de choix de cette aventure.
Rappelez-vous ; Anton Paulus envoie donc Midnighter dans le passé pour qu’il tue Hitler, car ce dernier est responsable de la mort de ses parents, internés dans le camp de concentration de Bergen-Belsen en Allemagne.
Mais coup de théâtre, son père n’était pas juif, gitan, ni homosexuel, il, je cite : « ne faisait pas partie des victimes innocentes des nazis ». Ce qui nous apprend qu'il y avait donc des victimes coupables des nazis. Bigre !
Son père était en effet plus simplement, un opposant à Hitler, et ce dès les années 1930. Mais attention nous dit encore Midnighter, qui a eu le temps de faire son enquête (mais pas de remonter le Temps avant de se faire alpaguer par Paulus, quelle tête en l'air) : le père de Paulus était « une répugnante teigne élitiste » qui pensait alors qu’un minable petit caporal « était indigne de mener la purification raciale du IIIème Reich ». Et oui, c’est aussi simple que ça.
Le père d'Anton Paulus était, lui aussi un salaud.
Donc si je récapitule, Midnighter n'a pas tuer Hitler, dont on connait les exactions, pour éviter qu'un type tout aussi dangereux ne prenne sa place. Je veux dire qu'il prenne sa place, de manière tout à fait hypothétique.
Bref, Garth Ennis n'a pas réussi à me convaincre que les histoires de voyages dans le temps étaient intéressantes, par contre cette mini-série m'apprend qu'il était déjà corrompu par le progressisme (attention faux-ami) au début du siècle.
Nan, j'rigole, je sais qu'Ennis est un faux dur depuis sa série phare Preacher.
(À suivre ......)
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