« L’Or et le sang » est une aventure en quatre albums2009-2014, située entre Henry de Monfreid et Kipling, et dont la proximité avec le Lawrence d'Arabie de David Lean n’échappera à personne. On a vu des voisinages moins avantageux.
Or donc, au cœur de la guerre des tranchées de 14-18, trois hommes vont se rencontrer : Calixte de Prampéand l’aristocrate, Léon Matilo un nervi Corse & Ahmed, le Rifain.
Pour différentes raisons, le retour à la vie civile de Matilo & Prampéand se passera mal, si bien que les deux amis s’uniront pour monter une affaire de contrebande d’armes entre Marseille et Tanger.
L’affaire tournera court, mais ce contretemps servira de révélateur aux deux hommes, et l’aventure reprendra bien évidemment le dessus.
Arrivés à Tanger les deux aventuriers trouvent un acheteur, puis tombe dans une embuscade sous-traitée par les Espagnols - qui à l’époque (1920-1926) se « partagent » le Rif (région montagneuse du Maroc septentrional) avec les Français, non sans avoir, justement, déjà rencontré un sympathique officier français. Du 2e bureau !
Dans les geôles espagnoles les deux lascars retrouvent Ahmed, engagé dans la rébellion indigène - ce qu’on nommera donc la « guerre du Rif », connue chez les historiens comme la première guerre de décolonisation utilisant des moyens modernes (armement, communication, propagande).
Alors que les deux Français attendent leur libération contre rançon, sur un coup de tête et pour sauver celle d’Ahmed, ils s’évadent « l’arme au poing » !
Toutefois l’aventure manque tourner court, mais l’amour ravivera le romantisme héroïque de l’aristocrate en rupture de ban, qui se transformera, pour l’occasion, en « Prampéand du Rif », et où Abdelkrim el-Khattabi (par ailleurs oncle d’Ahmed) remplacera en lieu et place le prince Faiçal des propres aventures de T.E. Lawrence.
En effet, les similitudes entre le destin d’Otto Josef Klems (personnage historique & de fiction, donc) qui devint lui aussi le conseillé d’Abdelkrim el-Khattabi, et celui de Calixte de Prampéant sont assez troublantes.
Pas au point d’être identiques, rassurez-vous.
Or donc, comme vous vous en rendez compte,
« L’Or et le sang » mélange la fiction romanesque la plus explosive avec l’Histoire, « celle avec sa grande hache », pour ce qui devrait être notre plus grand plaisir.
Mais justement ……
« déconstruire » la civilisation occidentale.
L’un n’empêchant pas l’autre, me direz-vous.
Il est en effet quasiment impossible d’échapper, de nos jours, à un – plus ou moins – discret discours anti-Occident. Discours auquel n’échappent ni le divertissement de masse - surtout (ci-contre, l'acteur Jihad (sic) Alexander Abdallah aurait été recruté pour incarner à l'écran le roi Gustav III), pas plus que les universités et les vulgarisateurs (voir infra les propos de Laurent Henninger).
Ainsi la guerre du Rif opposa-t-elle pour faire simple, la puissance occidentale (Espagne + France) aux tribus Berbères sous la conduite d’Abdelkrim el-Khattabi (qui proclamera, en 1921, une république du Rif, Jumhuriyya-ar-Riffiyya), et au nom du djihad. C’est-à-dire, de la guerre sainte.
Autrement dit, dans l’esprit des historiens, et de nos scénaristes ici présents, l’islam est une religion autochtone. Elle n’est pas le fruit d’une colonisation Arabe, antérieure. <sourire>
Qu’Abdelkrim el-Khattabi appelle à la guerre sainte pour unifier les tribus Berbères est une bonne chose, puisqu’il combat le colonialisme. Blanc !
Calixte de Prampéant s’y convertira d’ailleurs, pour épouser Anissa, une digne veuve. Que le récit met en concurrence - sans en avoir l’air, mais on connait la chanson -, avec l’épouse légitime de l’aristocrate d’Asnières, qui elle, n’a pas hésité à le tromper avec son beau-frère, alors que son mari risquait sa vie pour la France.
Le mariage de Calixte est ainsi l’occasion d’enfoncer un clou de plus dans le cercueil de l’Occident, je cite : « Si un jour t’as la chance d’être invité à un mariage berbère, mon petit Noël, souviens-toi des paroles de ton grand-père, et fonce. Rien à voir avec nos sermons et nos églises ! C’est beau, c’est coloré, c’est joyeux .. ».
Je disais donc que « L’Or et le sang » utilise, en toile de fond, l’Histoire.
Une Histoire avec laquelle les scénaristes prennent d’étonnantes libertés.
Au point d’inventer un bombardement, au gaz moutarde, effectué par la France sur les insurgés Rifains.
Sauf que ce bombardement n’a jamais eu lieux, puisque seuls les Espagnols ont utilisé les gaz dans ce conflit.
En outre le coloriste s’est trompé dans la couleur des cocardes, chez les Français c’est le bleu qui est au centre. Les coloristes, Sandrine Bonini & Alice Bohl pour cette page (et les albums 3 & 4), et Romain Trystram pour les deux précédents ; font toutefois un travail formidable.
D’aucuns y verraient peut-être une erreur (non, je ne parle pas de la cocarde), j’y vois pour ma part un mensonge.
Preuve d’une oikophobie, symptôme très courant chez les progressistes (attention faux-ami).
Autre exemple, celui de Francisco Franco Bahamonde.
La plupart des historiens s’entendent pour dire que Franco n’était pas un individu brillant. Jusqu’à ce qu’il s’engage dans l’armée et surtout qu’il arrive en Afrique. Là, il se signalera comme l’un des officiers les plus braves et décorés de l’armée espagnole.
Il y gagnera par ailleurs un surnom, celui d’el Caudillo, le chef !
Si ce surnom dépassera largement les frontières de l’armée et de l’Espagne elle-même, pour les raisons que l'on sait, il est absolument absurde de faire de lui un intrigant qui désire conquérir l’Espagne ..... dès 1925 !?
Absurde certes, mais non dénué d’arrière-pensées.
Pour Nury & Defrance, Franco est donc un lâche, et un dictateur en herbe.
C’est beaucoup d’acharnement pour un personnage qui n’occupe finalement, au sein de l’intrigue proprement dite, qu’une bien petite place. Et ce n'est sûrement pas gratuit.
En définitive, « L’Or et le sang » est à la fois une très bonne histoire d’aventures, tous les ingrédients y sont. Et un outil de propagande, et de conversion, au service d’une détestation de l’Occident. Le soft power progressiste dans ce qu'il a de plus efficace, en somme.
La conquête de territoire n'est pas le fait que des occidentaux, les Arabes par exemple, ont été de terribles colonisateurs. Même les Maoris ont leur part dans ces conquêtes qui ont traversé tout le globe, tout au long de l'Histoire.
Le Maghreb arabe que l'on connait encore aujourd'hui, est d'ailleurs le fruit d'une conquête. Comme l'a été Al-Andalus, en son temps ; tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir un Charles Martel. <sourire>
Mais aux yeux de gens comme Defrance & Nury, (mais pas qu'eux), ceci ne compte pas. La haine de soi est telle, qu'ils concentrent leurs efforts et leur talent a dénoncer l'Occident.
Sans s'interdire de mentir, comme on a pu le voir.
Reste que « L'Or et le sang » est une très bonne histoire, captivante de bout en bout. Et ce sont les pires, ces divertissements qui sous couvert d'évasion, nous enferme dans des schémas mensongers où l'Homme blanc est invariablement quelqu'un de mauvais.
Ainsi, les occidentaux, peut-on lire sous la plume de l'historien Laurent Henninger (in Guerres & Histoire n°23) sont dotés « d'une volonté prédatrice ahurissante et une obstination littéralement démoniaque, [..] une capacité unique, par le degré de violence qu'ils introduisent (ce qui est bien différent de leur degré de cruauté de leurs pratiques), à faire voler en éclats l'écologie de la guerre à l'intérieur d'une aire civilisationnelle. [..] ». On appréciera le vocabulaire employé (la couverture du magazine en question titrait : « Les défaites de l'homme blanc », je n'invente rien).
(À suivre ?)
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