Derrière l'accrocheuse couverture du premier tome de ce qui s'annonce comme une trilogie - dont deux tomes sont déjà parus, le prolifique scénariste Philippe Pelaez et le visiblement très talentueux dessinateur Benjamin Blasco-Martinez nous invitent à lire un planet opera version « 12 salopards ».
Un empire galactique en manque de source d'énergie, en découvre une. Manque de chance, un mur énergétique invisible empêche d’accéder à la source en question.
Après plusieurs tentatives infructueuses, entraînant la mort de tous ceux qui ont tenté de passer, le gouverneur de Kadingirra se résout à y envoyer une groupe de criminels.
Contre toute attente, leur vaisseau spatial passe, entraînant à sa suite le lieutenant Sinclair Smith, un dur-à-cuire de l'armée impériale.
Tout en racontant le déroulement des tentatives infructueuses, puis celle réussie des criminels, Pelaez & Blasco-Martinez, insèrent des flashbacks biographiques sur certains des « salopards » envoyés au casse-pipe.
Ce qui n'empêchera pas une révélation fracassante, de toute dernière minute, sur l'un d'entre eux.
Criminels disais-je, mais, comme (trop) souvent, le scénariste n'évite pas l'écueil de l'hybristophilie.
Autrement dit, certes ce sont pour la majorité (?) des assassins, mais ils ont - aussi - un cœur, nous dit-il explicitement <sourire>.
Daniel par exemple, tue des gens pour le compte d'un parrain mafieux, mais c'est pour aider son pauvre père ; « contrairement aux idées que l'on a pu se faire c'est quelqu'un de très humain » aurait pu dire à son endroit quelqu'un comme l'avocate Olivia Ronen (oui j'éclaire cette fiction de situations réelles, ce qui va à l'encontre d'une lecture de pur divertissement, mais le scénariste ne s'en prive pas non plus).
Un autre exemple, Barouk, qui après avoir pulvérisé ses cibles, fond en larme à la vue d'une poupée d'enfant (après investigations, elle ne vient pas de chez Shein™).
D'autant que les dirigeants de l'empire semblent être eux-mêmes de sacrés crevures. Mention « masculinité très toxique » pour le directeur de la prison, même si l'empereur semble être un surdoué, s'agissant de parentalité, elle aussi (forcément) toxique.
Toutefois nos six « salopards » ne sont pas seulement des crapules aux circonstances atténuantes, ce sont aussi des forts en thème.
Ainsi peut-on les entendre disserter sur la finitude des civilisations ; comment, pourquoi, quoicoubeh ?
Sur le progrès, aussi. Ce qui nous vaut une déclaration très péremptoire de Daniel : « Judith a raison. Le progrès est une question de métissage ». Sans blague !
Un peu plus loin Daniel affinera son point de vue (là non plus, sans aucune contradiction) :
Ouf, on a échappé à l’amincissement de la couche d'ozone.
Mais vous avez compris l'essentiel, « Noir horizon » est une bande dessinée, du moins son premier tome, au discours foncièrement progressiste.
Mais vous avez compris l'essentiel, « Noir horizon » est une bande dessinée, du moins son premier tome, au discours foncièrement progressiste.
Les criminels sont le fruit de la société, laquelle est bien sûr dévoyée, et n'oubliez pas de vous métisser.
Bref, en plus de nous rejouer Les Douze salopards dans l'espace, ce qui est plutôt une bonne idée. D'autant que Benjamin Blasco-Martinez donne à cette aventure toute l'ampleur et l’énergie nécessaires, Philippe Pelaez avoue - modestement- que
« Noir horizon » est une réécriture du fameux texte sur la servitude volontaire de La Boétie. Rien que ça.
Moi qui croyait me payer une bonne tranche de dépaysement et d'évasion avec une bande repris de justice (sic), me voilà embarqué dans un récit philosophique, où visiblement des criminels endurcis vont m'expliquer qu'une fois résolu à ne plus servir, je serai libre, et que le progrès est une affaire de métissage ; j'ai connu des professeur plus dignes de confiance.
C'est en tout cas une belle leçon de relativisme ; comme le disait fort justement Leo Strauss : «« Si tout se vaut, alors l’anthropophagie n’est qu’une question de goût. ». Alors pourquoi pas une bande de criminels en lieu et place de professeurs de philosophie ?!
Dans les années 1950, André Bazin élaborait le concept de « sur-western », dont voici la définition : « un western qui aurait honte de n'être que lui-même et chercherait à justifier son existence par un intérêt supplémentaire d'ordre esthétique, sociologique, moral, psychologique, érotique ». « Noir horizon » me fait cet effet, un planet opera qui cherche à justifier sa nature un peu vaine de distraction, avec un arrière-plan intellectuel, non sans oublier non plus de signaler sa propre vertu en nous régalant de « métissage ». Et de lutte des classes <rire>.
Et je ne parle même pas d'utiliser la tarte à la crème sociologique des criminels qui sont sont aussi des humains, « Ils disaient toujours bonjour ». Et qui, à l'issue de leur voyage héroïque se transforment donc en « guerrier de la justice sociale » :
Ce progressisme ostentatoire est d'autant plus désolant qu'avec seulement cette histoire de source d'énergie inaccessible et d'individus de sac et de corde, il y avait moyen de raconter quasiment la même histoire.
Le Diable est dans les détails, nous dit-on !
Dommage !






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