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Alan Moore en chemise brune à fleurs

Difficile de savoir comment les choses peuvent tourner. 
Ainsi cet entretien datant d'il y a 4 ans qu'Alan Moore a accordé au magazine Métal Hurlant
            Le célèbre scénariste de bande dessinée n'a jamais ménagé ses critiques envers le monde de l'édition américaine de BD. Cependant son discours s'est au fil du temps durci, au point de critiquer également les lecteurs de comics
            La BD dit-il, dans un entretien accordé en 2020 mais qui paraît seulement cette année dans le numéro 10 (« La Mécanique du grain de sable ») de la revue Métal Hurlant, la BD donc était « à l'origine destinée aux classes défavorisées, un os culturel à ronger [..] partant du principe que les travailleurs étaient enfantins, simples d'esprit, à peine alphabétisés et seulement capable de suivre une histoire s'il y avait des images [..] ». 
Outre un parfum où apparait en filigrane une conspiration orchestrée par on-ne-sait-qui, ce discours distille également un mépris flagrant pour ceux qui, à l'époque, ont bâti ce qui deviendra l'Âge d'or© de la BD américaine. Lumpenprolétariat d'un opium du peuple de mauvaise qualité. 
Les Ditko, Wood, Kirby, Baxendale, Bellamy, Fox etc. apprécieront j’en suis sûr. 
            Mais le natif de Northampton ne s'arrête pas là. « Les plus grands créateurs de bandes dessinées grand public étaient tous issus de la classe ouvrière [..] » précise-t-il. J'ajouterai que les moins doués aussi, puisque par définition les places étaient occupées par des gens qui avaient besoin de travailler. CQFD !
Et que la BD n’avait alors aucun poids culturel. Pour avoir un peu de reconnaissance dans ce secteur, il fallait travailler pour les éditeurs de strips, que publiait la presse. 
            Mais en disant cela Moore veut surtout pointer du doigt que ladite classe ouvrière a été spoliés de ses créations au profit des éditeurs. Alan Moore est-il un marxien qui s’ignore !? <Sourire en coin>
Mais le sémillant septuagénaire utilise d'autres mots s'agissant des éditeur : des « valets d'un autre milieu social », voire des « conservateurs rapaces [..] de la classe moyenne. ».  
« Membres des sections d'assaut de l'intelligentsia progressiste unissez-vous ! »
            Toutefois il faut contextualisé ce qui peut l'être. 
Par exemple, au début de sa carrière, travailler sur des personnages inventés par d'autres, au profit d'un puissant éditeur ne gênait pas le jeune Moore. 
Watchmen, l'un de ses chefs-d’œuvre, certainement le plus connu, est une variation sur les « Action Heroes™ », personnages qu'avait supervisés par Dick Giordano pour l'éditeur Charlton™. 
Dans un premier temps les protagonistes de cet excellent thriller, rachetés par DC Comics™, devaient être repris sous leur propre patronyme avec le bagage mémoriel qui était le leur auprès des fans, avant que DC™ ne décide - devant le traitement que leur faisait subir l'impétueux Moore - de lui demander d'inventer ses propres personnages.
Watchmen a été, je crois, le déclencheur de sa croisade anti-éditeur. Et peut-être aussi de sa croisade morale. 
            En effet, le héros de la maxi-série est sans conteste Rorschach, un personnage aux antipodes de la propre idéologie de son créateur. Et qui s'est émancipé de sa tutelle, ce qu'on appelle aujourd'hui l'Effet John Walker®.
Sorte de rejeton légitime de Travis Bickle et de MR. A, imbibé jusqu'à la moelle de la philosophie objectiviste d'Ayn Rand (fervente anti-communiste <sourire>), Rorschach aurait dû être un repoussoir, mais Moore a été victime de ce que l'on appelle donc
l'Effet John Walker®.  
Une situation qui s'explique lorsqu'un auteur invente un personnage, généralement conservateur, pour servir d'antithèse à son point de vue. Et qui doit servir de faire-valoir en incitant les lecteurs à le rejeter.
Mais contre toute attente ce personnage présente des arguments solides et agit comme n'importe qui de bons sens s'y attend.
Fatalitas !
Les lecteurs le trouve bien plus sympathique et héroïque que n'importe quel autre personnages de l'histoire.
Or donc, en créant un anti-héros peu recommandable à ses propres yeux, celui-ci s'est révélé être le plus noble, et le plus humain des protagoniste ; quelqu’un qui n'hésite pas à sacrifier sa propre vie - la définition même du héros - non sans faire preuve d'un pragmatisme qui fera de la conclusion de la maxi-série en question une des fin ouverte les plus élégante jamais imaginée. Signé Rorschach !
            Sur l'échelle du Wokiscore™ Moore apparait sans conteste comme un zélé militant avant même d'être l'excellent scénariste qu'il a été.
Son ralliement à Extinction Rebellion™ ou à Occupy Comics™, sa joie de voir le masque de Guy Fawkes devenir le totem d'Anonymous™ (quand bien même l'argent de ceux qui l'achète tombe-t-il dans les poches des « conservateurs rapaces [..] de la classe moyenne. »), son legs à Black Lives Matter™ de ses propres droits télévisés et cinématographique des futurs adaptations de ses travaux (alors que des rumeurs de détournement d'argent et d'enrichissement personnel sont apparues dans les compte de l'association) transforment son point de vue de Sirius en un militantisme féroce. Ce sur quoi le journaliste ne semble pas vouloir l'interroger. 
            Il faut dire que le progressisme (attention faux-ami) n'est jamais questionné en tant qu'idéologie, car pour les tenants du pouvoir culturel il est aussi naturel que l'air qu'on respire. Ce sont les autres qui pollue le « monde des idées » ; l'idea space si chère à Moore. Ce qui n'empêche pas l'autodiagnostiqué magicien de Northampton <rire>, de se demander s'il est « excessif de suggérer que les personnages en charge de nos médias de divertissement developpent une sorte de position morale ? ». Une position morale qui épousera la sienne, bien entendu. Ce qui n'est pas sans soulever un paradoxe chez quelqu'un qui se revendique anarchiste. Bref, pour l'édification des masses « enfantin(e)s, simples d'esprit, à peine alphabétisé(e)s », rien n'est trop bon. 
            Sa dialectique autour de la censure et de la critique vaut son aussi pesant de cacahuètes salées. 
J'aurais beaucoup aimé entendre ce qu'il avait à dire au sujet des réécritures des romans de Ian Fleming par exemple, des triggers warnings (supra) comme pour la série Gotham City: Year One de Tom King (lui qui s'était battu en son temps contre l'instauration d'une signalétique par âges sur les couvertures des comics), des relecteurs susceptibles (sensitivity readers), du choix de ne pas rééditer certaines aventure de Picsou, de l'autodafé du conseil scolaire de l'Ontario ; bref je me demande si l'offensive progressiste en constante progression (sic), quatre ans après cette interview, lui donnerait à réfléchir ? 
Et les appels au meurtre de J.K. Rowling, qu'en pense-t-il ? Lui qui voyait dans Harry Potter un anti-christ (supra). Lui qui dénonce, dans l'entretien accordé à Jean-Emmanuel Deluxe, des touristes chrétiens fondamentalistes américains qui se seraient opposer, à Northampton, à des expositions relatives à Charles Darwin. Ce qui ne manque pas de sel lorsqu'on s'intéresse au mouvement LGBTetc, oui ceux qui appellent au meurtre de la Britannique qui leur fait l'affront de se référer à la biologie pour définir ce qu'est une femme.  
            La position morale qu'il demande aux éditeurs, va-t-elle jusqu'à justifier que DC Comics™ autorise à Magdalene Visagio de transformer Conner Kent (alias Superboy) en un personnage transsexuel ? 
            La liberté d'expression est aussi sujette à caution. 
Ainsi déclare-t-il que « Très souvent, ces affirmations d'oppression semblent se résumer au souhait de pouvoir raconter des blagues sur le viol ou sur la race sans que personne ne vous fasse remarquer que vous êtes un trou du cul. ». Venant de quelqu'un qui stigmatise les fantasmes des « hommes blancs » ça pourrait prêter à rire. Sauf que discriminer les Blancs, eh bien c'est progressiste.
Ou s’agissant de viol, chez quelqu'un qui a défini trois de ses personnages dans Watchmen au travers justement....... d'un viol, malaise !!!! 
            Moore, comme tous ceux que l'on sollicite pour donner leur avis simplement parce qu'il ont acquis un certain degré de notoriété, a fini par croire à son propre personnage. Prisonnier en quelque sorte, de sa rente intellectuelle.
            Ainsi se moque-t-il du Comicsgate™, sans se rendre compte, que même selon sa propre définition, les auteurs ainsi étiquetés sont victimes de la censure des éditeurs. Mais puisque le « Camp du Bien » en a fait des monstres du « côté obscur », Moore se joint à la meute. 
Sauf que certains de ses parias on pris le taureau de la censure par les cornes, et ce sont mis à leur propre compte. Ce que Moore n'a pas réussi à faire. Hormis avec Mad Love™, qui n'a pas durée très longtemps. 
            En définitive, Alan Moore a toujours été un agent du système qu'il critique pourtant. Dernièrement encore il a obtenu un contrat avec Bloomsbury™ pour une série de cinq romans. Tant mieux pour lui, mais pour quelqu'un 
qui déteste les « valets d'un autre milieu social » que son les éditeurs ça laisse perplexe.
          Pour en revenir au Comicsgate™, dont Chuck Dixon explique en substance que leurs bandes dessinées sont apolitiques, contrairement à Marvel™ ou DC Comics qui eux ont un agenda politique - je lis les travaux de gens comme Aaron Lopresti, Mike Baron, Art Thibert, Chuck Dixon ou d'autre qui en dehors des circuits officiels creusent le sillon d'une bande dessinée de divertissement, loin de la morale de ceux qui veulent imposer la leur aux autres. 
            Jean-Emmanuel Deluxe interroge, toujours dans ce même entretien, Moore sur la contre-culture moderne. 
Eh bien elle est là Alan la contre-culture, chez ces gens-là. Pas seulement chez eux non plus. Et tout n'y est pas sans reproches. mais au moins sont-ils une alternative à la doxa progressiste.
            Un entretien qui me fait dire que si tous n'en sont pas mort, rare sont ceux qui ne sont pas frappés de cette lèpre bien-pensante.

(À suivre ....)

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