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Avant l'aube [Xavier Boissel]

Décembre 1966, le corps sans vie d'une jeune femme est découvert à proximité de la ligne ferroviaire qu'on appelle Petite ceinture. 
Philippe Marlin
, qui vient d'être muté à la Crim’, va déshabiller ce fait divers pour s'apercevoir qu'il porte des dessous politiques. 
            « Avant l'aube » est l'autopsie d'une société en devenir. Mais pas seulement. 
Héros tragique, en ce qu'il n'aura d'autre choix que de faire pire que les conséquences de ce à quoi il s'oppose, Philippe Marlin est, comme son presque homonyme détective américain un chevalier arthurien qui s'est trompé d'époque. 
Une analogie que le roman de Xavier Boissel, qui fonctionne comme une parodie du genre chevaleresque, ne cesse de rappeler. Le dénouement est, en ce sens, très révélateur. 
            Roman policier hard-boiled, « Avant l'aube » est aussi un magnifique récit historique dans lequel l'auteur brosse le portrait très juste, mais néanmoins romantique (ce n'est sûrement pas un reproche), d'une époque : l'ombre diffuse du Situationnisme, l'arrivé à maturité (si je puis dire) des baby-boomers, l'effervescence d'une contre-culture hexagonale, la revue Planète par exemple ou Druillet.... Et d'une ville, Paris, en pleine mutation. 
            L'un des mérites de ce roman qui n'en manque pas, et notamment d'utiliser, en arrière-plan, le SAC, le Service d'Action Civique, dans sa version la plus grise (ce n'est pas non plus un reproche). En anticipant, sans que rien ne vienne authentifier cette antériorité, ce que deviendra - en partie - le Service d'Action Civique dans les années 1970. Du moins tel que dépeint, dès le début des années 1960, par une presse d'extrême-droite , et puis dès 1968 par celle d'extrême-gauche. La « tuerie d'Auriol » viendra, en juillet 1981, funestement confirmer la dérive du SAC.
Cette aura sulfureuse du service d'ordre du gaullisme, en tant qu'exhausteur d'ambiance & de mystère, est une franche réussite. 
            Dans un ouvrage ultérieur sur les « capsules de temps », ces objets destinés à conserver des témoignages du quotidien - banals ou iconiques - pour les générations futures, Xavier Boissel déclarera qu'il s'agit alors pour lui, avec cet essai, d'interroger une époque ; celle d'un capitalisme tardif chaque jour plus destructeur. 
« Avant l'aube » participe également de cette démarche. Ce roman concentre en effet « toutes les forces et tous les intérêts historiques à une échelle réduite » qu'on peut attendre des meilleurs romans historiques. 
Très recommandé.

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