Accéder au contenu principal

La Millième Nuit [Alastair Reynolds / Laurent Queyssi / Aurélien Police]

On prête au romancier Raymond Chandler la sentence suivante : « Hammett a sorti le crime de son vase vénitien et l'a flanqué dans le ruisseau. ». 
            Autrement dit, même s’il n’est ni le premier ni a fortiori le seul, Dashiell Hammett a laissé tomber les crimes mondains résolus par des amateurs qui ne l’étaient pas moins (mondains & résolus) ; pour s’intéresser à ceux commis par et contre les classes laborieuses, et aux professionnels chargés de les résoudre. 
            Presque 100 ans plus tard, Moisson rouge a paru en épisodes dans le légendaire pulp magazine Black Mask à partir de novembre 1927, Le Bélial’®, dans sa belle collection Une Heure-Lumière™, commercialise « La Millième Nuit » d’Alastair Reynolds : traduction de Laurent Queyssi, magnifique couverture d’Aurélien Police, 144 pages au prix de 10,90 € (5,99 au format numérique) ; un retour - si j'ose dire, au « vase vénitien » d'avant Hammett . 
Une novella pour laquelle il n’est donc pas besoin de faire preuve de beaucoup d’imagination pour la croire écrite par Agatha Christie. Enfin, un peu quand même [-_ô].
            Le contexte : avenir très lointain, échelle de temps démesurée, quasi immortalité, terraformation, voyages spatiaux, bref Alastair Reynolds ne lésine pas sur l’astronomique (sic) et le faramineux pour son space opera, même si l'histoire se déroule principalement sur une seule planète (aux contours d'un vase tout ce qu'il y a de plus vénitien donc). 
Mais ce gigantisme est tellement démesuré (et je ne vous parle pas du projet qui occupe certains esprits de la millième nuit en question), qu’il semble tout droit sorti d'un roman de Sf des années 1940 ; où la seule limite était celle de l’imagination de l'auteur.
Lequel ne s’embarrassait pas forcément d’être très scientifique ou rigoureux. Alastair Reynolds, astrophysicien, oublie ici que le vrai (?) n’est cependant pas toujours vraisemblable. 
            Comme je l’ai sous-entendu en évoquant Agatha Christie, « La Millième Nuit » n'est rien d'autre qu’une partie de Cluedo© quand bien même les ambitions de certains des participants à la réunion (très mondaine) de ladite « millième nuit», sont celles d'un space opera.
Rien ne manque à l'enquête qui y sera menée, pas même la réunion finale où le coupable est désigné aux yeux des autres. Rien ?
Si, justement, il manque un peu d'imagination afin de rendre l'enquête sinon palpitante, au moins intéressante.
Reste donc un whodunit de très petite facture, et y associer, comme je l’ai fait Agatha Christie n’est finalement pas très juste, tant la « Reine du crime » a été un écrivain très innovant dans sa partie. Et probablement le meilleur !
            En définitive « La Millième Nuit » n’aurait certainement pas réussi à épargner la vie de Shéhérazade, si elle avait dû la raconter au roi de Perse. 
Je serai plus magnanime : peu mieux faire !

Commentaires

  1. J'ai adoré le voyage et les mises en abyme de l'espace et du temps. C'est juste beau...

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Le KU KLUX KLAN (3)

... Quelque soit son véritable poids idéologique ou même politique aujourd'hui, le Ku Klux Klan a déteint sur la culture de masse ; qui n'a pas entendu parler de la célèbre marque de cigarettes  Marlboro et des trois "K" présents sur son paquet, d'un homme qui en regarde un autre pendu (dont on ne verrait que les jambes), et sur la troisième image : la silhouette d'un Klansman ...  (liste non-exhaustive) . Marlboro n'est d'ailleurs pas la seule marque de cigarettes à avoir eu droit à des investigations sur la signification du design de son paquet de cigarette, Camel aussi. Dés les débuts du Klan , le bruit court que ces cavaliers "surgis hors de la nuit" sont les fantômes des soldats Confédérés morts au combat, des soldats qui ayant vendu leur âme au Diable sont de retour ici-bas et annoncent l'Apocalypse. Le nom même du groupuscule a longtemps était entendu comme le bruit que fait la culasse d'un fusil lorsqu'on l...

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'...

Nebula-9 : The Final Frontier

... Nebula-9 est une série télévisée qui a connu une brève carrière télévisuelle. Annulée il y a dix ans après 12 épisodes loin de faire l'unanimité : un mélodrame bidon et un jeu d'acteurs sans vie entendait-on très souvent alors. Un destin un peu comparable à Firefly la série de J oss W hedon, sauf que cette dernière bénéficiait si mes souvenirs sont bons, de jugements plus louangeurs. Il n'en demeure pas moins que ces deux séries de science-fiction (parmi d'autres telle Farscape ) naviguaient dans le sillage ouvert par Star Trek dés les années 60 celui du space opera . Le space opera est un terme alors légèrement connoté en mauvaise part lorsqu'il est proposé, en 1941 par l'écrivain de science-fiction W ilson T ucker, pour une catégorie de récits de S-F nés sous les couvertures bariolées des pulps des années 30. Les pulps dont l'une des particularités était la périodicité ce qui allait entraîner "une capacité de tradition" (...