Vous connaissez déjà sûrement « Les Indes fourbes ».
Il s'agit de l'histoire d'un pícaro ; autrement dit d'un aventurier de basse extraction qui tente, par tous les moyens, de se sortir de sa condition, en l’occurrence ici, au cœur d'un « Nouveau Monde » quasi encore inconnu et hostile.
Pour ceux que cela intéresse, j'avais utilisé cette figure de la littérature espagnole, le pícaro donc, lors de ma critique de Vera Cruz, le film de Robert Aldrich [Pour en savoir +].
Mais revenons à nos cochons d'inde !
Cette bande dessinée se propose d'être la suite d'un roman picaresque, écrit par Francisco de Quevedo au début du XVIIè siècle, intitulé El Buscón, la Vie de l'Aventurier Don Pablos de Ségovie.
Un roman qui voyait partir, à sa toute fin, ledit Pablos vers les « Indes » (i.e. l'Amérique) y tenter sa chance.
Ce sont les péripéties qui l'y attendent que le scénariste Alain Ayroles et le dessinateur Juanjo Guarnido ont imaginé dans cet album.
Un album hors-norme qui a nécessité 10 ans de travail pour un format inhabituel (25 x 34), une pagination à la hauteur de l'enjeu (145 planches), un premier tirage de 120 000 exemplaires, et un prix à l'avenant : 34,90 €.
Bref, vous savez déjà sûrement tout ça.
Ce sur quoi j'aimerais revenir tient en quelques pages.
En effet, Pablos est découvert au presque tout début de son périple par des esclaves africains naufragés. Lesquels l'épargnent, et de fil en aiguille comme on s'y attend, la discussion dérive vers l'esclavage.
Leur chef demande - à juste raison - pourquoi les Blancs ne se servent par directement chez les indigènes, les Indiens ?
On remarquera qu'il ne remet pas en cause l'esclavage. Mais poursuivons.
Ce à quoi Pablos invoque la célèbre controverse de Valladolid. Soit !
Toutefois, en lisant cette séquence, et plus tard l'attaque du village indien (mais n'allons pas trop vite), je me suis dit que si « Les Indes fourbes » voulait donner une mauvais image de l'Europe, les auteurs ne s'y prendraient pas autrement.
Un peu comme l'a fait plus précisément pour la France Olivier Norek, dans son roman [Pour en savoir +].
Non pas que Pablos dise des choses fausses, pas du tout.
Simplement il fait montre d'une hémiplégie qui oriente la pensée des lecteurs.
Tout d'abord en ne remettant pas en cause l'esclavage, la discussion qui se déroule entre Pablos et le chef des « marrons », permet d'éviter de parler de l'esclavage, et notamment de celui des Européens (voir l'origine du mot lui-même).
À partir de là, nul doute que Pablos, qui n'était certainement pas sans méconnaitre les pratiques des « Barbaresques », les aurait convoqués au banquet des accusés.
Au lieu de ça la discussion reste centré sur le « commerce triangulaire ». Oui c'est fourbe, mais pas faux non plus.
Il aurait peut-être pu aussi, s'il n'était pas comme madame Christiane Taubira, évoquer alors le traitement que faisaient subir les négriers arabo-musulmans à leurs esclaves : la castration.
Mais là, bizarrement, l'ancien esclave se demande seulement pourquoi d'autres ne subissent pas sont propre sort.
Une attitude bien peu charitable, qu'heureusement nos auteurs démentiront pas plus trad que tout de suite .....
Or donc, plutôt que d'avoir une discussion de fond sur la traite négrière, on a un Pablos qui sort un argument qui ne manquera pas de faire se dresser les cheveux sur la tête des lecteurs d'aujourd'hui, plutôt que de contextualiser une pratique dont personne, pas même les Africains de l'époque, ne devrait être fier.
Mais qui en tout cas ne manque pas de donner une très mauvaise image de l'Europe, ou plutôt disons des Blancs, non pas en mentant, mais en tenant un discours qui propose un biais, qui en fait les seuls accusés. Fourbe disais-je.
Pour bien enfoncer le clou, Pablos aura droit à une démonstration (supra) de « vivre-ensemble » (sic), juste avant que les premiers coreligionnaires qu'il rencontrera, une page plus tard, n'attaquent - sans raison - un village d'Indiens.
Cette attaque, ainsi que la rencontre fortuite de Pablos et des nègres marrons n'apporte au demeurant rien à l'intrigue elle-même.
Elles ne sont pas totalement inutiles puisqu'elles contextualisent l'époque, mais elles auraient pu être traitées tout autrement. D'une manière plus équilibrée, plus équitable.
Quand j'observe ce genre d'approche, je ne peux pas m'empêcher de penser à ces statues qu'on abat, à ces noms de rue contre lesquelles on milite.
J'y vois une antipathie, pour ne pas dire plus, envers l'Occident, envers de la France et ce que cette partie du monde a apporté au reste de la planète.
Une manière de la représenter par ce qu'elle a de plus négatif, et de plus anachronique.
Et cerise sur le gâteau, entre le moment où j'ai lu « Les Indes fourbes », et celui où je rédige cette entrée de blog, je me suis plongé dans le Goldorak de Dorison, Bajram et al..
Eh bien aussi incroyable que cela puisse paraître, la charge anti-occident (si je puis dire) est pire bien pire. Au point d'en être risible.
Sans rire.
(À suivre .....)
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