Accéder au contenu principal

Stormwatch : Team Achilles


... L'idée de regrouper plusieurs personnages aux qualités complémentaires au sein d'une équipe est sans doute héritée de l'auteur George Allan England (Cf. Lauric Guillaud) qui la met en page dans son roman The Flying Legion (1920) ; une idée qui fera long feu puisque Jack Williamson l'utilise dans Golden Blood (Sang Doré en V.F) sans oublier The Shadow et Doc Savage au début des années 30, respectivement justicier masqué et surhomme dont l'efficacité repose aussi sur l'équipe de professionnels aguerris qui les entoure.
On se souviendra également des Sept Samouraïs et des Douze Salopards ; sans oublier la Justice Society of America dont on dit qu'elle s'est inspirée de la Société des Détectives Infaillibles.
Scott Godlewski
... À l'origine Stormwatch (1993) est une équipe composée de super-héros ou plus distinctement de "méta-humains" de toute nationalité et de commandos paramilitaires agissant pour le compte des Nations Unies. Leur base opérationnelle est une station orbitale, nom de code de Skywatch ; et les opérations sont supervisées par le Weatherman.
L'arrivée au numéro 37 d'un jeune scénariste, Warren Ellis, donne un bon coup de fouet à la série qui n'avait jusqu'alors pas fait d'étincelles ; ce qui fera dire à J. M. Lainé & J. P. Renoux (in SCARCE N°58) qu'Ellis transforme "cette série insipide en passionnant thriller d'espionnage psychologique". 
Stormwatch #37 / NOVA n°228
Vingt-cinq numéros plus tard, Warren Ellis tourne la page de Stormwatch (dans des conditions que je ne révélerai pas ici) et introduit une nouvelle équipe : The Authority.
Cette dernière se caractérisera notamment par des actions dite proactives, c'est-à-dire qu'elle "agit sur des faits à venir", en d'autres termes elle anticipe les menaces et les détruit avant qu'elles ne se concrétisent. Ou presque.
 ... À l'origine Stormwatch Team Achilles devait s'intituler Team Achilles, c'est à partir du moment où le scénariste Micah Ian Wright a décidé de transférer l'équipe de l'armée américaine à l'O.N.U. que la série a été renommée. D'autant qu'à partir de ce moment-là elle pouvait tenter de capitaliser sur le succès "rétrospectif" du Stormwatch d'Ellis.
D'abord prévue comme une mini-série de 6 numéros elle deviendra une série à suivre.
L'idée du jeune scénariste est de mettre de la politique dans son comic book, si l'idée n'est pas neuve elle s'inscrit néanmoins dans un climat très particulier. En effet le premier numéro paraît en septembre 2002 soit un an après les attentats du 11 septembre 2001.
Et le contenu de ce premier épisode rappelle peu ou prou ce qui s'est passé en 2001 au cœur de Manhattan.
Dans un entretien accordé en 2004 à Fabrice Sapolsky pour Comic Box Micah Ian Wright dit alors : "Je n'ai pas eu à subir la moindre ingérence de la part de Wildstorm sur ce titre [...]."
Cette série inspirera par ailleurs le commentaire suivant à Kurt Busiek : "C'est comme le Sgt Rock, mais avec des super-héros." 
Et en effet, Stormwatch Team Achilles est composée d'anciens soldats dont seule l’expérience du métier des armes peut faire la différence face à une quelconque menace. Et les super-héros sont envisagés sous cet angle menaçant.   
Micah Ian Wright peaufine particulièrement l'aspect militaire de la série, il s'ingénie à faire utiliser par ses personnages certaines armes qui équipent les force armée de notre réalité et sature les récitatifs de descriptions balistiques ou donne le mode d'emploi de telle ou telle arme. Ce qui ne veut pas dire que l'exactitude est au rendez-vous, mais c'est plutôt efficace.
Il faut dire que le scénariste se présente lui-même comme un ex-sous-officier des Rangers avec une solide expérience des théâtres d'opérations extérieures puisqu'il a participé à l'invasion du Panama (1989-1990).
A contrario, il se révélera être un opposant à la politique interventionniste des U.S.A et notamment à l'invasion de l'Irak (2003) au travers d'ouvrages tels que You Back the Attack, We'll Bomb Who We want! (Revenez à l'attaque, nous bombardons qui nous voulons !) en 2003  dans lesquels il détourne des affiches de la Seconde Guerre mondiale.
Cependant la politique qui intéresse le jeune auteur est à entendre dans son spectre le plus large.
Ainsi Micah Ian Wright avait-il proposé à la Marvel un projet où un homme innocent est viré de son boulot et qui, désespéré de ne pas avoir de mutuelle pour sa femme enceinte, accepte le premier job qui lui tombe sous la main.
Malheureusement, c'est un boulot pour l'A.I.M. un groupe de savants à la solde des pires criminels.
Au moment de l'interview de 2004 pour Comic Box, le scénariste est alors en train de travailler sur une série pour Wildstorm : Vigilante, "quelqu'un avec un gros flingue qui rétame les criminels qui échappent à la justice ... Mais il ne s'agira pas de dealers de drogue cette fois, plutôt de criminels en cols blancs".
Une série qui si elle verra bien le jour, n'aura plus rien à voir avec le pitch de M. I. Wright, et pour cause. 
En 2002 l'auteur publie sur son site internet des posters de la Seconde Guerre mondiale, ceux-là mêmes que l'on retrouvera un peu plus tard dans son premier ouvrages (voir supra).
Ces publications anti-guerres et donc anti-Bush sur son site entraînent rapidement moult réactions négatives, allant jusqu'à des menaces de mort.
C'est alors que l'idée de dire qu'il est un ex-rangers, un mensonge qu'il a déjà utilisé au lycée pour impressionner ses amis refait surface.
L'idée c'est d'opposer à ses détracteurs l'image d'un veteran, mais pas n'importe lequel : un ranger qui a participé à l'invasion du Panama, devenu militant anti-guerre.
Reste qu’après cette mise au point les menaces de mort chutent d’après Wright lui-même, et les mail montrent qu'il est alors possible de critiquer la politique étrangère de George W. Bush mais à condition d'être un ancien militaire. Toujours d’après Micah Ian Wright. 
Peu après cette mise au point (qui se révélera être un mensonge) Micah Ian Wright est contacté par un éditeur pour faire un livre avec ses affiches de propagande détournées.
Si l'éditeur trouve le travail de Wright excellent, il est aussi (surtout ?) intéressé par cet ancien militaire qui a fait la guerre (celle du Panama) mais qui est maintenant contre la guerre.
Plutôt que de se rétracter Micah I. Wright s'enferre et en rajoute, il justifiera cela en écrivant plus tard que ses recherches sur l'invasion du Panama (pour mieux accréditer son mensonge) lui ont démontré que le gouvernement de l'époque avait utilisé la même propagande que celle faite à partir du 11 septembre 2001 par l'administration de George W. Bush pour envahir l'Irak.
Son passé militaire, dont personne ne se doute qu'il est un mensonge fera finalement deux pages dans le Washington Post (06/07/2003).
Mais un an après l'article dans le Washington Post Wright apprend que le même chroniqueur des potins mondains, Richard Leiby, qui lui avait consacré deux pages dans ce quotidien travaille sur un article qui s'interroge sur son passé militaire.
Il décide donc d'avouer son mensonge par une publication via l'Internet.
Cette révélation annule immédiatement la publication de son second ouvrage If You're Not a Terrorist, Then Stop Asking Questions (il sera publié ultérieurement par un autre éditeur), et l'éditeur Wildstorm annule purement et simplement la série Stormwatch Team Achilles au numéro 23 (le scénario du numéro 24 est disponible ici au format pdf).
(À suivre ....)     

Commentaires

  1. Pure decouverte,merci !

    RépondreSupprimer
  2. Excellente série arrêtée pour un "scandale" qui montre bien tout ce que veut dénoncer Wright: on ne plaisante pas avec les forces armées américaines aussi cruelles et manipulatrices peuvent-elles être. Wildstorm avait à peu près réussi leur ligne "adulte" mais a tout sabordé la faute à peu de ventes.

    Wright continue à être très revendicatif sur sa page Facebook (https://www.facebook.com/micahwright?ref=ts&fref=ts), a réalisé un comic-book avec support Kickstarter mais ce projet est en stand-by le temps que Wright finisse son film d'horreur, Repossessed.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je me souviens que tu en avais parler sur France Comics au moment de la sortie V.O il me semble ?

      Je suis bien d'accord avec toi pour la qualité de la série toutefois, je suis moins d'accord sur le côté "victime" de Wright vis à vis de l'armée.
      Mais je vais développer ça dans mon prochain article sur la série.

      En tout cas merci de ton commentaire, et meilleurs vœux amigo.

      Supprimer
  3. Oui, j'ai du le faire pour France Comics parce que j'aimais vraiment beaucoup la série. C'était un peu ma période "Quand je lis une série, elle va bientôt être sabrée." ;)

    Je ne dis pas que Wright est une victime: il a persévéré dans son mensonge plutôt que de dire que c'était un coup qui soutenait ses propos. Mais peut-être qu'à l'époque, il n'avait pas la maturité pour le dire.

    Et meilleurs voeux tout pareil !

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Juste cause [Sean Connery / Laurence Fishburne / Ed Harris / Kate Capshaw]

« Juste Cause 1995 » est un film qui cache admirablement son jeu.             Paul Armstrong , professeur à l'université de Harvard (MA), est abordé par une vieille dame qui lui remet une lettre. Elle vient de la part de son petit-fils, Bobby Earl , accusé du meurtre d'une enfant de 11 ans, et qui attend dans le « couloir de la mort » en Floride . Ce dernier sollicite l'aide du professeur, un farouche opposant à la peine capitale.   Dès le départ, « Juste Cause 1995 » joue sur les contradictions. Ainsi, Tanny Brown , « le pire flic anti-noir des Everglades », dixit la grand-mère de Bobby Earl , à l'origine de l'arrestation, est lui-même un africain-américain. Ceci étant, tout le film jouera à remettre en cause certains a priori , tout en déconstruisant ce que semblait proposer l'incipit du film d' A rne G limcher. La déconstruction en question est ici à entendre en tant que la mise en scène des contradictions de situations ...

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'...

Nebula-9 : The Final Frontier

... Nebula-9 est une série télévisée qui a connu une brève carrière télévisuelle. Annulée il y a dix ans après 12 épisodes loin de faire l'unanimité : un mélodrame bidon et un jeu d'acteurs sans vie entendait-on très souvent alors. Un destin un peu comparable à Firefly la série de J oss W hedon, sauf que cette dernière bénéficiait si mes souvenirs sont bons, de jugements plus louangeurs. Il n'en demeure pas moins que ces deux séries de science-fiction (parmi d'autres telle Farscape ) naviguaient dans le sillage ouvert par Star Trek dés les années 60 celui du space opera . Le space opera est un terme alors légèrement connoté en mauvaise part lorsqu'il est proposé, en 1941 par l'écrivain de science-fiction W ilson T ucker, pour une catégorie de récits de S-F nés sous les couvertures bariolées des pulps des années 30. Les pulps dont l'une des particularités était la périodicité ce qui allait entraîner "une capacité de tradition" (...