Accéder au contenu principal

La troisième griffe de Dieu [Adam-Troy Castro / Benoît Domis]

Deuxième recueil du cycle que consacre Adam-Troy Castro à Andrea Cort, publié en France par Albin Michel Imaginaire™ ; « La troisième griffe de Dieu », titre homonyme du roman qui le compose, en compagnie d'une nouvelle intitulée « Un coup de poignard », emprunte le même canal créatif que le recueil précédent [Pour en savoir +].
            Si l'apparition du terme space opera, en 1944, se voulait dépréciatif. Wilson Tucker reprochait en effet à un certain nombre d'histoires de voyages spatiaux et de royaumes galactiques de n'être qu'une resucée du roman national des États-Unis d'Amérique. La neutralité qu'a désormais gagné le terme, lequel désigne une catégorie particulière de récits parmi toutes celles que compte la Sf, n'a cependant pas entièrement gommé l'héritage que lui doit la fameuse « Conquête de l'Ouest® », transposée donc aux confins de l'espace.
Mais c'est à un autre héritage que puise Adam-Troy Castro, quand bien même son cycle est du space opera, dans ce qu'il a de plus innovant à proposer.
Pas vraiment dans ce que la quincaillerie technique pourrait proposer de plus pointue (quoique), mais dans  son hybridation avec un autre genre littéraire. 
            Un autre héritage littéraire disais-je, qu'il faut aller chercher en Amérique du Nord, dans les années 1840.  
Allan Edgar Poe y invente alors une matrice en trois points, dont la pertinence est encore d'actualité.
Au travers de trois aventures, ou contes, il créé la figure du détective privé en la personne du chevalier Auguste Dupin. Et surtout donc, trois modèles d'intrigues fondatrices :
• le « whatwuzit » (keskecé) ? dans Double assassinat dans la rue Morgue
• le « whereisit » (oucé) ? dans La lettre volée 
• et le « whodunit » (kilafé) ? dans Le mystère de Marie Roguet   
Le chevalier Dupin, et ses trois formules, aura une très nombreuse descendance, et ce n'est sûrement pas lui faire injure que d'y compter Andrea Cort, procureur extraordinaire pour le Corps diplomatique de la Confédération homsap. 
            « La troisième griffe de Dieu » renvoie d'ailleurs à l'un des plus célèbres fruits de cet héritage criminel littéraire, écrit par la non moins célèbre Agatha Christie : Le crime de l'Orient-Express.
Où, en lieu et place du légendaire train, Adam-Troy Castro situe son enquête dans un ascenseur spatial. Et substitue à l'enquêteur belge expatrié Hercule Poirot, une Andrea Cort qui ne sera pas au bout de ses surprises.
            Le type de récit auquel appartiennent le roman de 1934 et a fortiori celui du romancier américain offre - idéalement - la possibilité au lecteur d'arriver aux mêmes conclusions que le détective dont il suit l'enquête. Tous les éléments qui feront sens dans l'incontournable épilogue pour démasquer le ou les coupables, doivent avoir été évoqués tout au long des pages qui l'ont précédées.
Autrement dit, le lecteur et l'enquêteur sont sur un pied d'égalité quant à la conclusion de l'énigme.
À charge pour l'auteur, tout en ne cachant rien, d'envoyer des contre-mesures, comme autant de fausses pistes, voire d'organiser quelques ultimes rebondissements qui, sans infirmer les conclusions de l'enquête, doivent néanmoins surprendre le lecteur. Tout en restant cohérent avec ce qu'on a appris lors des enquêtes antérieures, si d'aventure il y en avait. 
L'idée c'est quand même d'offrir certes une énigme, mais aussi surtout un roman.
Et de ce côté-là, comme de l'autre, Adam-Troy Castro fait honneur au pacte implicite qu'il signe avec le lecteur dès la dramatis personæ.    
            Si « La troisième griffe de Dieu » pâtit un peu de l'ombre portée de son embarrassant modèle ferroviaire, l'auteur s'en démarque, notamment en creusant la personnalité de son héroïne. 
Car nous sommes ici dans un cycle, et non pas dans une série (comme les enquêtes d'Hercule Poirot soit dit en passant), et la lecture chronologique, qui est d'ailleurs l'option adoptée par Albin Michel Imaginaire™, est primordiale. 
En sus du copieux roman qui donne donc son nom au recueil, la nouvelle « Un coup de poignard » s'intercale avant le troisième tome des enquêtes d'Andrea Cort, intitulé Le Guerre des Marionnettes
            Une guerre qui, si j'en crois les renseignements glanés ici ou là, risque de ne pas voir lieu dans la langue de Molière. 
La faute en revient essentiellement aux ventes décevantes du premier tome, malgré de très bonnes critiques, et une note de 4,43/5 sur le site Babelio™, au moment où je rédige la mienne.
S'il m'est difficile, vu que j'ai bénéficié d'un service de presse de la part d'Albin Michel Imaginaire™, d'en recommander l'achat stricto sensu, je vous assure néanmoins que si vous aimez les whodunits à rebondissements, les space opera qui dépaysent, et les personnages plus vrais que nature ; les deux premiers tomes de la trilogie « Andrea Cort » ne vous décevront pas. 
______________________
450 pages traduites par Benoît Domis, sous une belle couverture de Manchu, pour 24,90 euros. 

Commentaires

  1. Merci pour ta chronique très pertinente. C’est tentant en vérité de commencer par le 1er tome .

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Triple frontière [Mark Boal / J.C. Chandor]

En même temps qu'un tournage qui devait débuter en 2011, sous la direction de K athryn B igelow, Triple frontière se verra lié à une tripotée d'acteurs bankables : S ean P enn, J avier B ardem, D enzel W ashington. Et même T om H anks. À ce moment-là, le titre est devenu Sleeping dogs , et d'autres noms circulent ( C hanning T atum ou encore T om H ardy). Durant cette période de valses-hésitations, outre M ark B oal au scénario, la seule constante restera le lieu où devrait se dérouler l'action. La « triple frontière » du titre est une enclave aux confins du Paraguay , du Brésil et de l' Argentine , devenue zone de libre-échange et symbole d'une mondialisation productiviste à fort dynamisme économique. Le barrage d' Itaipu qui y a été construit entre 1975 et 1982, le plus grand du monde, produirait 75 % de l’électricité consommé au Brésil et au Paraguay . Ce territoire a même sa propre langue, le « Portugnol », une langue de confluence, mélange d

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'

Big Wednesday (John Milius)

Une anecdote circule au sujet du film de J ohn M ilius, alors qu'ils s’apprêtaient à sortir leur film respectif ( La Guerre des Etoiles , Rencontre du Troisième Type et Big Wednesday ) G eorge L ucas, S teven S pielberg et J ohn M ilius  auraient fait un pacte : les bénéfices de leur film seront mis en commun et partagés en trois. Un sacré coup de chance pour M ilius dont le film fit un flop contrairement aux deux autres. Un vrai surfeur ne doit pas se laisser prendre au piège de la célébrité  Un vrai surfeur ne doit pas se sentir couper des siens. Il ne doit pas courir derrière les dollars, ni gagner toutes les compétitions. [..] M idget F arrelly champion du monde de surf 1964  ... Big Wednesday est l'histoire de trois jeunes californiens dont la vie est rythmée par le surf ; on les découvre en pleine adolescence au cours de l'été 1962, et nous les suivrons jusqu'à un certain mercredi de l'été 1974.   L'origine du surf se perd dans la nuit des