Accéder au contenu principal

Wombs t1 [Yumiko Shirai / Alexandre Goy]

Il me semble qu'utiliser (ou garder) des titres anglais est une pratique fermement établie chez les éditeurs français de manga
Un usage pour le moins étonnant dès lors que la langue cible n'est justement pas l'anglais. Et une mauvaise habitude qui montre clairement ses limites dans le cas du premier tome de « Wombs » (sur les cinq prévus). 
            À moins que l'anglais ne soit votre seconde langue maternelle, il y a peu de chance que la signification du titre vous vienne immédiatement à l'esprit. Cette perte de sens est d'autant plus regrettable que la traduction de « womb » n'aurait pas manqué de faire travailler l'imagination de quiconque aurait vu la couverture, même par hasard. 
En effet, imaginez une histoire dont le titre est « Utérus » ! 
Ne me dites pas qu'un tel titre n'a pas plus de puissance que l'incompréhensible « Wombs » ?! 
À moins donc d'être assez familier de l'anglais, le titre perd ici la quasi-totalité de sa puissance évocatrice. Et comme si cela ne suffisait pas, à un moment donné de ce premier tome, un fantassin apostrophe des nouvelles recrues d’une des sections de la division des « forces spéciales » de transfert, en les traitant de ........ « wombs ». Bonjour le pétard mouillé. 
Alors que si ce soldat lui avez envoyé quelque chose dans le genre de « Qu’est-ce qui vous fait rire les mères porteuses », tout ce qui fait l'originalité de cette histoire se serait retrouvée cristallisé dans ce moment, au travers d'un terme parfaitement compréhensible par n'importe quel lecteur francophone. (Même si là il s’agit plutôt d’une adaptation que d’une traduction stricto sensu).
En outre, « mère porteuse » joue sur la nature très originale de cette section. 
            « Wombs » est donc une histoire de science-fiction militaire, qui se déroule sur une planète lointaine, nommée Jasperia, un type de récit qu'on appelle communément en français- ne riez pas - un « Planet opera ». Effectivement les anglo-saxons parlent plutôt de « Planetary romance ». 
Là où le Space opera colonise l’espace, le Planet opera se contente d’une seule planète (même si l'un va parfois, comme ici, avec l'autre). Un des nombreux sous-genres de la Sf donc, qui s'allie en l’occurrence, sous l'égide de la mangaka Yumiko Shirai, au « biopunk ». Un autre courant de la Sf où, pour le dire vite, la science du vivant occupe la place que prend d'ordinaire l'informatique dans le cyberpunk ; (mauvais) genre dont il n’est pas nécessaire d’expliquer en quoi il consiste. 
En l'espèce donc, l'un des deux camps qui revendiquent la planète en question, a développé une technique de téléportation originale. Celle-ci est rendue possible en inséminant dans l'utérus de jeunes femmes, un fœtus (?) extraterrestre, qui confère donc à celles qui le portent le pouvoir de se téléporter. En emmenant avec elles, soit du matériel soit des troupes.
            Ce premier tome, qui commence in medias res, nous raconte - sous la forme d’un bildungsroman - l'arrivé d'un nouveau contingent de conscrites. Auquel appartient la jeune Mana Oga, au travers de qui nous en apprendrons plus sur le contexte de cette histoire, et dont nous suivrons de près la formation dans l’une des sections de ces forces très spéciales.
L'originalité de cette histoire bénéficie en outre d'un dessin à la hauteur (ce dont vous pouvez juger ici).
Yumiko Shirai a un trait assez spontané, qui tient parfois de l'esquisse. Elle use cependant, parfois, d'un encrage nettement plus gras, dans une logique bien précise.
            Un premier tome excitant, de la très bonne Sf militaire qui flirte sans vergogne avec le récit d'horreur. Une dystopie originale dont Yumiko Shirai semble vouloir creuser toutes les implications. UUne entrée en matière de très très bonne augure.
Et une preuve supplémentaire de la vitalité des auteurs japonais dès lors qu'il est question de science-fiction.    
(À suivre ......

Commentaires

  1. Un postulat de départ original en effet; les deux premiers volumes de ce qui s'annonce comme un titre atypique m'attendent dans la pile.

    Tu en as probablement déjà eu connaissance, mais la série Eden d'Endo Hiroki, un des grands fleurons du manga de science fiction des vingt dernières années, vient de commencer à reparaître dans une édition retravaillée. La série, dont certaines thématiques résonnent étrangement avec notre actualité, vaut assurément le détour.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis bien content de te revoir amigo !

      Oui j'ai lu le premier tome de « Eden », très captivant, j'en suis pour la suite.

      J'ai plutôt de la chance, je me remets aux manga, et pas mal de séries se voient offrir, ces dernier temps, des sorties et des rééditions de fort belle qualité.

      Supprimer
    2. C'est une année fournie tant en inédits qu'en rééditions bienvenues; à tel point que c'est la première fois que je dois être sélectif et renoncer à certains titres face à l'offre abondante proposée. Je me serai volontiers mis à Sidooh mais j'ai préféré m'en passer pour me concentrer sur certaines rééditions attendues comme Banana Fish, Eden, les œuvres d'Ito Junji et Lone wolf and cub pour ne prendre que quelques exemples.

      Dans ce contexte où on voit arriver certains titres pour la première fois, j'espère que des séries moins exposées comme Destination Terra et Wombs ne passeront pas (trop) inaperçues.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Triple frontière [Mark Boal / J.C. Chandor]

En même temps qu'un tournage qui devait débuter en 2011, sous la direction de K athryn B igelow, Triple frontière se verra lié à une tripotée d'acteurs bankables : S ean P enn, J avier B ardem, D enzel W ashington. Et même T om H anks. À ce moment-là, le titre est devenu Sleeping dogs , et d'autres noms circulent ( C hanning T atum ou encore T om H ardy). Durant cette période de valses-hésitations, outre M ark B oal au scénario, la seule constante restera le lieu où devrait se dérouler l'action. La « triple frontière » du titre est une enclave aux confins du Paraguay , du Brésil et de l' Argentine , devenue zone de libre-échange et symbole d'une mondialisation productiviste à fort dynamisme économique. Le barrage d' Itaipu qui y a été construit entre 1975 et 1982, le plus grand du monde, produirait 75 % de l’électricité consommé au Brésil et au Paraguay . Ce territoire a même sa propre langue, le « Portugnol », une langue de confluence, mélange d

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'

Wheelman [Frank Grillo / Jeremy Rush]

En partie produit, et surtout entièrement cornaqué par War Party™, la société de production de J oe C arnahan & de F rank G rillo, et magistralement interprété par ce dernier ; « Wheelman 2017 » repose sur la règle des 3 unités du théâtre dit classique :  • Unité temps : Une nuit.  • Unité d'action : Une attaque à main armée ne se déroule pas comme prévue.  • Unité de lieu : Une BMW E46  Autrement dit, 98% du film se déroule dans une voiture avec seulement F rank G rillo au volant et à l’écran. Son personnage n'interagit avec l'extérieur quasiment que via un téléphone portable.              Tourné à Boston en seulement 19 jours, pour un budget légèrement supérieur à 5 millions de dollars, « Wheelman » est, au moment des comptes, une péloche dégraissée et bien relevée.  D'entrée de jeu les premières minutes donnent le ton : « l'homme au volant » du titre a été embauché pour être chauffeur lors d'un braquage à main armée. Divorcé, sa fille adolescente, d