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Gannibal [Masaaki Ninomiya / Vincent Marcantognini]

« Fallait [...] que je m'impose, que j'accroche le lecteur avec un truc qui pique, qui fait mal, qui marque. » 
Connu pour une série, Chousou no Babel, et une histoire courte, Domestic Happiness, (toutes les deux inédites en France) dans lesquelles la famille était déjà au cœur de leurs intrigues respectives, Masaaki Ninomiya récidive en 2018, dans l'hebdomadaire Manga Goraku de l’éditeur Nihon Bungeisha™, avec sa toute nouvelle série « Gannibal », où une famille donc : Yuki, son mari Daigo , et leur fille Mashiro, s'installe dans le petit village de Kuge
Une série qui devrait, selon toutes probabilités, se terminer à son onzième tome que vient de commencer son auteur, alors que le septième paraîtra en France en octobre 2021, aux éditions Meian™. 
« Ce "truc", c'était l'Horreur.» 
            Si « Gannibal », dont le titre ne laisse que peu d'équivoque sur son contenu, s'inspire en partie des Davidiens ; une secte étasunienne qui a connu un mortel moment de notoriété lors du siège dit de Waco - en 1993 - au Texas. Masaaki Ninomiya ne cache pas non plus que la folie d'un Jack Torrance, interprété par Jack Nicholson pour Stanley Kubrick, a largement contaminé l'ambiance de sa propre histoire. 
Peu porté, de par ses goûts personnels vers l'Horreur, Masaaki Ninomiya prévoyait cependant que sa série ferait un carton, vu la côte qu’ont les Thrillers horrifiques au Japon
Quand bien même son idée originale a-t-elle été retravaillée. 
            En effet, jugée trop « soft » par son tantô, la mort du chien envisagée au départ, a laissé finalement place à un terrible secret que protègent les villageois. Masaaki Ninomiya a néanmoins gardé la tension créée par des voisins qui ne voient pas d'un très bon œil l'arrivée d'une nouvelle famille dans leur village, et la harcèle. 
« Je savais qu'en y ayant recours, j'allais pourvoir choper le public par le col et le secouer dans tous les sens. » 
Si la bande dessinée japonaise peut laisser croire à un lecteur non averti qu'elle peut tout se permettre, Masaaki Ninomiya tempère néanmoins cette impression, en expliquant par exemple, qu'il est hors de question, dans une série réaliste comme la sienne, de montrer un homme en manger un autre de manière explicite. Cette autocensure, puisqu’il a la confiance de l’hebdomadaire qui le publie, ainsi que de son responsable éditorial (tantô), réussie toutefois très bien au mangaka de « Gannibal ». Il n'a de fait aucun mal à installer une atmosphère très dérangeante, très rapidement, tout en faisant travailler l'imagination des lecteurs quand il le faut. 
Le premier tome montre en outre un sens du timing particulièrement précis et redoutable, qu'un cliffhanger à tomber couronne magistralement. 
            Mais la grande force de la série réside dans la désorientation continue que l'histoire instille dans l'esprit de son lecteur. 
Ainsi, alors qu'un clan familiale se détache en accaparant toutes les suspicions de l’agent de police Daigo Agawa ; la cordialité plus qu'étouffante des autres villageois devient de plus en plus menaçante. 
À cela s’ajoute plusieurs personnages qui dévoilent tour à tour un passé, qui se révèlera le plus souvent, être un passif, et qui rebat les cartes au moment où on s’y attend le moins. 
            Arrivé, au moment où j'écris ces lignes, c'est-à-dire à la fin du troisième tome, force m'est de constater que « Gannibal » est une histoire qui n'économise pas ses effets. 
Si le trait nerveux du mangaka est un atout indéniable de son storytelling, ses cadrages ne sont pas pour rien dans l'impression que suscite son récit. 
Ajoutez une utilisation intelligente de la décompression des planches, où le temps s'étire plus que de raison, ponctuez-les par des onomatopées agressives, et laissez-vous gagner par l'instant. Savoureux !
En bref, rien ne manque à ce manga pour captiver les amateurs du genre. Masaaki Ninomiya sait aussi bien dessiner des gueules patibulaires mais presque, que les sourires « kawaii » et les bonnets « D ». 
Un Rural noir boosté à l'horreur, à découvrir entre la poire et le fromage. 
Les citation de Masaaki Ninomiya sont extraites du dix-septième numéro de l'excellente revue ATOM. 

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