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A Hell of a Woman [Jim Thompson / Danièle Bondil / Thomas Ott]

Coup de projecteur dominical sur une sortie réjouissante.
            En effet, les éditions helvétiques La Baconnière™ ont eu l'idée de publier  le roman « A Hell of a Woman » dans une « édition grand format au graphisme vintage » qui « présente ce roman comme s'(il) s'agissait d'un pulp américain des années 1950 » dixit l'argumentaire de l'éditeur. 
Cette édition, illustrée par Thomas Ott donc, est accompagnée d'une courte biographie de Jim Thompson par Markus Rottmann (traduite de l'allemand par Ibolya Virag & André Ourednik). 
« Une femme d'enfer » reprend en outre la traduction que Danièle Bondil avait faite pour les éditions Payot/Rivages™. 
Entendu que la traduction précédente parue à la Série noire©, commercialisée sous le titre Des cliques et des cloaques, souffrait d'une maladie professionnelle, maintenant reconnue, qui a contaminé une bonne partie des traductions de cette collection, à une certaine époque. 
Et dont les symptômes sont : un titre décalé, des coupes dans le texte original, et des approximations dans la traduction.
Or donc, en plus d'une traduction en qui on peut avoir confiance, l'ouvrage est séduisant. Très séduisant.
Sachez toutefois que son prix n'est pas en accord avec ceux pratiqués par les pulp magazines américains de leur âge d'or.
« Une femme d'enfer » est d'abord un objet de collection, vendu 26,50 €.
Quiconque voudrait lire ce roman dans la même traduction pourrait en effet le faire via son édition de poche, pour presque trois fois moins cher. Mais l'expérience ne serait pas la même non plus. 
            C'est d'édition qu'il va justement, et exclusivement, être question ici.
Je ne reviendrai pas sur le texte proprement dit de Jim Thompson, ni ne m’appesantirai sur le très beau travail de Thomas Ott et des éditions La Baconnière™, mais plutôt sur la place que les pulp magazines (ou pulp) ont pris dans l'imaginaire collectif. Au point que cette sortie s'en revendique.
Cette édition est d'ailleurs un quasi cas d'école (d'où l'idée de la prendre pour exemple). Tout en étant très heureux qu'elle existe, après tout je l'ai achetée.
            Paru en 1954 aux États-Unis le roman de Thompson est publié par Lion Books™ un éditeur de ....... paperbacks.
Autrement dit de livres de poche, propriété (pour la petite histoire) de Martin Goodman, l'homme sous l'égide duquel ont été inventés Spider-Man, les Fantastic Four, etc. [Pour en savoir +]. Et qui au demeurant a aussi dirigé des entreprises publiant des pulp magazines.
1954 c'est l'année officiellement citée lorsqu'on évoque la disparition des pulp magazines, apparus en 1896. Lesquels sont justement remplacés, si je puis dire, par les paperbacks, apparus en 1939.
Plusieurs différences entre les deux types de publications peuvent d'ores et déjà être dégagées (liste non exhaustive).
            Les pulps sont des magazines, leur durée de vie commerciale est celle d'un périodique. Contrairement aux paperbacks qui sont des livres qui peuvent faire partie d'un fonds, et qui sont réédités. Leur format est généralement de 17,5 x 25 cm ; peu ou prou celui de cette édition justement, (laquelle permet donc de nous rendre compte de la différence de format qui existe avec un livre de poche, si vous la croisez en librairie). La finition, le papier (qui jaunit très vite <sourire>), le massicotage, l’encollage ou l’agrafage ; en un mot la façon, est également très différente entre les deux types de publication. 
En sus, « A Hell of a Woman » est paru d'un seul tenant, il s'agit d'un roman qui n'a pas été publié en épisodes comme c'était parfois le cas pour les pulps (qui publiaient des nouvelles, des novellas ou des romans) . Voir le cas de La moisson rouge de Dashiel Hammett ; commercialisé en quatre livraisons, entre novembre 1927 et février 1928, dans les pages du célèbre pulp Black Mask
Du reste, les paperbacks n'avaient pas d'illustrations, a contrario des pulp magazines.
            Si le terme « pulp » a acquis une notoriété  si grande c'est sûrement grâce à Quentin Tarantino (dont le film Pulp Fiction semble pourtant tout droit sorti d'un paperback). Il s'est ensuite chargé d'une sorte de mystique telle qu'on le retrouve accommodé à presque toutes les sauces. Ainsi lors d'une discussion, quelqu'un m'a avoué qu'il croyait que « pulp » était un (mauvais) genre à part entière. 
Il l'avait d'ailleurs utilisé pour parler d'une série de Bds qui regroupait sous l'égide d'un univers fictionnel commun des personnages de comic strips, alors diffusés dans les journaux par le même syndicate (le King Feature Syndicate™ en l’occurrence). Alors que les pulp magazines n'ont jamais été de la bande dessinée.
Mais même les professionnels s'y réfèrent, Ed Brubaker parle d'ailleurs, à l'occasion de la postface de son album Reckless de « paperback pulp hero »  [Pour en savoir +]. Quand bien même tout dans ce graphic novel respire le livre de poche de la grande époque. Jusqu'à la volonté de justement commercialiser des albums, plutôt que de passer par le découpage des mensuels pour ensuite les réunir dans un recueil. Une démarche qui va à l'encontre d'une pratique toujours enracinée dans la publication de Bd outre-Atlantique.
Mais revenons à nos moutons
            « A Hell of a Woman » est en définitive une très belle édition, qui certes raconte une histoire éditoriale qui n'est pas la sienne, mais l'Imaginaire ne connait que les bornes qu'on se fixe nous-mêmes. Où mélange-t-on aussi facilement les faits et la légendes ?
Reste que connaitre les faits n'affaiblit en rien la légende. Ici ce savoir agirait même au contraire comme le révélateur d'une belle créativité.         

Commentaires

  1. mais
    en plus
    c'est le roman dont Corneau a adapté Série Noire ?

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