Publié depuis peu en français, Ray Nayler se voit dérouler le tapis rouge d'un recueil par les éditions Le Bélial'™, celles-là mêmes qui nous l'ont fait découvrir dans leur revue BIFROST. Un peu plus d'un an ½ - seulement - après sa première nouvelle (déjà) traduite par Henry-Luc Planchat [Pour en savoir +].
Une nouvelle qui justement prend place dans le même univers uchronique des deux dont je vais vous parler.
En effet Père, tout comme « Les Boucles de désintégration » et l'un peu plus longue « Une fusée pour Dimitrios » diffèrent de notre réalité en ce qu'elles ont bifurqué consécutivement à une découverte que les U.S.A. ont faite en 1938. Laquelle a complétement modifié non seulement le déroulement de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi l'immédiate après-guerre. Ainsi « Une fusée pour Dimitrios » se déroule à la fin des années 1950 en Turquie, ou si vous préférez dans le Protectorat d’Istanbul.
Si Père évoque à peine le Point Renouvier© en question et ses conséquences, il n'en est pas de même pour les deux nouvelles qui nous occupent ici.
On y suit les aventures de Sylvia Aldstatt, agent indépendant travaillant pour l'OSS. Ancienne combattante de la Deuxième Guerre mondiale, elle a acquis un talent très rare en participant à une expérience dont elle est la seule rescapée.
Récits d'espionnage donc, ces deux nouvelles - quand bien même Ray Nayler n'y invente rien de vraiment nouveau - captivent de bout en bout. Déjà dans Père il était évident que Nayler n'était pas à l'origine d'un alphabet nouveau, mais plutôt l'orfèvre d'inédites combinaisons de mots anciens.
Il récidive dans « Les Boucles de désintégration » et dans « Une fusée pour Dimitrios », avec un brio que les inventeurs d'originalité n'égaleront qu'avec difficulté.
Pour le dire autrement, Ray Nayler confirme tout le bien que je pensais de son travail.
Toutefois, tout revers a sa médaille ; et cette fois-ci - une fois n'est pas coutume c'est du côté de la traduction que le bât blesse.
J'ai en effet été surpris de lire sous la plume de Henry-Luc Planchat, que Sylvia Aldstatt était une ex-officière et une matheuse, en plus d'être une vétérante.
Si « vétérante » évoque davantage pour moi une catégorie d'âge dans les disciplines sportives, qu'une ancienne combattante (laquelle bénéficie en outre d'un statut juridique). « Matheuse », surtout à l'oral, désigne plutôt quelqu'un de particulièrement indiscret.
Et le vilain « officière » me fait me demander en quoi féminiser une fonction apporte autre chose qu'une démonstration de vertu ostentatoire.
Surtout que la version originale : « after all, I had been an Army whiz kid with an officer’s rank in General Hedy Lamarr’s Technical Corps, running the targeting systems for the rays. » ne fait pas mention de mathématique, et que dans un temps pas si lointain, l'armée ne distinguait ni les hommes ni les femmes ; puisqu'il n'y avait que des militaires. A fortiori dans les années 1940. (Sourire)
Heureusement d'ailleurs que Sylvia Aldstatt n'était pas dans la Marine, voire maître-chien.
« Maîtresse-chien », ou peut-être « maîtresse-chienne » pourquoi pas, si d'aventure son chien avait été une chienne, ça aurait eu de la gueule.
Je n'épiloguerai pas sur des fonctions comme sentinelle, planton qu'on modifierait en fonction du sexe de ceux qui en occupent les fonction. Comme si le sexe avait à voir avec un genre grammatical.
Ou encore le « piquet d'incendie » dont je n'ose envisager qu'il devienne une
« piquette d'incendie » s'il venait a être uniquement composé de militaires féminins.
D'autant que c'est un peu chafouin d'utiliser un « e » muet pour la « générale » Hedy Lamarr, et considérer qu'il n'y ait pas de place pour des électrones (libres).
Bref, outre ces petits désagréments, les deux nouvelles en question sont des petits bijoux de divertissement.
La couverture signée Manchu est une pure merveille, et d'une manière générale l'édition a accouché d'un bien joli livre.
Ray Nayler est décidément un auteur avec qui compter.
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