Accéder au contenu principal

Les sept morts d'Evelyn Hardcastle [Stuart Turton / Fabrice Pointeau]

Un peu à la manière d'Agatha Christie qui en son temps, avec « Le meurtre de Roger Ackroyd », subvertissait les règles de l'enquête policière littéraire, Stuart Turton propose un cadre totalement inédit pour son propre whodunit, et pour tout dire terriblement séduisant.
Une originalité qui malheureusement gardera tous ses secrets ; et qui au fur et à mesure de ce qu'il voudra bien nous en apprendre, la transformera en usine à gaz. 
Ce qui est d'autant plus dommage, que si on fait abstraction de ce qui fait justement son originalité, « Les sept morts d'Evelyn Hardcastle » est du niveau de ce que ce type de roman est à même de produire de mieux.
Mais de manière assez fâcheuse, Stuart Turon s'entête, tout en distribuant des informations qui sapent les fondations mêmes de son entreprise. 

Ainsi en va-t-il de la durée objective de l'enquête, ou des motivations premières du personnage principal masculin ; lesquelles entrent en complète contradiction, et c'est peu de le dire, avec les actions qu'il accomplit au cours des nombreuses péripéties de l'enquête. 
À cela s'ajoute des questions sur la nature de « Blackheath house », ainsi que bien évidement, sur celle des protagonistes eux-mêmes.
L'enquête ne laisse pas non plus d'interroger, surtout dans le contexte particulier du roman :  véritable « cold case » ou exercice programmé ? 

Quelque soit la bonne réponse, aucune des deux ne paraît toutefois satisfaisante, du moins en regard de ce que j'en ai appris grâce à la traduction de Fabrice Pointeau pour les éditions Sonatine

D'autant que la révélation finale surprend quelqu'un qui n'aurait pas dû l'être. À moins que ....

       Bref, Stuart Turton joue, à mon avis, sur bien trop de tableaux à la fois pour garantir à son roman le minimum de cohérence interne nécessaire, pour que le plaisir de lecture supplante celui de tenter de le faire tenir debout.  
« Les sept morts d'Evelyn Hardcastle » aurait ainsi eu tout à gagner à être imaginé au-delà des limites de ses 544 pages, ne serait-ce que pour en éclairer les écueils, et y remédier. 
Peut-être conscient de la fragilité du dispositif sur lequel repose l'originalité de son premier roman, Stuart Turton ne s'y risque pas, et fait l'économise d'une explication (dont je doute qu'elle aurait été satisfaisante).       

« Les sept morts d'Evelyn Hardcastle » n'est pas un mauvais roman, certains l'ont d'ailleurs trouvé très à leur(s) goût(s) [Pour en savoir +], mais il n'est pas de ceux dont je recommanderai la lecture. Ou alors, tout au plus, une recommandation par défauts (sic) !    

Commentaires

  1. Nous ne sommes pas du tout d'accord, ce livre est excellent dans sa construction et dans son intrigue. Les explications sont là même si cela peut être frustrant de ne pas comprendre le "fonctionnement" du truc. (dur de ne pas spoiler !) mais ca marche. Enfin plus pour moi que pour toi... ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est ce que j'avais cru comprendre en te lisant. Ainsi, pour faire la part des choses, j'avais justement mis en lien ta critique.
      Notamment parce qu'elle recoupe tous les avis, quasi tous positifs, que j'ai pu lire, après coup, sur ce roman.
      Mais comme disait Montaigne, « Je m'avance vers celui qui me contredit » !
      [-_ô]

      Supprimer
    2. J'aime bien cette citation, elle me sied à merveille. Merci, je repasserai !

      Supprimer
  2. C'est l'une de mes prochaines lectures, j'en attendais beaucoup au vue des critiques élogieuses. Maintenant, mes attentes sont moindre et j'espère que les défauts que tu listes ne me feront pas tiquer. Réponse dans quelques jours/semaines

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'

Juste cause [Sean Connery / Laurence Fishburne / Ed Harris / Kate Capshaw]

« Juste Cause 1995 » est un film qui cache admirablement son jeu.             Paul Armstrong , professeur à l'université de Harvard (MA), est abordé par une vieille dame qui lui remet une lettre. Elle vient de la part de son petit-fils, Bobby Earl , accusé du meurtre d'une enfant de 11 ans, et qui attend dans le « couloir de la mort » en Floride . Ce dernier sollicite l'aide du professeur, un farouche opposant à la peine capitale.   Dès le départ, « Juste Cause 1995 » joue sur les contradictions. Ainsi, Tanny Brown , « le pire flic anti-noir des Everglades », dixit la grand-mère de Bobby Earl , à l'origine de l'arrestation, est lui-même un africain-américain. Ceci étant, tout le film jouera à remettre en cause certains a priori , tout en déconstruisant ce que semblait proposer l'incipit du film d' A rne G limcher. La déconstruction en question est ici à entendre en tant que la mise en scène des contradictions de situations dont l'évidence paraît pour

Nebula-9 : The Final Frontier

... Nebula-9 est une série télévisée qui a connu une brève carrière télévisuelle. Annulée il y a dix ans après 12 épisodes loin de faire l'unanimité : un mélodrame bidon et un jeu d'acteurs sans vie entendait-on très souvent alors. Un destin un peu comparable à Firefly la série de J oss W hedon, sauf que cette dernière bénéficiait si mes souvenirs sont bons, de jugements plus louangeurs. Il n'en demeure pas moins que ces deux séries de science-fiction (parmi d'autres telle Farscape ) naviguaient dans le sillage ouvert par Star Trek dés les années 60 celui du space opera . Le space opera est un terme alors légèrement connoté en mauvaise part lorsqu'il est proposé, en 1941 par l'écrivain de science-fiction W ilson T ucker, pour une catégorie de récits de S-F nés sous les couvertures bariolées des pulps des années 30. Les pulps dont l'une des particularités était la périodicité ce qui allait entraîner "une capacité de tradition" ( M ich