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Confession d'un masque

Notre capacité d'anticipation permet à nos hypothèses de mourir à notre place

Karl Popper
Final Crisis n°6
 .. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que la mort est omniprésente durant le run de Grant Morrison sur Batman (et sur Final Crisis).
Il m'a dès lors semblé intéressant de vous proposer un extrait du Hagakure, un ouvrage fondamental (me semble-t-il) de la culture japonaise. Cette somme a été composé oralement au XVIIIe siècle par Jocho Yamamoto et recueillie par son élève Tsuramoto Tashiro.
Je découvris que la Voie du samouraï, c'est la mort. Si tu es tenu de choisir entre la mort et la vie, choisis sans hésiter la mort. Rien n'est plus simple. Rassemble ton courage et agis. À en croire certains, mourir sans avoir accompli sa mission, ce serait mourir en vain. C'est là une contrefaçon de l'étique samouraï, qui trahit l'esprit calculateur des arrogants marchands d'Osaka. Dans une telle situation, il est presque impossible de faire le juste choix. Tous, nous préferons vivre. Rien de plus naturel, donc, dans une situation de ce type, que de chercher une excuse pour survivre. Mais celui qui choisit de continuer à vivre alors qu'il a failli à sa mission, clui-là encourra le mépris qui va aux lâches et aux misérables. Là est le risque. Celui qui meurt en ayant échouer, sa mort sera celle d'un fanatique, une mort vaine. Mais non pas déshonorante. En fait, c'est en une telle mort que consiste la Voie du samouraï. Si l'on veut devenir un parfait samouraï, il est nécessaire de se préparer à la mort matin et soir et jour après jour. Le samouraï qui est constamment préparé à la mort, celui-là a maîtrisé la Voie du samouraï et saura, sans jamais faillir, vouer sa vie au service de son seigneur.
Le Hagakure, Livre I
Précisons que Jocho Yamamoto est mort à soixante et un an. 
Cependant à l'âge de quarante deux ans il voulut se suicider à la mort de son seigneur, mais se heurta à une interdiction de le faire. Il se rasa le crâne et se voua au Bouddha.
Final Crisis n°6
Il serait étonnant que Batman n'ait pas envisagé cette alternative. Car, comme le dit fort justement Yukio Mishima "Qu'importe la façon dont on l'embellit, la mort existe et resserre peu à peu son emprise sur nous."
Pour Mishima, "Si nous plaçons si haut la dignité de la vie, comment ne pas placer aussi haut la dignité de la mort ?"
Toutefois l'écrivain japonais reconnaît que la conception japonaise de la mort "est directe et claire ; elle diffère en cela de la mort effrayante et hideuse que se représentent les occidentaux. Jamais n'a existé dans l'imagination japonaise un dieu de la mort comparable à celui de l'Europe médiévale, le Temps avec sa grande faux. [..] L'image qui a longtemps enrichi l'art japonais n'est pas celle d'une telle mort, rude et sauvage, mais celle d'une mort par-delà laquelle jaillit une source pure qui ruisselle constamment sur notre monde en minces filets purificateurs".
Final Crisis n°6
Les commentaires de Yukio Mishima sont extraits de Le Japon moderne et l'éthique samouraï traduit par Émile Jean. Un livre écrit trois ans avant le propre suicide de l'écrivain :
Tout est fin prêt. Le seppuku est pour le 25 novembre 1970 [..] Mishima reprend pied sur le balcon ; il rouvre la porte-fenêtre, suivi par Morita [..] s'assied par terre [..] et accomplit point par point, avec une parfaite maîtrise, les gestes qu'on lui a vu faire dans le rôle du lieutenant Takeyama. L'atroce douleur fut-elle ce qu'il vait prévu et dont il avait essayé de s'instruire quand il avait mimé la mort ? Il avait demandé à Morita de ne pas le laisser souffrir trop longtemps. Le jeune homme abat son sabre, mais les larmes lui brouillent les yeux et ses mains tremblent. Il ne réussit qu'a infliger au mourant deux ou trois horribles entailles à la nuque et à l'épaule. "Donne !" Furu-Koga prend dextrement le sabre, et d'un seul coup fait ce qu'il faut.
Marguerite Yourcenar, Mishima ou La vision du vide
.. Pour les amateurs, Warren Ellis a emprunté un peu de Yukio Mishima pour son personnage du Maître-Conteur qui apparaît dans Planetary.

Quelques pages sont disponibles iciLe titre de ce billet emprunte bien évidemment à l'un des ouvrages de Yukio Mishima.

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