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Articles

Affichage des articles du décembre, 2021

Le Roi Louve [Émilie Alibert / Denis Lapière / Adrián Fernández Delgado]

Sans méjuger du résultat final, « Le Roi Louve » est toujours en cours de publication, l’entretien avec les trois auteurs qui précède le premier épisode ( Le Journal de Spirou n° 4364-4365) de cette nouvelle série, vaut qu’on s’y arrête.            À la lecture des trois premiers épisodes, « Le Roi Louve » apparaît comme une série de Fantasy , d’ Heroïc fantasy sera-t-il même précisé dans l’entretien en question (mais j’y reviendrai), qui se déroule dans un monde secondaire ( i.e. étranger au nôtre).  Habité par un matriarcat humanoïde ovipare (comme l'un des peuples de Barsoom soit dit en passant, celui de Dejah Thoris ), mais aussi par un peuple de Loups anthropomorphes, dont les membres, jusqu’à leur majorité vivent des cycles durant lesquels ils sont alternativement mâles puis femelles, et ainsi de suite. Sachez également qu’il s’agit d’un royaume, et que pour le gouverner il faut impérativement être un Loup mâle. Vous voyez déjà où tout ça va nous mener, si le zeitgeist ac

Code 46 [Frank Cottrell Boyce / Michael Winterbottom]

« Code 46 2003 » se déroule dans une société mondialisée qui ne partage pas de différence de nature avec la nôtre, mais plutôt une différence de degrés ( sic ) .  Grossièrement elle se divise en deux :  • ceux du « dehors », le lumpenprolétariat , à qui quasiment tout est refusé et qui (sur)vivent sous un soleil aride, dans des endroits qui le sont tout autant  • et ceux du « dedans », la classe supérieure, aisée, installée dans de gigantesques mégalopoles.  Néanmoins, le prix à payer pour ce confort est celui d’un contrôle strict de leurs déplacements, ainsi que du temps passé sur les lieux de leurs destinations. Voyages et séjours sont en effet subordonnés à des assurances, les « papels ». C’est justement sur l'un de ces trafics qu’enquête William Geld (alias T im R obbins) lorsque nous le rencontrons. Cependant le fichage des individus va plus loin, puisque les hommes et les femmes de cet avenir proche ( ?) ont largement recours à l’insémination in vitro , et au clonage.  S

Le maire et les barbares [Eve Szeftel]

Le livre dont je vais parler, relate une enquête journalistique qu’auraient certainement pu mener Gabriel Lecouvreur dit le Poulpe, ou Julien Ardant alias le Hussard, son alter ego de droite.  Encore qu’ici la réalité dépasse largement la fiction dont nos deux héros sont coutumiers. J’en veux pour preuve – notamment - le roman d’ O livier N orek intitulé Territoires 2014 . Lequel raconte justement une enquête policière sur le clientélisme municipal qui se déroule également dans le « 9-3 », et qui pourtant se montre à la lecture bien sage, voire presque timorée, par rapport aux faits que décrit E ve S zeftel dans « Le maire et les barbares ».  Le contexte :             Il faut s’imaginer un jeune maire de centre droit disons, qui contre toute attente, entame la présence historique du PCF dans ce qu’on surnomme communément la « banlieue rouge » en s'installant à la mairie de Drancy . La surprise passée, il s’agit bien évidemment pour lui et ses affidés de consolider sa position.

Chambre froide [David Koepp / Thibaud Eliroff]

L'envie de lire ce roman m'a été donnée à la faveur d'un entretien que l'auteur dudit roman a accordé au magazine LIRE, en novembre 2019. Retenez bien la date !             Dans cette interview , I lan F erry pose donc plusieurs questions à D avid K oepp, par ailleurs scénariste de pas mal de blockbusters cinématographiques, mais nouveau venu dans la littérature de (mauvais) genre. Dont celle-ci, rappelez-vous l'entretien parait en novembre 2019 : « Pourquoi avoir choisi d'articuler votre récit autour de la propagation d'un virus, qui renvoie à une peur davantage associée aux années 1990-2000 ? » Lire cette interview , comme je l'ai fait, plusieurs mois après sa publication, alors que nous étions où nous en sommes encore d'ailleurs, en pleine crise de la COVID-19™, démarrée justement quelques mois après ladite parution, avait quelque chose de cocasse. Loin de moi l'idée de reprocher quoi que ce soit à I lian F erry ; en novembre 2019, bien malin

Les djihadistes aussi ont des peines de cœur [Morgan Sportès]

La story : Juste après l'affaire « Merah » mars 2012 , une grenade est jetée dans une épicerie casher de la banlieue Nord de Paris. Aucun mort. La goupille porte des traces d'ADN, un individu est identifié, mais on le laisse courir pendant deux semaines pour tenter d'identifier son réseau. Résultat : un dossier d'instruction de plus de 3000 pages, et un procès qui durera deux mois. 16 Joumada al oula, 1443             M organ S portès, dont ce n'est pas le premier « romanquête », non-fiction novel dans la langue de son modèle T ruman C apote, nous emmène au plus profond et surtout au plus proche, d'un lumpenprophètariat que l'on côtoie sûrement plus souvent qu'on ne le croit.             À base d'écoutes téléphoniques, que S portès retranscrit au plus près d'un sabir qu'il doit ensuite remettre en bon français, de procès-verbaux de filatures, de rencontres, d'audiences et de finalement trois ans de travail, toute une nébuleuse islami

Le Doigt de Dieu [Frédéric Rouvillois]

             L'esprit humain étant ce qu'il est, nous avons tous tendance à donner un sens au bruit statistique qui nous entoure, même s'il n'en a aucun.  Évidemment, dès lors qu'on se plonge dans une fiction, notre esprit y vagabonde autant qu'il y est dirigé. Et assez rapidement, et peut-être encore plus rapidement lorsqu'on se confronte à un (mauvais) genre, on anticipe ce qui advient, puisqu'on en connait les codes par cœur.  Avec certes, plus ou moins de réussite. Le savoir-faire de l'auteur, conscient de ce qu'il manipule, peut dès lors déjouer nos pronostiques, ou bien leur donner raisons. Dans cette seconde hypothèse, l'histoire importe finalement bien plus de son dénouement (prévisible). Quand bien même un doute raisonnable subsistera jusqu'à la toute fin.  « Le Doigt de Dieu » appartient à la seconde hypothèse.             F rédéric R ouvillois y imagine un duo d'enquêteurs, par ailleurs couple à la ville, qui pour sa deuxi

L'Île aux quarante et quelques cercueils

Jeu de massacre mondialement connu « Battle Royale 2006 » est aussi, comme vous le savez sûrement, un roman écrit par K ōshun T akami. Un livre beaucoup plus intéressant que ne le laisse croire son accroche.             Dans un futur relativement proche, si on en croit la technique utilisée par les uns et les autres, la République de Grande Asie organise, chaque année, un affrontement mortel au sein d'une classe de collège, tirée au sort.             Le roman, traduit par P atrick H onoré, S imon N ozay et T etsuya Y ano, est d'une certaine manière l'hybridation d'une dystopie orwellienne dirigée en lieu et place par le « Reichsfürer », à la place donc du célèbre « Big Brother », largement influencée par le court récit de R ichard C onnell, T he Most Dangerous Game (alias Les Chasses du comte Zaroff ), et supervisé par B arbara C artland. Un combo finalement beaucoup plus lisible que mon laborieux name-dropping risque de le laisser penser.  Et le tour de force n&#

Le voyant d'Étampes [Abel Quentin]

« En France nous étions des poètes, et par là je comprenais qu’il voulait désigner pudiquement des eunuques poudrés qui ont inventé colin-maillard et l’escarpolette. »              L’histoire est très simple, elle débute en 2025, à Paris . Jean Roscoff , maître de conférences à l’université Paris-VIII, divorcé, un enfant, prend sa retraite et ravive un vieux projet ; l’écriture d’une biographie sur un obscur poète américain, Robert Willow , un temps compagnon de route des Existentialistes germanopratins, avant de se retirer à Étampes , sous-préfecture de l’ Essonne .              Ce sexagénaire, qu’ A bel Q uentin nous présente comme un pur produit de la gauche mitterrandienne, ex-militant à SOS Racisme™, va dès la parution de son discret opuscule, chez un tout aussi discret éditeur, prendre en pleine face une shitstorm 3.0 inversement proportionnelle à l’intérêt que suscitait jusqu’alors le poète américain, mort dans la fleur de l’âge au volant de sa Peugeot 404.  Un déchaînement de

Le sniper, son wok et son fusil [Chang Kuo-Li / Alexis Brossollet]

« Dans l'Ouest, quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende ». Cette célèbre citation vaut aussi pour l'Orient extrême, si on en croit le premier roman de C hang K uo- L i traduit du mandarin en français par A lexis B rossollet.             En effet, ce thriller s'inspire très librement du meurtre d'un officier de la Marine taïwanaise qui travaillait sur l'achat de frégates françaises par le gouvernement de Taipei au début des années quatre-vingt dix.  Il met principalement en scène le « tireur embusqué » du titre Ai Li , le superintendant Wu et son chef de section au Bureau des enquêtes criminelles « Crâne d’œuf », plus une théorie de personnages dont certains passeront -évidement - l'arme à gauche.             L'attrait principal de « Le sniper, son wok et son fusil » ne tient pas tant à son scénario que dans la manière qu'a C hang K uo- L i de nous le raconter. L'idée de placer en arrière-plan, même dans les moments les

Dans l'océan de la nuit [Gregory Benford / William Olivier Desmond]

Le centre galactique est une vaste fresque de six romans (et une nouvelle), laquelle commence avec « Dans l'océan de la nuit 2001 », publié en 1978 aux U.S.A. , et qui s'est étendue sur une période éditoriale de plus de 25 ans.             À vrai dire « Dans l'océan de la nuit » est plus un « fix-up », autrement dit un roman élaboré à partir d'un assemblage de nouvelles, qu'un roman à proprement parler. La nouvelle qui inaugure ce qui deviendra donc cet immense cycle de « hard science-fiction » paraît dès 1972 dans la revue étasunienne  If™. Elle sera par ailleurs traduite en français dans le magazine Galaxie™, en janvier 1973, dans sa 116 ème livraison. Le cycle en question se termine, à ma connaissance, avec Une soif d'infini , nouvelle parue dans le recueil Horizons Lointains , publié sous la direction de R obert S ilverberg.             Ce n'est pas le sujet de « Dans l'océan de la nuit » qui fait son originalité, mais son traitement. (Mais en