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Articles

Affichage des articles du juin, 2021

Les folles enquêtes de Magritte et Georgette [Nadine Monfils]

Si d'après R aymond C handler, D ashiell H ammett a sorti l'enquête criminelle de l'univers douillet des salons et des mains d'amateurs dilettantes pour la remettre dans la rue, d'autres auteurs ont depuis décidé de pasticher l'Âge d'or ® du whodunit anglais.             « Les folles enquêtes de Magritte et Georgette » ressortit à ce courant du roman policier qu'on appelle désormais des « cosy mysteries ».  Ce premier tome, qui devrait être suivi par d'autres, met en scène R ené M agritte et son épouse, G eorgette, dans les rôles de deux détectives amateurs. La série s'inscrit également dans cette veine de polars où des individus historiques deviennent des détectives. Comme le terme générique de « cosy mystery » le laisse penser, ces romans se déroulent dans une société relativement policée, la violence y est certes présente mais adoucie, et si le criminel en est un, les circonstances qui l'ont poussait à le devenir équilibre les torts.   

Mater Terribilis [Valerio Evangelisti / Jacques Barbéri]

Selon un dispositif dorénavant bien fixé, ce sixième tome (dans l'ordre de lecture chronologique) des aventures de l'inquisiteur Nicolas Eymerich , se divise en plusieurs époques. 1362 sera l'année durant laquelle Nicolas Eymerich aura fort à faire du côté de Cahors . Des péripéties qui seront étroitement liées aux années 1429-1431, et à l'épopée de Jeanne d'Arc .  Et en sus, plusieurs intermèdes en 1990, 1999 puis au XXI ème siècle, où il sera question de la RACHE.   « — Quel galimatias ! »             L'idée sous-jacente du roman, qui apparaitra finalement sous la forme d'un cours magistrale dispensé par Yolande d'Aragon , est l'une de celles que d'ordinaire j'apprécie beaucoup. Dommage que pour en arriver là il faille se fader une histoire aussi longue et indigeste. Entre des épigraphes toutes plus incompréhensibles les unes que les autres, des personnages très antipathiques (curieusement Gilles de Rais est celui qui s'en sort le m

Wombs t1 [Yumiko Shirai / Alexandre Goy]

Il me semble qu'utiliser (ou garder) des titres anglais est une pratique fermement établie chez les éditeurs français de manga .  Un usage pour le moins étonnant dès lors que la langue cible n'est justement pas l'anglais. Et une mauvaise habitude qui montre clairement ses limites dans le cas du premier tome de « Wombs » (sur les cinq prévus).              À moins que l'anglais ne soit votre seconde langue maternelle, il y a peu de chance que la signification du titre vous vienne immédiatement à l'esprit. Cette perte de sens est d'autant plus regrettable que la traduction de « womb » n'aurait pas manqué de faire travailler l'imagination de quiconque aurait vu la couverture, même par hasard.  En effet, imaginez une histoire dont le titre est « Utérus » !  Ne me dites pas qu'un tel titre n'a pas plus de puissance que l'incompréhensible « Wombs » ?!  À moins donc d'être assez familier de l'anglais, le titre perd ici la quasi-totalité de

Nathan Never [Agent Special Alfa]

Si le contexte ne surprendra personne, et pour cause « Nathan Never »s'inspire des films de Sf des années 1980, et des stars qui ont fait ce qu'il en reste dans la mémoire collective ; Nathan lui-même est d'ailleurs un cousin pas si éloigné que ça de Rick Deckard , et sa collègue, « Legs » Weaver est la copie presque conforme de S igourney « Alien » W eaver.             Or donc, si le contexte est familier, les nœuds dramatiques le sont tout autant. « Nathan Never » n'est pas une série de bande dessinée d'avant-garde, pas plus qu'elle n'est là pour chambouler la littérature d'évasion à laquelle elle appartient. Maniant l'action, l'humour est la citation avec un beau savoir-faire, ce premier tome paru aux éditions Swikie™ se distingue surtout grâce à son dessinateur C laudio C astelleni.              C'est en effet à un vrai festival de virtuosité artistique que nous convie le dessinateur italien  : aplats, hachures, trames. En plus de de

Le Monde Obscur [Henry Kuttner / A. Modlinger]

« Le Monde Obscur 1972 » est une novella signée H enry K uttner, parue en 1946 dans le pulp magazine Startling Stories .  On estime cependant qu’elle a très probablement été écrite en collaboration avec son épouse C . L . M oore. Laquelle aura une très belle carrière sous son propre nom, et une influence considérable dans le milieu de l’Imaginaire ® étasunien.              « Le Monde Obscur » s’articule à partir de ce qu’il est convenu d’appeler la prémisse « ruritanienne ». C’est-à-dire que comme dans le roman d’ A nthony H ope Le prisonnier de Zenda 1894 le personnage principal se substitue, grâce à sa ressemblance physique dans le cas d’espèce, à un autre ; lequel occupe une place éminente dans l’histoire qui va être racontée.  Dans le roman de H ope, il s’agit du futur roi de Ruritanie . CQFD !             Dans « Le Monde Obscur » H enry K uttner conjugue cette prémisse au planet opera dont l’écrivain E dgar R ice B urroughs s’était fait une spécialité au début du XIXe siè

Brussels Confidential [Kenan Görgün]

« On vit dans une époque où nos certitudes sont impardonnables. Il faudrait laisser plus de place au doute. » Kenan Görgün             « Le second disciple » a failli s'intituler Rituel , et si on avait lu la quatrième de couverture qui lui était alors consacrée, plusieurs différences seraient apparues. Dans la mouture qui est finalement sortie, le texte donne, me semble-t-il, l'impression que l'on va lire un thriller , mélange de vengeance et d'opération « undercover » traité cependant via un angle plutôt original. Mais le roman que j'ai lu est tout autre.            Original il l'est resté, il est même bien plus étonnant que ne le laissait croire la quatrième de couverture en question.  Et s'il s'agit bien d'une d'infiltration, cette mission qui se révélera bien plus suicidaire que prévue, incombera au lecteur. Fort d'un vécu passé où les deux protagonistes principaux ont eux mêmes habité, c'est-à-dire dans des quartiers populaires,

Prophecy [Tetsuya Tsutsui / David Le Quéré]

« Prophecy », un thriller en 3 tomes, a une histoire éditoriale singulière puisque Ki-oon™, l'éditeur français, l'a expressément commandé au mangaka T etsuya T sutsui. « Je suis un fervent lecteur de Dostoïevski, et notamment j’adore son livre Crime et Châtiment dans lequel les personnages principaux sont tous des déclassés, des moins-que-rien. »               Inspiré par la tuerie qui a eu lieu en 2008 au cœur du quartier d' Akihabara , à Tōkyō, le manga « Prophecy » s'en démarque en complexifiant les actes de Paperboy , et ses motivations, par rapport à ceux de T omohiro K atō, le meurtrier du 8 juin. De la tuerie en question, ne restera tout au plus qu'un événement lisible dans le deuxième tome.  En effet si « Prophecy » s'inspire de notre quotidien, sa mécanique scénaristique est si précise, si méticuleuse, et si proactive, qu'il ne fait aucun doute qu'on se trouve dans une œuvre de fiction. Toutefois, l'emballement que les « réseaux sociaux

L'heure du loup [Pierric Guittaut / Jessy Deshais]

P ierric G uittaut trace deux très beaux sillons dans le paysage du polar hexagonal. L'un, consacré au polar urbain [ Pour en savoir + ], l'autre qui s'enracine dans une ruralité française encore empreinte de superstitions et de croyances populaires, où le progrès n'est pas forcément synonyme d'amélioration pour ceux qui le vivent.   Avec « L'Heure du loup » G uittaut convoque par ailleurs son intérêt pour la « Bête du Gévaudan», à laquelle il a consacré un essai publié aux éditions De Borrée™.             En effet, un corps découvert sur la circonscription dont s'occupe le major Fabrice Remangeon , vu précédemment dans D'Ombre et de flamme , est imputé à un loup. Dont justement la dispersion en Sologne ne fait pas que des heureux.  Une « faitdiversion » dont l'intensité sera l'occasion de mettre au jour la nappe phréatique des secrets qui grignotent - en sourdine - les uns et les autres.             P ierric G uittaut n'a pas son pareil pou

Le mystère du tramway hanté [P. Djèlí Clark / Mathilde Montier]

Uchronie dont le point Renouvier © se situe aux environs de 1870, « Le mystère du tramway hanté » décrit une Égypte utopique dont le futur est arrivé bien plus tôt que pour celle que nous pouvons connaitre. Ambiance « Djinnpunk » pourrais-je dire, pour cette novella , puisque que ce n'est pas la vapeur qui alimente la technique émancipatrice, comme dans le Steampunk ® , mais les djinns que les travaux du savant al-Jahiz ont amenés sur ce plan de réalité 40 ans plus tôt que les faits qui y seront décrits.             Si vous avez lu L'Étrange affaire du djinn du Caire - déjà traduit par M athilde M ontier pour les éditions de l'Atalante™ - vous êtes en terrain connu [ Pour en savoir + ]. Non seulement la présente novella se déroule dans le même univers, mais P . D jèlí C lark y invite Fatma el-Sha’arawi , l'agente spéciale du ministère égyptien de l'Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles. Une sorte de crossover en somme. C'est incidemment c

Fausses pistes [Bruno Duhamel]

Durant 15 ans Frank Paterson Jr. a incarné la célèbre légende de l'Ouest Jake « Wild Faith » Johnson pour le Daily Wild West Gunfight Show ® . Remercié, il entreprend un voyage organisé, offert par ses ex-collègues, dans un état de santé qui ressemble assez bien à une dépression. « L’Ouest n’est plus rapporté à une période de l’histoire américaine; il est une idée dans la tête d’un ou plusieurs personnages »   S uzanne L iandrat- G uigues & J ean- L ouis L eutrat in Western(s) • De l'être au néon             Commencer un album en plantant son décor dans un spectacle grand public, imitant les célèbres cirques itinérants américains de la fin du XIX e siècle, dont certainement le plus connu a été celui de Buffalo Bill ; est une prémisse éclairante. En effet, la mémoire collective étasunienne a été sculptée par ses spectacles itinérants, lesquels racontaient la Conquête de l'Ouest™ en des tableaux vivants successifs à des foules nombreuses. Le cinéma s'en est

Quatorze crocs [Martín Solares / Christilla Vasserot]

Au crépuscule des Années folles ® , dans une sombre ruelle près de Montparnasse , on découvre un cadavre qui, s’il n’a rien d’exquis, se distingue néanmoins par 14 marques sur son cou, comme autant d’insolites morsures.              M artín S olares donne ici un léger coup de canif dans la jugulaire du réel pour le premier tome de ce qui devrait être une trilogie. Lequel nous introduit dans un Paname ultra-mondain aussi facilement qu’une main rentre dans un gant, et où l’on explore, à la suite de Pierre Le Noir , inspecteur à la Brigade Nocturne de la Police de Paris, une topographie psychogéographique de la capitale hexagonale : « Les créatures nocturnes le savent, chaque rue de Paris a un nom officiel et un nom secret. »              Pierre Le Noir y croisera aussi bien B éla L ugosi, M an R ay, que S imenon ou A ndré B reton, non sans s’être roulé dans la vase de la Seine dont les vertus magiques sont bien connues.  Court roman sous influence surréaliste, « Quatorze crocs » est

Manhole [マンホール] Tetsuya Tsutsui

J'ai brièvement évoqué cette trilogie au moment où j'ai publié un commentaire™ sur Poison City [ Pour en savoir + ], puisque les deux tomes de cette dernière était une réponse à la censure dont avait fait l'objet « Manhole ».           Jusqu'à maintenant T etsuya T sutsui privilégie les histoires courtes, dont évidement « Manhole », disponible en seulement trois tomes chez ki-oon™. Cette relative singularité chez un mangaka , donne à lire des récits très denses.              Ainsi « Manhole » commence comme un polar : un homme, entièrement nu, meurt subitement au milieu de la rue marchande de la ville de Sasahara . Très rapidement l'enquête va s'orienter dans la direction d'un étrange individu, dont les motivations sortent de l'ordinaire. Alors qu'en même temps, à l'insu de tous, la cause de la mort de Yoshito Horikawa dans la rue marchande, prend elle aussi une direction pour le moins inattendue.             Ces deux idées suffiraient déjà

Une Heure-Lumière, hors-série 2021

Quatrième hors-série de la collection « Une Heure-Lumière™ », consacrée aux novellas , celui-ci propose comme de coutume, en plus du catalogue de ladite collection, une nouvelle inédite, qui pour l'occasion est l’œuvre de G reg E gan. Sous une très belle couverture d' A urélien P olice, l'auteur australien donne à lire certainement l'une de ses nouvelles les plus accessibles. Réputés d'un accès ardu, ses récits reposent en effet sur des concepts scientifiques très pointus dont l'aspect romanesque occupe souvent la partie congrue.              « Un château sous la mer » la nouvelle en question, traduite par L'Épaule d'Orion [ Pour en savoir + ], en plus d'être d'un abord moins intimidant que ce qu'écrit d'ordinaire le natif de Perth (dans l'État d'Australie-Occidentale) et une nouvelle « à chute». Autrement dit, un épilogue censé changer radicalement la parallaxe qu'on avait jusqu'à maintenant du texte qu'il clôture.

Rouge est la nuit [Tetsuya Honda / Dominique & Frank Sylvain]

Roman policier 100% règlement-règlement, « Rouge est la nuit » ressemble à s'y méprendre à prendre un coup de couteau dans les reins quand on s'y attend le moins. Si l'épigraphe de la première partie ne laisse guère de place à la surprise : « Une femme à qui on a crevé les yeux, à qui on a tranché la gorge, du sang frais qui jaillit. Et toi, veux-tu voir ça en vrai ? », la suite prouvera le contraire.              Traduit par D ominique & F rank S ylvain, les deux fondateurs de la maison d'édition l'Atelier Akatombo™ qui le publie, ce livre est le premier d'une série consacrée à la lieutenante Reiko Himekawa de la police de Tokyo . Une carrière placée sous le signe d'un traumatisme, que cette enquête ne risque pas d'apaiser. Autrement plus dépaysant que le 36, Quai des Orfèvres ® , le Département de la Police Métropolitaine de Tokyo ® partage néanmoins avec son homologue parisien d'être au sommet de la chaîne alimentaire policière. Un prestig

Un coup de poignard [Adam-Troy Castro / Benoît Domis]

Cette nouvelle de 70 pages, au sommaire du deuxième tome des enquêtes de la procureure extraordinaire Andrea Cort , est un crossover .              C’est-à-dire qu’elle réunit dans une histoire, deux des personnages récurrents de l'écrivain étasunien A dam- T roy C astro : Andrea Cort bien sûr, après tout le sommaire de La troisième griffe de dieu lui est dédié ; et Draiken , une barbouze en rupture de ban, probablement au service du plus offrant.  « Un coup de poignard », ladite nouvelle, offre également, une fois n’est pas coutume, d’être racontée du point de vue de l’invité. Et de s’affranchir de la narration « à pas de loupe », qui avait été jusque-là la caractéristique du vaste space opera que constituent Émissaires des morts [ Pour en savoir + ] et La troisième griffe de Dieu .              Plus proche d’un thriller donc que d’un whodunit , ce récit laisse la part belle à l’indispensable assistant d’ Andrea Cort , les Porrinyard , une paire d’ inseps au centre de toute