Durant 15 ans Frank Paterson Jr. a incarné la célèbre légende de l'Ouest Jake « Wild Faith » Johnson pour le Daily Wild West Gunfight Show®. Remercié,
il entreprend un voyage organisé, offert par ses ex-collègues, dans
un état de santé qui ressemble assez bien à une dépression.
« L’Ouest n’est plus rapporté à une période de l’histoire américaine; il est une idée dans la tête d’un ou plusieurs personnages »
Suzanne Liandrat-Guigues & Jean-Louis Leutrat in Western(s)
• De l'être au néon
Commencer un album en plantant son décor dans un spectacle grand public, imitant les célèbres cirques itinérants américains de la fin du XIXe siècle, dont certainement le plus connu a été celui de Buffalo Bill ; est une prémisse éclairante.
En effet, la mémoire collective étasunienne a été sculptée par ses spectacles itinérants, lesquels racontaient la Conquête de l'Ouest™ en des tableaux vivants successifs à des foules nombreuses. Le cinéma s'en est largement inspiré dès lors qu'il a produit des westerns.
Façonnés par des hommes comme Buffalo Bill, dont la propre légende avait déjà été tamisée par l'imagination de Ned Buntline, et véhiculée par nombre de « romans à deux sous » ou Dime Novels à sa gloire ; on comprend aisément que la « légende » a rapidement supplanté la réalité. Imprimant pour longtemps dans l'imaginaire collectif un roman national qui fait encore autorité.
• Tous contre tous
Cette excursion touristique à laquelle prend part Frank Paterson Jr. va virer à la satire en tant qu'elle peut être vue comme la transposition d'un des très nombreux forums que l'on trouvent sur internet. Lecture sous influence certes, mais tout y est, ou presque : la modératrice, les tyrans de la repentance, le troll, quelques minorités genrées ou « racisées », et surtout des discussions où chacun vient avec sa vérité (la vieille lune du relativisme est une des pierres angulaires des échanges 2.0). Et où la vieille injonction « d'où parles-tu, camarade ?» n'a jamais été aussi prononcée.
Entre fake news et discours politiquement corrects, le voyages vire - évidemment - au cauchemar.
« Fausses pistes » c'est aussi un voyage où quelques monuments culturels apparaissent en filigrane, en plus de la magnifique vallée homonyme.
Comme dit précédemment, le western paye donc son tribut aux arts circassiens au travers d'une mise en scène qui n'est pas sans rappeler le célèbre règlement de compte d'O.K. Corral, puis bien évidemment, dès qu'il est question des U.S.A., le road trip prend le relais.
Loup Blanc quant à lui m'a évoqué le mystérieux don Juan, mentor du fantasque Carlos Castaneda ; un trickster dans la grande tradition, qui débouche sur l'une des plus belles idées de l'album (qui n'en manque pourtant pas). Une séquence où l'ombre portée de Tony Hillerman se mêle à celles des mesas du lieu avec discrétion.
Alors que la coolitude de Cochise le Cheyenne (sic) m'a rappelé celle de Crocodile Dundee.
Sans oublier l'évocation saisissante de Punishement Park1971, le film de Peter Watkins, à la presque toute fin de l'album.
• Le paradigme absent
Bruno Duhamel m'apparaît ici, en plus d'être un dessinateur très talentueux, comme un digne descendant de nos plus éminents moralistes.
La morale de « Fausses pistes » se définirait par ce que j'appellerais le paradigme absent du logiciel des personnages : i. e. l'humour.
S'ils sont souvent risibles, aucun d'entre eux, mise à part Cochise, n'en fait preuve. Tout pour eux, est éminemment sérieux. Au point d'homicider leurs prochains, voire de mourir pour le prouver.
Et pourtant cette excursion aurait pu prendre un tout autre chemin avec un peu plus d'humour de leur part. Mais on n'aurait pas eu l'occasion cette belle histoire.
Chouette. Une nouvelle BD de Bruno Duhamel. J’adore cet auteur de BD.
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