... Fruit d'une recherche au long cours (1974-1978), c'est en 1980 que paraît L'Invention du quotidien dont le sous-titre du tome 1 est "arts de faire".
Des quinze chapitres qui constituent cet ouvrage, c'est du douzième dont j'aimerais vous parler. Dans ce chapitre Michel de Certeau introduit la notion de braconnage dans le champ culturel (et plus précisément dans la lecture, mais il est clair que l'on peut que l'on doit l’extrapoler à la consommation culturelle dans son ensemble ; appliquant de fait le braconnage aux propres écrits de son inventeur, si l'on peut dire).
Peter Stults |
Michel de Certeau n'y va pas avec le dos de la cuillère lorsqu'il fustige l'idée qu'"Aux foules, il resterait seulement la liberté de brouter la ration de simulacres que le système distribue à chacun" d'où il ressortirait que "le public est modelé par les produits qu'on lui impose.".
À cela Certeau oppose (et propose) le braconnage, acte par lequel le lecteur (dans le cas d'espèce mais pas seulement) échappe "à la loi de l'information" (c-à-d à ce qui donne forme. On dirait aujourd'hui au formatage).
Selon lui, au contraire le lecteur est "le producteur de jardins qui miniaturisent et collationnent le monde, Robinson d'une île à découvrir, mais "possédé" aussi par son propre carnaval qui introduit le multiple et la différence dans le système écrit d'une société et d'un texte.".
Sean Hartter |
Le lecteur (mais aussi le spectateur, l'auditeur etc...) n'est pas un consommateur supposé voué à la passivité et à la discipline, mais un braconnier qui par une succession d'actes de résistance, de détournements, et de transformations chasse sur les terres idéologiques de propriétaires qui leurs sont hiérarchiquement supérieurs : la polémologie appliquée à la consommation de masse, dont MATRIX DEZIONIZED en serait l'avant-dernier avatar.
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