... Argo est un film qui peut, selon notre idiosyncrasie, nous amener à nous poser la question de l'irruption du réalisme dans la fiction, ou plus précisément de la volonté de rendre le plus réaliste possible des fictions qui n'en demandaient pas tant. Ou à rechercher des oeuvre imaginaires de ce type
D'aucuns vous diront que le réalisme dans le monde des super-héros remonte à loin, avec une série telle que Watchmen (Les Gardiens), voire plus loin avec Stan Lee qui introduisit dans les années 60 des personnages dont le versant civil devait composer avec la réalité de fins de mois difficiles ou avec une adorable vieille tante. Sans oublier les scénarios de Steve Gerber (dans les années 70) qui prenaient souvent assise sur des situations sociales triviales mais toujours extrêmement réalistes et éloquentes : je pense à cette histoire qui mettait en scène Les Défenseurs (The Defenders) avec un groupuscule de suprématistes blancs dans un contexte de logements insalubres, appartenant à un vendeur de sommeil, qui prennent feu.
Mais est-ce le cas ?
Mais est-ce le cas ?
The Dynamic Defenders #22 |
Pourquoi éliminer les récits de Stan The man ? Ou ceux de Steve Gerber ?
Tout simplement parce que si l'aspect humain de leur alter ego (chez Stan Lee par exemple) ou le contexte social (chez Gerber) gagne en réalisme (c'est-à-dire qu'ils s'inscrivent dans la réalité que peut éventuellement vivre le lecteur) les super-héros eux-mêmes et leurs actions restent dans le domaine de la fantaisie la plus absolue (sans parler des retombées de ces actions) ; et si la bande dessinée Watchmen pose la question de la présence du super-héros (ou du justicier costumé) dans la société et tente d'en donner un aperçu réaliste : en résumé le monde produit par l'apparition du Dr Manhattan devient une uchronie, elle achoppe sur la genèse du Dr Manhattan (celui par qui le changement survient) très éloigné d'un quelconque réalisme. Il semble dés à présent que le réalisme est à géométrie variable.
Tout simplement parce que si l'aspect humain de leur alter ego (chez Stan Lee par exemple) ou le contexte social (chez Gerber) gagne en réalisme (c'est-à-dire qu'ils s'inscrivent dans la réalité que peut éventuellement vivre le lecteur) les super-héros eux-mêmes et leurs actions restent dans le domaine de la fantaisie la plus absolue (sans parler des retombées de ces actions) ; et si la bande dessinée Watchmen pose la question de la présence du super-héros (ou du justicier costumé) dans la société et tente d'en donner un aperçu réaliste : en résumé le monde produit par l'apparition du Dr Manhattan devient une uchronie, elle achoppe sur la genèse du Dr Manhattan (celui par qui le changement survient) très éloigné d'un quelconque réalisme. Il semble dés à présent que le réalisme est à géométrie variable.
Donc disais-je, bien que certains pensent que cela remonte à plus loin dans le passé, le débat semble avoir atteint le grand public (sans qu'il en eut été forcément conscient) avec le film Matrix.
Le long-métrage des frères Wachowski est à mon avis un film de super-héros qui ne dit tout simplement pas son nom, et qui tente de donner une version réaliste des super-héros : à savoir il est possible de devenir un super-héros mais seulement dans le monde virtuelle (autrement dit celui de l'imagination) où tout est possible mais où rien n'est vrai.
Ce film a eu un impact si puissant que par exemple (et ce choix n'est pas une coïncidence) le scénariste Grant Morrison lorsqu'il reprend les X-Men les dote d'une tenue de cuir plus "réaliste" que leurs précédentes tenues bigarrées. On verra apparaître ensuite ou parallèlement des groupes comme les Ultimates le versant militaire de leurs homologue de la Terre 616, qui lorgnent vers ce réalisme de façade.
Avant même Matrix, on se souviendra pour la petite histoire de Blade l'adaptation cuir (déjà) d'un personnage de seconde zone de l'éditeur Marvel. Si le chasseur de vampire n'est pas un super-héros au sens propre que je lui donne, il le devient par la grâce de son traitement cinématographique.
Compte tenu de la suite des évènements il faut croire que l'analyse qui en a été faite a mis en avant le succès du personnage sur sa nouvelle garde robe
Car à partir de Blade, pierre angulaire d'un changement important - le costume d'un super-héros est une pièce maîtresse du concept - mais sur un personnage mineur on va voir une lente évolution vers des changements de costume qui abandonnent le côté loufoque que l'on trouvait dans les BD.
On met des blousons aux X-Men et on fini par retirer le slip que portait Superman au-dessus de son costume depuis presque 70 ans, non seulement dans le nouveau film de l'Homme d'Acier mais aussi dans les pages que l'éditeur DC Comics propose dans ses revues.
Un réalisme qui tue |
Compte tenu de la suite des évènements il faut croire que l'analyse qui en a été faite a mis en avant le succès du personnage sur sa nouvelle garde robe
Car à partir de Blade, pierre angulaire d'un changement important - le costume d'un super-héros est une pièce maîtresse du concept - mais sur un personnage mineur on va voir une lente évolution vers des changements de costume qui abandonnent le côté loufoque que l'on trouvait dans les BD.
On met des blousons aux X-Men et on fini par retirer le slip que portait Superman au-dessus de son costume depuis presque 70 ans, non seulement dans le nouveau film de l'Homme d'Acier mais aussi dans les pages que l'éditeur DC Comics propose dans ses revues.
Parallèlement (ou corollaire) à cette évolution du costume, il me semble que la question du réalisme est devenue de plus en plus présente dans le discours de certains amateurs.
Ainsi je lisais dernièrement les propos d'un lecteur où il était question de la couleur utilisée aujourd'hui dans les comics (c'est-à-dire celle obtenue grâce à l'informatique) qui est "plus réaliste" que celle d'il y a 30 ou 40 ans.
Ceci étant dit chacun a bien le droit d'avoir ses propres idées sur la question, même s'il me semble aussi incongru de vouloir parler de réalisme à propos des super-héros que de dire le mot lapin sur un bateau.
... Mais revenons au film de Ben Affleck qui pose la question me semble-t-il du réalisme dans la fiction et du degré de suspension volontaire d'incrédulité que nous sommes capable d'atteindre, en proposant l'idée inverse. Je m'explique.
Argo nous raconte une histoire extraordinaire mais pourtant vraie, une histoire tout bonnement incroyable à tel point que si elle était présentée comme un récit fictif personne n'y croirait. Et pour cause, voyez vous-même :
Le 4 novembre 1979, alors que la révolution iranienne atteint son apogée, l'ambassade américaine est prise d'assaut par des militants et une partie de la population. Six fonctionnaires américains parviennent à s'enfuir et trouvent refuge à l'ambassade canadienne à l'insu de l'Iran.
La C.I.A va mettre sur pied un plan rocambolesque : exfiltrer les Américains en envoyant sur place une équipe sensée venir faire des repérages pour un film de science-fiction / fantasy : Argo. |
Lord of Light |
Là où cela prend une tournure plus folle encore c'est lorsque l'on sait que sera utilisé pour ce projet fou une partie du matériel dessiné par Jack Kirby pour un projet inabouti qui envisageait l'adaptation en bande dessinée d'un roman de Roger Zelazny Lord of Light (alias Seigneur de la Lumière).
Jack Kirby l'un des artisans du renouveau des super-héros au début des années 60 (après bien entendu la relance du Flash en 56 ramenant sur le devant de la scène un genre alors tombé en désuétude), et l'un des pères du groupe que l'on appelait naguère les Vengeurs, mieux connu aujourd'hui sous le nom d'Avengers l'un des hits de l'année 2012 en terme de rentrée cinématographique, film qui paradoxalement s'inspire plus de la version Ultimate de l'équipe que de celle des origines. Une équipe originelle certainement pas assez réaliste.
... Or, donc Argo pose me semble-t-il la question de ce que l'on est prêt à croire, jusqu'où peut aller notre suspension volontaire d'incrédulité : si le scénario d'Argo est présenté comme une oeuvre de pure fiction (ce qu'il est pour ceux qui le mettent en place en 1979 par ailleurs) c'est tellement gros qu'il est peu probable que ça marche pour nombre de spectateurs.
Pas assez réaliste !
Pas assez réaliste !
Ou alors on nous dit que ce film est la transposition d'une véritable opération de la C.I.A et alors on y croit. Tout incroyable que cela puisse être.
Sachant cependant qu'aucun d'entre nous ne peut vérifier la véracité des faits.
Alors Superman sans slip au-dessus de son collant est-il plus réaliste qu'avec ?
Alors Superman sans slip au-dessus de son collant est-il plus réaliste qu'avec ?
Le "réalisme", c'est la remise au goût du jour du héros. Intéressante chronique en tout cas.
RépondreSupprimerMerci.
SupprimerQuestion vertigineuse que tu poses pour conclure ce billet très intéressant comme à l'accoutumée.
RépondreSupprimerUn détail me chiffone néanmoins : Alan Moore lui-même n'a-t-il pas précisé que l'uchronie de "Watchmen" prend sa source dans la non publication de "Action Comics 1" en 1938 ? Idée fascinante d'ailleurs, puisqu'elle implique que c'est l'apparition de super-héros fictifs qui nous aurait prémuni de l'apparition de tels êtres dans notre monde, comme une sorte de "vaccin"...
Oui, je crois que tu as raison sur l'Action Comics "1.
SupprimerNéanmoins l'uchronie en tant que telle est produite par le Dr Manhattan qui en modifiant le cours de l'histoire (du fait de sa présence) la fait advenir : modification de l'équilibre Est/Ouest durant la Guerre froide, victoire U.S au Vietnam, plusieurs mandats de Richard Nixon etc..
Ah bon ? Il me semble que le 1er Hibou trouve sa vocation en découvrant Action Comics 1 et que c'est l’apparition de Super-Héros IRL qui rend caduc le genre en comic, au profit des pirates.
RépondreSupprimerOui tu as raison, on peut considérer que l'uchronie de Watchmen commence avec l'apparition du premier super-héros.
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