Vous le savez peut-être déjà mais James Robinson est un auteur très connu dans le monde de la bande dessinée pour avoir ressuscité un personnage de l'Âge d'Or de la BD américaine, Starman pour ne pas le nommer, et en avoir fait une série au succès - autant critique que public – considérable ; donc sachant cela, voir demander à Robinson de remettre au goût du jour un personnage tel qu’Airboy (tombé depuis peu dans le domaine public) comme le fait l'éditeur d'Image Comics prend une saveur particulière.
Celle peut-être, d’être catalogué « réanimateur » (dans le sens lovecraftien du terme) de personnages désuets voire vieillots. Et qui a besoin d'une telle étiquette ?
Ensuite, ces derniers temps, James Robinson a eu, semble-t-il, quelques déboires chez DC Comics ; et au travers de la mise scène de son double d’encre et de papier c’est la situation qu’il occupe au sein de l’industrie des comic books qu’il autopsie avec acuité.
Et beaucoup d’humour.
Et beaucoup d’humour.
Une industrie qui a changé de visage encore récemment avec l’acquisition par le groupe Walt Disney de Marvel Entertainment (Spiderman, Avengers, Iron Man, etc.) le concurrent principal de l’éditeur DC Comics (Batman, Superman, Wonder Woman, etc.) qui lui fait partie du conglomérat Time Warner.
Cette auto-analyse est très bien raconté, les dialogues (fluides, naturels) brossent un beau portrait de ces gens qui travaillent dans la BD (très) souvent en work for hire, c’est-à-dire que ce qu’ils produisent (scénarios, personnages, dessins, etc.) ne leur appartient pas, quelque soit le succès de leurs histoires ou la notoriété des personnage qu'ils inventent.
Tout appartient à l’éditeur. Les auteurs travaillant pour un salaire auquel on ajoute parfois des royalties et quelque fois une couverture sociale.
Contrairement au creator owned où les droits reviennent aux créateurs.
Dans le cas du work for hire donc, chaque maison d'édition garde jalousement la propriété de chacun de ses personnages (et des histoires), qui sont ni plus ni moins devenus, selon moi, que des pin-up pop-culturelles d'un immense catalogue, destinées à devenir les prochains protagonistes d’un blockbuster cinématographique.Le blockbuster est «un film dont le succès est si grand qu’on le compare à une explosion capable de raser un quartier. Petit point d’étymologie : le terme désigne bien une bombe, mais avant d’arriver à Hollywood, il émerge dans le vocabulaire du théâtre. Le succès d’une pièce était supposé épuiser les théâtres voisins et les mener à la banqueroute. Si on lui est fidèle, on devrait dire qu’un film est un blockbuster s’il détruit – en siphonnant leur public – les films concurrents. » (Cf. POP CULTURE Réflexion sur les industries du rêve et l’invention des identités – Richard Mèmeteau).
On comprends dés lors l’intérêt de ne pas partager un cheptel de personnages qui rapporte gros.
Contrairement au creator owned où les droits reviennent aux créateurs.
Dans le cas du work for hire donc, chaque maison d'édition garde jalousement la propriété de chacun de ses personnages (et des histoires), qui sont ni plus ni moins devenus, selon moi, que des pin-up pop-culturelles d'un immense catalogue, destinées à devenir les prochains protagonistes d’un blockbuster cinématographique.Le blockbuster est «un film dont le succès est si grand qu’on le compare à une explosion capable de raser un quartier. Petit point d’étymologie : le terme désigne bien une bombe, mais avant d’arriver à Hollywood, il émerge dans le vocabulaire du théâtre. Le succès d’une pièce était supposé épuiser les théâtres voisins et les mener à la banqueroute. Si on lui est fidèle, on devrait dire qu’un film est un blockbuster s’il détruit – en siphonnant leur public – les films concurrents. » (Cf. POP CULTURE Réflexion sur les industries du rêve et l’invention des identités – Richard Mèmeteau).
On comprends dés lors l’intérêt de ne pas partager un cheptel de personnages qui rapporte gros.
Airboy semble être du creator owned pour le coup |
Dans ce contexte il est évident que la marche de manœuvre d’un scénariste ne doit pas être très large.
Mais James Robinson et son acolyte Greg Hinkle n’oublient pas qu’ils sont là aussi pour nous divertir et que la diégèse lui commande de s’intéresser à Airboy, l’extra-diégèse aussi au travers d'Eric Stephenson l'éditeur actuel d'Image Comics, d'amener ce héros du néant aux néons.
Mais James Robinson et son acolyte Greg Hinkle n’oublient pas qu’ils sont là aussi pour nous divertir et que la diégèse lui commande de s’intéresser à Airboy, l’extra-diégèse aussi au travers d'Eric Stephenson l'éditeur actuel d'Image Comics, d'amener ce héros du néant aux néons.
C’est donc à un cliffhanger inattendu (par la forme) que se conclu le premier numéro.
Le deuxième numéro nous invite à explorer ce qui fait l’essence d’un personnage du Golden Age au travers de l’un de ces représentants, l’illustre Airboy.
Ainsi Airboy, la série de Robinson & Hinkle, est-elle aussi une Histoire des comic books, une Histoire "comparée" si je puis dire.
Tout cela se déroule sur fond de biroutes à l'air, de fellations, d’alcool et où les toilettes jouent volontiers la confusion des genres. Et il n’y a pas que le cool dans les veines de nos deux arsouilles de contrebande. Hinkle & Robinson manœuvrent à cœur perdu des dispositifs qui s’émancipent et fuient dans la nuit, jusqu'au réveil parfois cruel du petit matin, d'une époque anxiogène où la détresse du présent excède le cadre brisé du social et des conditions de vie. Ouf !
Tout cela se déroule sur fond de biroutes à l'air, de fellations, d’alcool et où les toilettes jouent volontiers la confusion des genres. Et il n’y a pas que le cool dans les veines de nos deux arsouilles de contrebande. Hinkle & Robinson manœuvrent à cœur perdu des dispositifs qui s’émancipent et fuient dans la nuit, jusqu'au réveil parfois cruel du petit matin, d'une époque anxiogène où la détresse du présent excède le cadre brisé du social et des conditions de vie. Ouf !
Airboy est donc une BD gonzo où Robinson s'enfonce avec ténacité dans un spleen existentiel décapant (pour lui, son collègue de travail et les lecteurs).
Si le "Quatrième Mur" n’est pas (encore ?) franchit, nos deux trublions y sont au pied, à ne pas en douter.
Le "Quatrième mur" c'est cette convention qui nous vient du théâtre ; un mur imaginaire qui se trouve entre la scène & la salle, entre les acteurs & les spectateurs qui permet à ces derniers de voir la pièce mais isole les comédiens de la salle et les empêche d'interagir avec le public.
Dans ce dernier cas la réciproque est également vraie.
Dans ce dernier cas la réciproque est également vraie.
Là il s’agit d'un scénariste et d'un dessinateur qui existent dans notre réalité (du moins en est-on persuadé ?) introduits dans une fiction par leurs propres soins et qui rencontre un personnage de fiction !!! Dés lors, comment Airboy, personnage de fiction peut-il rencontrer Robinson & Hinkle personnages réels s’interrogent Robinson & Hinkle ?
À ce moment-là, dois-je le rappeler, le lecteur est sous l'effet de la suspension volontaire d'incrédulité.ou pas .....
James Robinson profite néanmoins de la situation pour expliquer à Airboy que,l’univers n’est pas univoque : il s’agit d’un multivers.
Page de résumé qui entame chaque épisode |
Chez DC Comics par exemple, cette idée à d’abord timidement été esquissée en 1953 dans un numéro de Wonder Woman (#59) scénarisé par Robert Kanigher et dessiné par H.G. Peter, où l’Amazone rencontre sa variante alternative d’une Terre parallèle.
Cette idée d’une logique de Terres parallèles ne sera engrammée définitivement dans l’imaginaire collectif du fandom qu'à partir de Flash n°123 paru en 1961 (Gardner Fox & Carmine Infantino).
Cette idée d’une logique de Terres parallèles ne sera engrammée définitivement dans l’imaginaire collectif du fandom qu'à partir de Flash n°123 paru en 1961 (Gardner Fox & Carmine Infantino).
En outre la bande dessinée, en tant que média, occupe dans ce multivers, celui de DC Comics donc, une place particulière ; elle raconte des récits qui se déroulent sur d’autres mondes. Voir par exemple la récente mini-série Multiversity de Grant Morrison, ou encore celle plus ancienne d’Alan Moore Tom Strong avec le concept de Terra Obscura, ou encore, justement, Flash (Barry Allen) de Terre 1, qui connaît le Flash de Terre 2, Jay Garrick, parce qu’il lisait ses aventures dans des comics.
Le statut fictif (ou réel) est donc "indexical", c’est-à-dire que la signification que cette situation (fictif ou pas) recouvre, dépend des caractéristiques du contexte dans lequel ce statut est interprété. La nature d’un personnage, de fiction ou réel, dépend respectivement du moment, du lieu et du sujet de l'énonciation.
Dans le cas d’Airboy la série, il y a une mise en abîmes assez vertigineuse autour des trois personnages.
Airboy est une expérience radicale de chimie illustrée où le scénariste et le dessinateurs mettent en récit tout au long de l’histoire de purs corps de fiction dans un environnement où l’espace de jeu s’ouvre à un contrat et une esthétique de type quantique. Rien que ça !
Greg Hinkle n'est pas en reste, ni dans sa participation à l'histoire [-_ô] ni dans la justesse de l'impédance de sa mise en récit (storytelling).
Airboy est une expérience radicale de chimie illustrée où le scénariste et le dessinateurs mettent en récit tout au long de l’histoire de purs corps de fiction dans un environnement où l’espace de jeu s’ouvre à un contrat et une esthétique de type quantique. Rien que ça !
Greg Hinkle n'est pas en reste, ni dans sa participation à l'histoire [-_ô] ni dans la justesse de l'impédance de sa mise en récit (storytelling).
En bref et pour le dire vite, ces trois premiers numéros sont une très belle réussite, un récit "méta" ("stade baroque" selon Thomas Schatz) qui n'oublie pas d'être très divertissant.
(À suivre ....)
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