Changement de braquet pour Kiyoshi Kurosawa après Creepy
[pour en savoir+] puisque son nouveau long-métrage Avant que nous
disparaissions se pare des atours d’un film d’invasion qui interroge le Japon
sur ses travers sociétaux. Adaptation d’une pièce de théâtre de Tomohiro
Maekawa, l’intrigue part d’une idée originale où trois extraterrestres prennent
possession de corps humains en vue de l’invasion imminente de la Terre ;
ces éclaireurs ayant pour fonction de collecter des « concepts » aux
humains – qu’il s’agisse du sens de la famille ou de la notion de soi par
rapport aux autres par exemple - afin d’en appréhender le fonctionnement en tant que
civilisation.
Cet étrange film d’invasion, mâtiné de body snatcher aux accents délicieusement
absurdes, s’avère autant une dissection anthropologique des interactions
communautaires régissant la société japonaise – la famille, la propriété, le
travail ainsi que le couple – que des dérives occasionnées par cet
environnement exacerbé comme le harcèlement, le cloisonnement et la détresse
affective. Cet opus s’avère en outre un petit précis de mise en scène dont
Kiyoshi Kurosawa a le secret entre cadrages alertes pour la composition des
plans, sur-cadrages millimétrés des personnages en fonction de l’importance que
ceux-ci revêtent et effets de dissonance inattendus comme cette ouverture sanglante
semi-burlesque sur une illustration musicale entraînante. Nanti d’un budget un
peu plus fourni que de coutume, Kurosawa peut également donner libre court à
ses envies d’action sur le tournage dont une impressionnante course
poursuite ponctuée d’explosions, où un plan séquence ample calibré pour
exploiter les effets spéciaux en post-production donne la mesure de la
confrontation imminente avec le péril alien.
Ryûhei Matsuda, acteur au faciès atypique, s’avère l’interprète
idéal pour véhiculer l’étrangeté nécessaire aux différents aspects de ce film, couplant
brillamment la romance naissante au sein d’un couple fracturé à un récit de fin
du monde. Le reste du casting impeccable donne le liant nécessaire pour que
cohabitent les ruptures de ton qui émaillent tout du long, à l’instar de Yuri
Tsunematsu qui est aussi à l’aise dans les tueries froides que dans les échanges
de dialogues cocasses. La conclusion apocalyptique renvoie dans les effets
déployés aux séquences stupéfiantes de précédents opus du réalisateur comme
Charisma ou Kaïro. Excepté que cette fois-ci, l'optimisme de Kurosawa semble prendre le dessus puisque la fin fonctionne comme un négatif à l’issue nihiliste
de Kaïro, résonnant de la charge émotionnelle déchirante du couple
formé par Ryûhei Matsuda et Masami Nagasawa.
A noter que la pièce de Tomohiro Maekawa revêt une
importance particulière pour le réalisateur puisque nous pourrons également
découvrir dans les salles au mois de juillet son prochain film Invasion, soit un
montage cinéma de la série télévisée Yochô: Sanpo suru Shinryakusha (un traitement similaire à celui opéré pour la diffusion de Shokuzai hors de l'archipel nippon). Cette série constitue une autre
adaptation pour le petit écran de cette histoire d’invasion, avec un casting
renouvelé dans ce qui pourrait être une variation sensiblement différente du
traitement d’Avant que nous disparaissions.
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