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Spider-Woman (Ann Nocenti) #47 à #50

…. Alors qu’elle n’avait jamais lu de bandes dessinées encore un an auparavant, et qu’elle n’avait pas plus écrit de scénario, Mark Gruenwald qui vient de devenir editor sur la série Spider-Woman, l’embauche pour écrire ladite série.
C’est en substance ce que racontera Ann Nocenti dans la page du courrier (intitulée Venom Blast) du 48ème numéro (inédit en français), le deuxième qu’elle écrira sur les quatre que comprendra son run

L’un des arguments que développe alors Gruenwald - nous sommes en 1982 - devant une Ann Nocenti qui ne s’y attendait pas, est que jamais un personnage féminin n’a été écrit par une femme sur le long terme. On peut donc supposer que l’editor avait encore en tête de redresser les ventes du titre lorsqu'il s'adressait à sa futur scénariste ; ce que tend également à confirmer la nouvelle titraille, dont le surtitre « The All-New » en dit long, en plus de l’arrivée d’un nouveau dessinateur (Brian Postman). 
L’autre argument , toujours d’après celui qui deviendra donc son editor, est qu’Ann Nocenti vient d’un « monde » différent de celui des scénaristes maison.

Et en dernier lieu, il veut qu’elle écrive cette série.


Plus tard Ann Nocenti reviendra sur cette période, et en donnera une version un peu différente : « Je crois que Mark avait déjà fait le tour des scénaristes et que tout le monde avait refusé, parce que c'était vraiment un truc malsain de tuer un héros. Mais ça je n'en savais rien. 
J'ai pensé :"Ok, c'est juste une silhouette en carton, une nana avec un costume d'araignée sur un gobelet en plastique." Alors j'ai fait quatre numéro, puis je l'ai tuée, et j'ai reçu des torrents de lettres de gamins horrifiés et tristes. 
Je n'avais pas vraiment mesuré la force des liens qui unissent les gamins à ces personnages. Ils sont vivants vous savez ? 
Ce fût une sacrée entrée en matière dans l'univers Marvel.»

Deux ans plus tard l'occasion de se «racheter» lui sera donnée, en devant consultante sur deux numéros de la série Avengers, écrite par Rogers Stern, un diptyque dont je parlerai bientôt.
La version originale en haut : trois pages/la version française en-dessous avec une page en moins
.... Se pencher sur ces quatre derniers numéros de la série Spider-Woman, qui sont aussi le premier travail de scénariste d’Ann Nocenti*, recrutée via une annonce dans le journal The Village Voice sans qu’elle sache ce qu’éditait Marvel, pour travailler au sein de sa rédaction, permet de se rendre compte qu’au début des années 1980, la mort d’un personnage n’était pas encore ancrée dans l’ADN du genre comme elle l’est aujourd’hui. 
Où elle tend à n'être qu'un obstacle parmi d'autres, et si par malheur le héros y succombait la jurisprudence en vigueur veut qu'il ressuscite tôt ou tard. 

Du reste on apprécie également mieux la manière dont s’effectue le travail des uns et des autres au sein d’une entreprise telle que Marvel (du moins au début des années 1980) notamment le travail de l’editor.
Daddy Longlegs en action, sans les onomatopées et certains effets dans la version LUG
Souvent bien moins connu que les scénaristes et les dessinateurs, il apparaît ici pourtant comme un élément essentiel, voire indispensable sur la ou les séries qu’il cornaque. Outre bien entendu, son travail de coordination ou de relance(s) des deadlines, etc

.... Comme on le voit, c’est lui qui recrute la scénariste et qui lui donne un objectif à atteindre. Il est aussi capable d’inventer des personnage. Pour cette série c’est en effet Gruenwald qui créé Daddy Longlegs, l’un des personnages qui apparaît dans le numéro 47. 
En tout état de cause l’editor, prend une part importante, et surtout créative, au(x) projet(s) qu’il supervise. 

Comme c’est d’ailleurs encore le cas aujourd’hui comme on peut le voir au travers de quelques exemples dont j’ai parlé sur mon blog comme Occupy Avengers [Pour en savoir +]. 

Un autre paramètre tout aussi intéressant, et que l’on retrouvera dans d’autres de ses travaux, est qu’Ann Nocenti a une approche à la Steve Gerber, si je puis dire ; un scénariste que l’on surnomme parfois le « Grant Morrison des années 1970 » pour sa folie créative. 

Dès ses premiers pas, les quatre numéros dont il est question ici, elle écrit ce qu'on appelle des « relevant comics », un type d'histoire dont Gerber s'était justement fait le spécialiste au sein de la Maison des Idées (voir à ce sujet les nombreux Commentaires™© que je lui ai consacrés sur ce blog). 
Autrement dit des bandes dessinées où l’aspect social est prépondérant et en phase avec des problèmes pertinents et contemporains qui agitent alors la société: violence, drogue, abus en tous genres, etc
En outre, elle place (presque) toujours ses personnages au cœur d’une atmosphère bizarre, étrange, et parfois même malsaine. Tout comme Gerber. 
Une entrée en matière pas piqué des vers (Nova n°76)
On pourrait presque parler, notamment pour son court run sur Spider-Woman, de récits d’épouvante. 

Le quarante-huitième épisode, particulièrement corsé, n’aura d’ailleurs pas l’heur d’être publié par les éditions LUG. Spider-Woman y sera contrainte de s'y arracher les cheveux littéralement, et les seringues ainsi que les coups y voleront bas. Et tout cela avec l'assentiment de la Comics Code Authority, dont le sceau ornera ledit numéro. 

Les numéros 47, 49 et 50 seront quant à eux retouchés pour en atténuer le dynamisme ou la violence diront certains (voir supra), et au moins une page sera purement & simplement absente de l’édition française (toujours supra). 



L'idée de me replonger, voire me plonger dans les travaux d'Ann Nocenti m'est venue en lisant l'excellent article que lui a consacré Frédéric Pajon [Pour en savoir +].
_____________ 

* Si l’on excepte la courte histoire parue dans le numéro 32 de la revue Bizarre Adventures d’août 1982, dont rien ne dit d’ailleurs qu’elle n’a pas été écrite après son premier numéro de Spider-Woman (paru en décembre 1982).

Commentaires

  1. Un papier très intéressant, comme d'habitude : c'est presque faire œuvre d'utilité publique que de "réhabiliter" cette scénariste honteusement sous-estimée (quoiqu'inégale) qu'est Ann Nocenti. Je me souviens très bien de ces épisodes de "Spider-Woman" très étranges (tout du moins m'avait-il semblé à l'époque), à la grande époque de Nova petit format, mais c'est évidemment son run magistral, original t poignant sur "Daredevil" qui m'avait marqué.
    Merci aussi pour le lien vers le blog de Frédéric Pajon, que je ne connaissais pas ; j'ai l'impression qu'on y trouve bien des choses intéressantes à picorer. Concernant les activités journalistiques de Nocenti, rappelons qu'elle fut rédactrice en chef de High Times, le mensuel de l'internationale des fumeurs de weed. Si je me souviens bien, je crois d'ailleurs que les positions politico-sociétales de Nocenti lui avaient valu quelques regards de travers de la part de ses collègues chez Marvel...

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    1. Eh bien voilà un commentaire qui apporte des précisions très intéressantes, merci.

      Et merci pour ton appréciation de ce papier (ça fait toujours plaisir).

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    2. Et je "plussoie" concernant cette idée que Nocenti serait en quelque sorte le chaînon manquant entre les "relevant comics" à la Gerber et l'ère Vertigo ; ça me semble une "généalogie" très juste de cette veine un peu en berne ces derniers temps...

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  2. Ann Nocenti a été une figure importante de cette époque : editor elle-même, elle a accompagné de fameux épisodes du long run de Claremont (alors en compagnie de Paul Smith et John Romita Jr). Mais son opus majeur reste, pour la postérité, son long passage sur "Daredevil", dont la singularité n'a, à mes yeux, jamais été égalée : il est divisé en deux actes distincts (le premier, urbain, où la vie de DD vole en éclats de façon encore plus implacable que dans la saga "Born again" de Miller/Mazzucchelli, à laquelle elle succéda en toute insouciance ; puis un second où DD s'embarque dans une sorte de road-trip étonnant, affronte un éleveur intensif, croise des Inhumains, et descend littéralement en Enfer - logique pour Nocenti que de confronter, par deux fois, le diable de Hell's Kitchen au vrai Diable puisqu'il lui emprunte son apparence pour rendre la justice). C'est vraiment admirable, original, intense, et magnifiquement dessiné par Romita Jr, encré par l'immense Al Williamson.
    Mais il semble qu'elle ait un peu tout mis dans cette oeuvre car elle n'a plus jamais produit quelque chose d'équivalent dans les comics. Son retour chez DC n'a pas fait d'étincelles.
    Elle est redevenue journaliste entretemps, puis s'est activement engagée en Haïti (fidèle à se préoccupations sociales militantes). Dans la dernière interview qu'elle a donné à "Comic Box", elle exprimait son envie de revenir à la BD, pleine de projets, dont très peu ont vu le jour. J'ignore où elle en est désormais.
    Ann Nocenti ressemble à une comète : des histoires fulgurantes, une personnalité forte, une production "culte". Mais frustrante par finalement son peu de volume.

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    1. Oui je compte bien parler tôt ou tard de son run sur DD (à vrai dire c'est même plus que prévu).

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    2. Très heureux de voir que mon article vous a plu à tous! C'est en effet dommage que le retour de nocenti au scénario n'aie pas vraiment été couronné de succès (les fans n'ont pas apprécié son approche sur Catwoman et Klarion, et si elle avait un dessinateur comme Sorrentino - comme ça a été le cas pour Jeff Lemire - je pense que son passage sur Green Arrow aurait été bien différent) toutefois aux dernières nouvelles elle aurait rejoint les rangs des auteurs du nouveau label de Karen Berger pour Dark horse.

      - et je ne saurais que trop recommander son passage sur Kid Eternity pour les débuts de Vertigo, c'est juste fascinant de maîtrise et de liberté

      - Frédéric Pajon

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