Une préface qui prend ses désirs pour des réalités |
Un courant sombre et violent, dans lequel Mark Millar sera comme un poisson dans l'eau.
De manière inattendue, le scénariste écossais démarre le scénario de Jupiter's Legacy en 1932, liant l'apparition de ses super-héros (dans un monde qui n'en a pas) à la crise financière inaugurée par le tristement célèbre « jeudi noir » de 1929. Un krach qui a justement favorisé l’émergence et l'épanouissement de cette littérature où le crime était remis à sa place (dixit Raymond Chandler), et que Shuster & Siegel se réapproprieront, à partir de 1938, au moment d'infuser la diégèse de leur invention la plus connue.
Notons au passage, que Millar ne résistera pas à inventer - lui aussi - son avatar à l'Homme d'acier.
Difficile de ne pas ressentir toute la violence du choc à l'image du personnage |
Cette dimension politique que revendique Mark Millar est tout simplement de la poudre aux yeux qui, malheureusement pour lui, risque de déciller ses lecteurs plus qu'elle ne les éblouira.
C'est d'autant plus dommage que dans le registre des super-héros nihilistes, désinhibés et assoiffés de renommée (et d'argent), il reste un maestro. Et de ce côté-là Jupiter's Legacy est réussie, si on veut bien passer outre sa longueur.
Une planche très cinégénique que - paradoxalement - seule la BD peut offrir |
Une longueur d'autant plus facile à oublier que c'est Frank Quitely aux dessins.
.... Adepte des cases panoramiques (dites 16/9ème), sont sens de la kinésique et du cadrage leur donne un coefficient d'information rarement vu ailleurs. Alors que chez nombre de ses contemporains ce type de case est souvent synonyme de décompression.
Son sens du découpage donne à ses planches un magnétisme, et une énergie qui fait de n'importe lequel de ses projets des page-turner. En plus d'être capable de tours de force, qu'il a la sagesse de ne pas multiplier.
C'est dire si Millar joue sur du velours, ce qu'il a par ailleurs bien compris, puisqu'il collabore toujours avec des pointures artistiques sur ses propres projets, lesquelles arrivent souvent à masquer la vacuité de ses scénarios.
Sans commentaire |
.... En définitive lorsque Mark Millar reste dans son couloir de nage, et à condition d'être édité (chose qui n'arrivera jamais sur ses creator-owned) il semble encore capable d'écrire des bandes dessinées distrayantes. Ce qui n'est malheureusement pas totalement le cas ici.
Toutefois, Frank Quitely rend la pilule beaucoup plus digeste, tournant à l'avantage des lecteurs la longueur inutile de Jupiter's Legacy. Un beau tour de force !
__________
J'ai lu les six premiers numéros de la série grâce à la traduction de Ben KG/MAKMA via l'édition Panini, et les 6 numéros suivants dans leur langue d'origine. Toutefois le second tome devrait incessamment paraître sous nos latitudes, toujours chez Panini.
Je n'ai pas encore lu la série, ce que je ne manquerai pas de faire étant donné la production parcimonieuse du dessinateur, mais ça m'embête que Frank Quitely se soit lancé dans cette collaboration avec Millar. Je me languis de pouvoir lire un jour une nouvelle perle produite avec son "partenaire de crime" Grant Morrison, ce qui n'arrivera vraisemblablement pas avant un moment étant donné qu'il devrait se consacrer cette année au prochain arc de Jupiter's Legacy.
RépondreSupprimer