Si l'ouvrage de 700 pages d'Adam-Troy Castro, publié par Albin Michel Imaginaire™, s'intitule ainsi, c'est parce que le roman qu'il contient, en plus de trois textes plus courts (deux nouvelles et une novella), lui donne son propre titre.
À l'instar des trois autres récits qui le précédent au sommaire, présentés dans l'ordre chronologique de la diégèse, « Émissaires des morts » est un whodunit qui se déroule sur une planète sise au sein d'une vaste confédération galactique ; le système Mercantile.
Planète n'est peut-être pas tout à fait le terme le plus approprié, puisqu'il s'agit plus exactement d'une construction, par ailleurs assez hostile à l'être humain, créé de toute pièce par des Intelligences Artificielles, et qui l'est donc tout autant qu'elles. Des I.A. très puissantes, dont l'apparition se perd dans la nuit des temps.
Cet « habitat » disons donc, porte le nom de Un Un Un, et abrite des créatures arboricoles, fruit du génie génétiques des I.A. en question, sensibles et intelligentes : les Brachiens.
Dont les descriptions rappellent - approximativement - nos paresseux d'Amérique du Sud.
On retrouve une nouvelle fois [Pour en savoir +] dans ce kilafé d'outre-espace, Andrea Cort, propriété du Corps diplomatique ; missionnée sur Un Un Un par le Bureau du procureur pour découvrir le ou les auteurs d'un meurtre.
Mission diplomatique tout autant qu'enquête policière, puisque les humains n’y sont que tolérés.
Ainsi, leur ambassade, la seule des mondes connus à y être autorisée, ne peut même pas revendiquer en être une. Elle n'y a donc aucune immunité, et ses membres mènent, officiellement, une mission d’observation de la population des Brachiens.
Un contexte très très sensible, et pour qui connait Andrea Cort, une gageure.
La jeune femme ayant fait preuve dans ses enquêtes précédentes (au même sommaire), d'un caractère entier et d'une intransigeance à toute épreuve.
Sa présence ne s'explique d’ailleurs que parce qu'elle a été expressément requise.
Comme si tout cela ne suffisait pas, les ordres qu'Andrea Cort reçoit sont accompagnés d'une directive qui ampute sérieusement la liberté dont devrait pouvoir jouir tout enquêteur.
La marque de fabrique de ce début de cycle qu'Adam-Troy Castro consacre à son héroïne est celle de récits d'énigme(s) classiques (ou whodunit) confrontés à un environnement (ici un genre de cylindre O'Neill© « inversé ») et une population (les Brachien) aussi étrangers à l'être humain que faire se peut.
Je m'avance peut-être, mais « Émissaires des morts », tout autant que les autres enquêtes du recueil homonyme, me semble être une belle illustration de ce qu'Arthur Koestler nommait la « bissociation ».
Ou l'art de combiner deux domaines différents et paradoxaux (ici le whodunit et le space opera), d'où émergera un espace créatif nouveau.
Au surplus, Adam-Troy Castro est un auteur retors.
Pour preuve, « Émissaires des morts » pourrait très bien être analysé sous le patronage du mode d'emploi d'écriture créative popularisé par Christopher Vogler. Seulement voilà, la pièce maîtresse de la structure du monomythe standardisée, le mentor, y occupe chez lui une place, de par sa nature, dont les implications vont bien au-delà de ce qu'on est habitué à voir.
Ceci explique sûrement la fin un peu « crispante » du roman.
C'est en tout cas tout le mal que je souhaite à Andrea Cort, qui ne mérite pas ce qui lui arrive.
Un personnage dont je suis en tout cas impatient de lire la suite du cycle, lequel devrait paraître en juin 2021 sous le titre de La troisième griffe de Dieu.
Toujours chez Albin Michel Imaginaire™.
Albin Michel Imaginaire™ que je remercie de m’avoir envoyé, par l’intermédiaire de Gilles Dumay, gracieusement, un exemplaire en avant-première de cet excellent recueil.
« Émissaires des morts » paraître demain, le 6 janvier 2021, 700 pages traduites par Benoît Domis, sous une spectaculaire couverture de Manchu, au prix de 26,90 €.
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