Contrairement à ce que pourraient penser ceux qui n’en ont jamais lu, la littérature de genre est certainement la plus difficile qui soit à produire.
Elle repose en effet sur des « passages obligés » (propres à chacun desdits genres) qui l’identifient en tant que telle ; et que les lecteurs connaissent par cœur, et attendent. Alors même que chaque ouvrage doit se singulariser de la masse qui utilise, par la force des choses, les mêmes stéréotypes.
Comment tirer son épingle d’un jeu dont tout le monde connaît les règles, le terrain et les joueurs, et dont on ne peut totalement s’affranchir ?
« La Marche du Levant » offre une fort belle solution à cette aporie.
« La Fantasy élargit le monde, le rend plus vaste. Elle augmente les périls. » Alexandre Astier
Certes, un auteur n’a pas –forcément– vocation à rentrer dans des cases.
Toutefois la cohérence interne de ce qu’il écrit l’oblige à respecter un minimum de décorum. Surtout s’il est publié dans des collections, des labels, voire des départements éditoriaux comme ici avec Albin Michel Imaginaire™ (AMI), identifiés comme propagateurs reconnus des susdits « mauvais genres ».
Or donc, les romans de ce type sont essentiellement des récits dits à « distribution épaisse ».
Autrement dit, les événements qui s’y déroulent sont extrêmes, et rares.
Voire quasi impossibles sur notre plan de réalité, pour ceux qui ressortissent à la Fantasy, ou à la Sf. La suspension volontaire d’incrédulité nécessaire est alors récompensée par un dépaysement souvent rafraîchissant.
Comme c’est le cas ici.
« La Marche du Levant » se distingue en effet d’emblée par un agglomérat gentiment baroque, dont le plaisir de les découvrir lors de la lecture, nécessite que je les taise.
Léafar Izen apporte en outre, une valeur ajoutée au travers d’un style très travaillé qu’on devine, paradoxalement, à la facilité qu’on a de lire les presque 650 pages de cette histoire. D’autant que le roman a fait l’objet des soins attentifs & éditoriaux de Gilles Dumay et de l'auteur lors d'une gestation de presque un an.
(« La Marche du Levant » avait, avant d'être accepté chez AMI, l'ambition de paraître en trois volumes séparés, voir ci-dessous l'une des couvertures envisagée)
Il y a, à l’évidence, la volonté, très perceptible, de joindre le fond et la forme.
Ne serait-ce qu’en adoptant une mise en récit dont le déroulement se plie, peu ou prou, à l’étrangeté des lois physiques (essentiellement le temps) qui gouvernent dorénavant le monde qu’arpente la Marche du Levant.
Mais surtout, « La Marche du Levant » relève du tour de passe-passe à trois temps bien connu : la Promesse, le Tour, et bien sûr le Prestige.
Ce dernier bouleverse non seulement notre point de vue initial, mais également plus que tout, l’apparente et envoûtante servilité envers les règles du genre qu’il nous promettait, et dont il faisait montre jusque-là.
Se jouer des poncifs c’est bien ! Le faire avec élégance, c’est mieux !!
En sus, « La Marche du Levant » est un cas d’ironie littéraire, dont la révélation en question n’en est pas seulement une pour le lecteur. Bien loin de n’être qu’un effet pour lui-même, il est une nécessité.
Et un brillant tour de force !
Si la couverture, cette fois-ci due à Hervé Leblan, est encore une fois une réussite au sein d’une collection qui n’en manque pourtant pas, la titraille (œuvre de Luc Doliguez ?) est à l’avenant d’un récit très mouvementé. Bravo !
Je remercie les éditions Albin Michel™, et bien sûr Gilles Dumay, pour le volume gracieusement offert en avant-première.
(sortie nationale le 2 septembre 2020 / 24,90 €).
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On pourra trouver d'autres avis sur ce fil de discussion.
J'aime bien ton parallèle avec les tours de magie, c'est exactement cela.
RépondreSupprimerJ'adore aussi la titraille, la même que Mage de bataille et Le chant mortel du soleil (c'est l'éditeur qui m'a ouvert les yeux lorsque je lui demandais qu'elle était la police utilisée)
Merci.
SupprimerEt cette police de caractère a-t-elle un nom ?
Non, Gilles Dumay n'en savait pas plus...
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