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Un jour je serai invincible

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie 
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir, 
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties 
Sans un geste et sans un soupir* ; …… 
Parce que l’Histoire est toujours racontée par les vainqueurs, « un jour je serai invincible2009 » est un roman qui risque de déciller les yeux de nombre de lecteurs. 
En commençant par sa belle et sobre couverture, signée Néjib Belhadj Kacem. 
En effet, le roman d’Austin Grossman, son premier d’ailleurs, traduit en français par Jean-Daniel Brèque, donne la parole à Docteur Impossible, un super-vilain. 
Qui, à l’occasion d’une nouvelle évasion, et d’une nouvelle entreprise de conquête du monde, se remémore sa vie de sac et de corde. 
Les chapitres qui lui sont consacrés alternent avec ceux qui voient l’admission de Fatale, jeune super-héroïne cyborg, au sein des « Nouveaux » Champions™. 
Mais comme nous le découvrirons, l’histoire de Fatale c’est encore celle de Docteur Impossible
            Cette relecture, j’avais eu l’heur de lire ce roman au moment de sa sortie hexagonale, a été (encore une fois) un vrai plaisir. 
« On n’avait aucune peine à identifier les méchants : c’était toujours ceux qui perdaient, en dépit de leurs idées géniales. » 
            « Un jour je serai invincible » raconte ainsi les souvenirs de Docteur Impossible, capable aussi bien de voyager dans le Temps que d’hypnotiser le président des U.S.A., résolu à se lancer dans une treizième manœuvre de conquête mondiale, à partir d'une chambre miteuse d'un hôtel de troisième zone ; lesquels souvenirs démontrent que les super-vilains de sa trempe sont décidément les individus les plus brillants, les plus entreprenants, et les plus courageux d'un univers qui pourtant ne les ménage pas. 
Là où Docteur Impossible a des rêves, ses ennemis jurés, les « Nouveaux » Champions™, et plus particulièrement CoreFire leur leader, n'ont que des réactions quasi pavloviennes. 
D'une certaine manière, voire de manière certaine, Docteur Impossible à une éthique : « Que dois-je faire pour avoir une vie digne d'être vécue ? ». 
Laquelle s'oppose à la question morale de ses adversaires, « Qu'est-ce que j'ai le droit de faire, ou pas ? ».
On a des rêves ou on n'en a pas !!! 
Combat philosophique certes, mais que Docteur Impossible mène sur le terrain de l'action. Le seul qui vaille finalement. 
            Abusivement comparé à la maxi-série Watchmen de Moore & Gibbons, ce roman de 300 pages ne joue pas exactement dans la même catégorie. Ce qui n'enlève rien à ses qualités. 
Indubitablement innovant sur le plan formel (un aspect que la prose de Grossman ne peut évidemment pas contester) Watchmen est aussi une histoire dont les tenants et les aboutissants sont rigoureusement verrouillés. Une rigueur que « Un jour je serai invincible » n’atteint pas. 
J’en veux pour preuve l’ultime retournement de situation, sous les atours d’un deus ex machina à peine camouflé, dont l’identité - tout aussi réjouissante qu’elle soit – arrive sans crier gare, en contradiction avec tous les usages. Idem pour la confrontation entre Docteur Impossible et Mister Mystic dont le dénouement est un peu trop commode (voire incompréhensible). 
Rien qui ne vaille cependant de se montrer trop sévère. Docteur Impossible et Fatale captivent suffisamment pour que ces réglages, un peu approximatifs, ne pèsent pas plus que nécessaires sur l’impression d’ensemble. Laquelle est globalement plus que satisfaisante. 
Surtout que le roman ravira les amateurs du genre, tant les personnages, autant qu’ils sont, en évoquent d’autres, popularisés par les illustrés. Grossman déclarant par ailleurs qu’il n’était pas question pour lui d’inventer de nouveaux super-pouvoirs, mais bien plutôt d’adopter un angle singulier. 
Mission accomplie !
            « Un jour je serai invincible » est un roman dont les deux personnages principaux sont de ceux auxquels on imagine sans peine d’autres aventures, tout en étant très heureux que l’auteur en reste là. 
Certains personnages, de mon point de vue, prennent une place d’autant plus importante que leurs aventures sont rares, voire uniques. Ceux d’Austin Grossman en font manifestement partie. 
....... Alors tu seras invincible !
 _______ 
* Extrait de la magnifique traduction, par André Maurois, du poème de Rudyard Kipling « If »

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