Ce n’est pas, à ma connaissance, une catégorie officiellement reconnue par les Mystery Writers of America™, mais plus simplement une appellation que j’ai pêchée dans un blurb (et pour un autre roman), et que j’ai trouvé très appropriée. Quand bien même je l’utilise ici pour le quatrième tome d’une série où la pêche à la mouche brille par sa quasi absence (sic), contrairement aux trois précédents romans de la série.
Romans qui mettent donc en scène Sean Stranahan, pêcheur à la mouche, peintre et détective privé. Excusez du peu.
Or donc, le Fisherman’ noir puisque c’est de ce sous-genre dont il s’agit, s’intéresse aux enquêtes des détectives - privés ou amateurs ; mais dont l’activité principale est cependant la pêche à la mouche (dont il est souvent question dans lesdits romans).
Ça participe bien entendu du (mauvais) genre dit Country noir (ou Rural noir) - un genre de polar qui se passe bien évidemment en pleine nature, mais dans une niche encore plus restreinte, celle donc des pêcheurs à la mouche.
Toutefois la faible quantité des romans de ce sous-genre, du moins en France, est largement compensée par leurs grandes qualités.
C'est bien simple, il n'y a rien à jeter.
On peut donc lire sans risque sinon celui d’y prendre goût : William G. Tapply et son héros - le guide de pêche Stoney Calhoun, ou encore Jim Tenuto, voire l’excellent Les Maraudeurs de Tom Cooper (même s’il n’est pas question ici de pêche à la mouche ou de rivière(s) mais des marais de la Louisiane).
Ceci étant dit, de quoi parle « Le Baiser des Crazy Mountains » traduit par Marc Boulet, et joliment illustré par une couverture signée Giordano Poloni !?
Eh bien d'une enquête policière, un whodunit plus précisément, qui commence par la découverte d'un corps dans lieu très incongru. Cependant Keith McCafferty ménagera tout ce qu'il faut de péripéties et de rebondissements - mention particulière aux raisons d'un second meurtre, pour que jamais on ne lâche son roman sans une raison impérative. Voire vitale !
Vous voilà averti.
Du reste, l'auteur, qui en connait un rayon sur la pêche à la mouche (il a souvent pêché avec Jack, l'un des fils d'Ernest Hemingway, et la nature de l’État du Montana, ne perd jamais le lecteur en étant soit trop technique, soit trop contemplatif.
Si l'enquête en tant que telle, et les personnages qu'on y croise suscitent un intérêt certain, l'auteur n'hésite jamais à faire participer le lecteur grâce à quelques clins d'œil du genre à citer une réplique du film Jeremiah Johnson1972/Sydney Pollack (supra) : « Fais gaffe à ton chignon. » (ou « Watch your topknot » dans la version originale), alors que l'enquête mettra justement à jour une sorte de Jeremiah Johnson moderne, dont le rôle ne sera pas mince dans l’enquête que le héros mène. Dans les précédents romans de la série, Sam, le meilleur ami de Sean Stranahan utilisait la formule « kemosabe », celle qu'utilise Tonto lorsqu'il s'adresse à son ami le Lone Ranger.
Idem pour Autant en emporte de vent, dont on apprend qu'il est le livre de chevet du shérif Martha Ettinger, et qu'à partir du moment où il est fait mention du roman de Margaret Mitchell, on ne peut pas ne pas y penser à chaque fois qu’il est question du ranch qui appartient à la mère de la victime. Et accessoirement, Rhett est aussi le nom du chat de Keith McCafferty.
Pour finir, tout en restant dans la pop culture, je citerai aussi la remarque que fait Martha à propos de Lassie, à deux jeunes enfants d'une dizaine d'années, dont elle se demande s’ils savent qui est cette chienne ; et que ce nom fait l'objet d'une note de bas de page du traducteur ; qui le précise pour le lecteur. Amusant.
Mais tout ne l'est pas autant.
Ainsi la propension qu'a Martha de dévaloriser constamment Sean Stranahan, ou d'ailleurs n'importe qui pourvu que cela soit un homme.
Stranahan donc, alors que Keith McCafferty en fait le moteur quasi unique de l'enquête, et au demeurant un type vraiment charmant tout en étant un vrai dur-à-cuire plein de ressources ; ou encore ce pilote d'hélicoptère pourtant présenté comme un ancien militaire des Forces spéciale de l’U.S. Navy, qui par ailleurs prend des risques pour lui apporter son aide. Et dont Martha dit à son sujet :
« Faisons de lui un vrai héros .. ». <sans commentaire>
Idem (encore) lorsque Sean Stranahan est attaqué par une femme (visiblement sévèrement déséquilibrée), sans aucune raison ; sinon qu’elle a été molestée par son mari des années auparavant.
Bref, il y a comme une ambiance de misandrie décomplexée, attestée (à mes yeux en tout cas) en ce qu’aucuns des personnages ne s'opposent jamais aux propos de Martha, par exemple. Ou, alors que Stranahan est victime d’une tentative d'homicide, il passe à autre chose comme si de rien n'était. Ce qui n’est pas du tout dans son caractère.
Mais là, il est clair que parce que cette femme a été agressée il y a des années par son mari, elle obtient un blanc-seing, tout naturellement. Stranahan ne semble même envisager que quelqu'un d'autre (mais uniquement s’il a des chromosomes XY) pourrait aussi être victime de cette personne, avec peut-être moins de chance.
Si au moins les propos du shériff étaient contestés par d'autres protagoniste, j'imputerais ça à un trait de caractère du personnage. Alors que là, elle passe simplement pour le porte-voix de l'auteur.
Ce qui me fait dire que Keith McCafferty ressemble décidément plus à l'époque qu'à son père. <sourire>
Reste que « Le Baiser des Crazy Mountains » est un foutu bon roman, et certainement l'un des meilleurs de la série (qui n'est pourtant pas avare dans ce registre).
Conclusion : Très recommandé !
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