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Hitman t2 [Garth Ennis / John McCrea / Yann Graf]

Je crois bien avoir lu ma première histoire écrite par Garth Ennis en 1998. 
Il s'agissait d'un recueil réunissant les quatre numéros de la mini-série Unknown Soldier, publié en France par les éditions Le Téméraire™, sous l'évident titre de Le Soldat inconnu.
Un récit qui m'avait bluffé. 
Et lorsque je pense à Ennis, malgré des déconvenues certaines depuis, cette belle histoire surnage et mon avis reste a priori positif concernant son travail. 
            Or donc, je ne pouvais pas passer à côté de « Hitman » dont je viens de terminer le deuxième tome, paru dans la collection Cult de l’éditeur français Urban Comics™ ; préface & traduction de Yann Graf. 
            Contemporaine du Soldat Inconnu la série en question est toutefois beaucoup moins marquante. Elle est aussi plus longue ce qui ne les placent pas tout à fait sur le même plan quant à l'appréciation qu'on pourrait en tirer. 
Déjà, alors que Tommy Monaghan, créé avec l’aide de John McCrea, est censé avoir acquis deux super-pouvoirs lors du crossover Bloodlines1993 : la télépathie et une vision à rayon-X, Garth Ennis ne les utilise quasiment jamais. Tommy Monaghan est donc, d’abord et avant tout un tueur à gage. Ce qui le met par ailleurs dans des situations où il ne devrait jamais se trouver s'il utilisait ses deux facultés surnaturelles. Mais Garth Ennis a semble-t-il d'autres vues pour son personnage. En plus d'une aversion pour les super-héros.
            Tommy Monaghan est un stéréotype que l'on retrouvera dans tout ce qu'écrit le natif de Holywood, « une petite ville du comté de Down connue pour être la communauté la plus friquée et la moins brassée socialement d’Irlande du Nord. Le « Surrey de l’Irlande du Nord », dit-on aussi. Rues arborées, parcours de golf, yacht-clubs. Par ici, vous ne penseriez jamais qu’une guerre civile fait rage à quelques kilomètres. » (Cité dans Des Promesses sous les balles d’Adrian McKinty) : doté d'un mauvais esprit omniprésent & bravache, il fait une utilisation outrancière de divers armes à feu, et il met en valeur des amitiés viriles & fraternelles entre personnages (surtout) masculins. 
Pour ce qui est du contenu du présent recueil, je ne parlerai que de quelques histoires. 
            Ainsi, contrairement à ce qu'en dit dans sa préface Yann Graf, l'épisode où Hitman rencontre Superman, l’Irlandais du Nord, naturalisé Américain ne fait pas preuve de plus de tendresse avec le Kryptonien qu'avec le justicier de Gotham dans le précédent tome. 
En effet, jusqu'à la chute finale, l'épisode en question présente un Tommy Monaghan confesseur bienveillant d'un Superman en proie aux doutes. C'est un épisode un poil nunuche, jusqu'à ce que le premier super-héros de l'histoire de la BD, ragaillardi par un Monaghan en mode groupie, quitte le toit où ledit Monaghan semblait méditer avant son arrivée.
La chute donc, en total contraste avec le discours assertif du tueur à gage donne à voir une personnalité bien plus complexe & retorse que d'habitude. Dommage d’ailleurs qu'Ennis ne creuse pas plus cette facette de sa personnalité. 
Brillant et cynique.
            Parce que d'une manière générale, jusqu’à maintenant « Hitman » est tout au plus du niveau de la série télévisée L’Agence tout risque
Tout s'y déroule de manière très convenue, et la seule fois où Garth Ennis tente de donner un environnement politique explicite à son personnage il échoue dans les grandes largeurs. 
Ainsi dans cette intrigue (même si c'est beaucoup dire), intitulée « Tommy et ses braves », Monaghan est-il recruté, ainsi que plusieurs autres individus douteux pour aider le chef d'un pays africain, le Tynanda, potentat en titre donc, qui doit faire face à une rébellion. 
Je passe sur le fait que Hitman n'utilise pas ses dons de télépathe, ce qui lui aurait sûrement évité quelques avanies, pour m'intéresser à une discussion qu'il a avec le chef des rebelles, par ailleurs gros vendeur de drogue à l’international. 
Un échange qui se termine comme ça : Monaghan reproche au chef des rebelle son commerce qui dit-il tue des enfants aux U.S.A., argument que contredit le leader révolutionnaire en lui déclarant : « Je suis Africain M. Monaghan, ne venez pas me parler d'enfants morts ».
Ce qui laisse notre gothamite pourtant fort en gueule ........  sans voix. 
À entendre Garth Ennis donc, il suffit de se présenter en « victime », même d'une manière lointaine, voire indirecte, sans l'être vraiment donc, pour que finalement ce qu’on fait de mal deviennent acceptable. La morts d'enfants africains équilibre celle des enfants américains. Une sorte de karma. <Sourire>
Je comprends mieux pour quoi Garth Ennis reste dans le domaine de l'amitié virile, et de la bouffonnerie bien gore. (Et je m’en réjouis même). Car question dialectique il était, à 28 ans, encore un peu trop tendre. 
            Reste donc au final 16 numéros de la série régulière, plus un annual (très sympa au demeurant), et un numéro spécial s'inscrivant dans une sorte d'évènement mitonné à l’époque par Grant Morrison, où différentes séries se prêtaient alors à exporter dans un futur très lointain (1 000 000 mille ans quand même) leur personnage principal respectif. 
Un numéro élu meilleure histoire de l'année par le Comics Buyer's Guide, un prix qui donne rétrospectivement une idée du niveau des autres scénarios de l'époque, lesquels ne devaient pas voler très haut. 
Viennent également s’ajouter quatre numéros de la série consacrée au démon Etrigan, série dans laquelle est justement apparu pour la première fois Tommy Monaghan alias Hitman.  
            Pour ceux qui ne savent pas encore, Etrigan est un démon (crée par Jack Kirby) qui s'exprime en rimes (depuis qu’il est passé dans les mains des scénaristes Len Wein puis d’Alan Moore). 
D'où un travail qui n'a pas dû être de tout repos pour Yann Graff qui traduit, comme il l'a fait pour précédent, ce copieux recueil. 
Un mot justement sur la traduction. 
            À un moment donné Tommy Monaghan, dans les épisodes dont j'ai déjà parlés et qui se déroulent dans un pays africain, rencontre un ex-militaire devenu mercenaire et plus précisément un ex-parachutiste (même si comme le veut l’adage parachutiste un jour, parachutiste toujours <sourire> ). 
Ce militaire anglais donc explique à notre tueur à gage préféré que pour faire chier la Marine, lors l’intervention britannique aux Malouines, il avait - avec un autre pote - confectionné une pancarte où il était écrit que « Dieu est aéroporté », entendu que les unités parachutistes sont dites aéroportées. Sauf qu'aucun para digne de ce nom, et j'en parle en connaissance de cause si je puis dire <sourire> , aucun para fier de son brevet disais-je, ne se revendiquera jamais « aéroporté ». 
Or donc, dans le cas d'espèce, il aurait était peut-être plus juste, je pense, de traduire par « Dieu est un para » plutôt que« Dieu est aéroporté ». Ou alors il y a un deuxième degré qui m'est passé au-dessus la tête. 
            Bref, une série qui ne casse pas trois pattes à un canard, mais qui n'a pas non plus la prétention de le faire. 
Reste donc une lecture qui nous évite le politiquement correct (qui de nos jours ne ménage aucun domaine), du moins lorsque Garth Ennis ne présume pas de ses capacités, et c'est heureusement souvent le cas. 
En effet je ne m'intéresse pas aux histoires bien-pensantes, mais aux histoires bien pensées. 
Ça veut pas dire que dans les années passées il n’y avait pas de politiquement correct. Ni de censure.
Seulement elle venait du « dessus », de l’éditeur ; je pense par exemple à l’épisode de Swamp Thing de Rick Veitch qui n’a jamais été publié, ou celui que Warren Ellis avait écrit pour la série Hellblazer [Pour en savoir +]. 
Aujourd’hui l’éditeur exerce toujours un contrôle (voir l'aventure éditoriale de The Boys par exemple), mais il y a une police de la pensée qui surtout émane de la masse (je n’écris pas du lectorat car je ne suis pas sûr qu’il s’agisse justement de lecteurs), qui ne fait aucune différence entre ce qui ressort de la fiction et ce qui appartient au réel (lui même uniquement vue sous le prisme de l'idéologie). 
Tout est pris au pied de la lettre. 
Avec un sérieux mortel. 
À cela s’ajoute le bouc émissaire idéal en la personne du mâle blanc hétérosexuel. Et s’il a quelques années au compteur c’est encore mieux. Ok Boomer
Un bouc émissaire dont on ne manque jamais de dire tout le mal qu’il a fait au genre humain, et qu’il continu de faire, quand bien même s’en défendrait-il. 
Il s’agit d’un mal consubstantiel à sa couleur de peau et à son sexe. 
Ceci explique peut-être que Garth Ennis justement écrive, ces derniers temps, des histoires qui tentent de ménager la chèvre et le chou. 
Par exemple, lui qui est connu pour ses récits de guerre, a pondu une histoire pourtant prometteuse, qu’il a transformée en une bouillie progressiste [Pour en savoir +]. 
À voir aussi la prochaine publication en France chez Panini™ de son dernier travail pour l’éditeur américain AWA™, The Ribbon Queen.

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