C'est un « tweet » de Jack Carr (l'auteur de Terminal List), qui souhaitait un bon anniversaire à Nelson DeMille, qui a aiguisé ma curiosité.
Si j'avais - je crois ? - vu une adaptation cinématographique de l'un des romans de DeMille (Le déshonneur d'Ann Campbell), je n'en avais en revanche jamais lus aucun.
Mon choix s'est donc porté sur L'Île des fléaux, roman disponible à la médiathèque, et premier d'une série dont le personnage principal est un certain John Corey.
Mal m'en a pris.
Je crois que c'est la pire traduction qu'il m'a été donnée de lire.
Dès les premières pages on trouve un « détective », des « officiers », en lieu et place d'un inspecteur et d'agents. Un peu plus loin mais guère plus, le traducteur confond le canon d'une arme et son barillet, et cerise sur le gâteau (c'est le cas de le dire), construit une maison en pain d'épices (gingerbread qui pour le coup a ici le sens de « tarabiscoté ») sans que cela titille son bon sens.
Bref, devant ce manque évident de professionnalisme et de relecture, je me suis rabattu derechef sur la version originale, Plum Island, qui aurait gagné à être écourtée.
Nelson DeMille s’enferre en effet dans d'interminables descriptions qui n'apportent absolument rien à l'intrigue. Alors que l'enquête policière offre des pistes intéressantes, et débouche sur l'une des plus originales du lot.
Malheureusement (bis), le roman est plombé par un climax final aussi interminable que bavard, qui évidemment n'arrive pas à en faire oublier les défauts précédents.
J'ai connu de meilleures expériences.
« Il était souillé d'ordures et de merdes de chiens. Il vérifia que ses armes n'étaient pas tombées et envisagea sérieusement de se faire faire un vaccin antitétanique. »
Cependant, entre temps j'avais appris que Nelson DeMille avait écrit, au début de sa carrière, des romans sous pseudonyme(s), dont il n'était pas très fier.
Dont six sous celui de Jack Cannon, traduits à partir de 1994 aux éditions Fleuve Noir™ par Claro (qui lui aussi était très probablement au début de sa propre carrière), dans la collection SUPERCOPS.
Publié au mitan des seventies aux États-Unis, « Massacres à New York », le premier roman de la série, met aux prises un inspecteur de police, Joe Ryker, et un sniper, ancien combattant de la guerre du Vietnam, qui, s'il était ausculté aujourd'hui par un médecin, serait probablement diagnostiqué atteint de « stress post-traumatique ».
Le récit quant à lui, contemporain de son écriture, prend de nos jours les atours d'un samizdat.
Petite précision, ce roman, lors de sa réédition à la fin des années 1980 aux U.S.A., a été « retouché », le prénom du criminel a été modifié par exemple ; et c'est certainement pour ça qu'on y rencontre une allusion à Rambo et au SIDA.
Samizdat disais-je donc, car si l'édition du Fleuve Noir™ a paru en 1994 dans un relatif anonymat, difficile de croire qu'aujourd'hui « Massacres à New York » passerait allègrement sous les fourches caudines de la bien-pensance et de la doxa woke. Laquelle voit par exemple, dans une grillade au barbecue, la quintessence de la masculinité. « Toxique », cela va sans dire.
Or donc, pas sûr qu'un éditeur prendrait le risque de le publier en 2022.
Ceci étant dit, de quoi « Massacres à New York » est-il le nom ?
Si l'on posait la question à Pauline Kael, sa réponse serait sûrement celui du « fascisme », elle qui, dans les années soixante-dix, disqualifiait ainsi le film de Don Siegel, Dirty Harry, dont Joe Ryker est un copycat.
Une imitation certes, mais encore plus brutale que l'original, dans un New York encore plus dur et moins sûr que le San Francisco de Harry Callahan. Et c'est peu de le dire.
L'enquête à proprement parler est rondement menée, manifestement les consignes éditoriales données à Jack Cannon visaient plus à portraiturer des flics durs-à-cuire, encadrés par une hiérarchie carriériste face à une faune de drogués, de prostituées, de clochards, d'adolescents à la sexualité précoces, et bien entendu de criminels ; plutôt que d'élaborer un whodunit original.
Tout ce beau monde fréquente des bouges à la propreté douteuse tenus par des gens peu amènes, sous une chaleur accablante.
Ce gangbang de stéréotypes et de clichés outranciers accouche - contre toute attente - d'un récit captivant presque de bout en bout. La fin était visiblement déjà le point faible de l'auteur à ses débuts
Alors certes, il s'agit d'une cuisine littéraire réservée aux connaisseurs. Le titre est déjà tout un programme.
Lecture corsée donc, elle gagne d'autant plus en déviance aujourd'hui que notre époque est aux « safe spaces », aux « sensitivity readers » et aux pères mères la vertu.
Si on avait dit aux spectateurs de Dirty Harry que 50 ans plus tard, le point de vue excessif, mais somme toute minoritaire de Pauline Kael sur le film de Siegel serait non seulement largement partagé, mais surtout étendu à tous les aspects culturels et sociétaux de nos vie, on aurait sûrement récolté une volée de rires bien gras.
Et pourtant .....
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