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Secrete Identity [Alex Segura]

New York, milieu des années 1970. 
            Surnommée alors non sans raison « Fear City », la métropole étasunienne est « the place to be » si l’on veut travailler dans le milieu de la bande dessinée. Carmen Valdez le sait. 
Et c'est pourquoi elle est l'assistante du patron de Triumph Comics™, une maison d'édition de seconde zone qui aurait bien besoin d'un titre phare pour assurer ses arrières financiers. 
Seulement voilà, tout aussi douée que soit Carmen, c'est une femme. Et en ce temps-là, nous dit « Secret Identity », elles ne sont pas les bienvenues dans la sphère créative des éditeurs de comic books
Mais une opportunité va se présenter à elle. 
            Alex Segura, auteur entre autre d'une série de romans policiers, inédite elle aussi en français, a voulu se tourner vers quelque chose de différent. Lui est alors venu l'idée d'un « comic book murder mystery », et tout aussi rapidement son héroïne, Carmen Valdez, lui est apparue. 
Désirant situer son roman dans les années 1970 il se documentera sans rechigner, notamment en discutant avec Linda Fite qui occupait le même poste que Carmen Valdez mais chez Marvel™, et qui a scénarisé des épisodes de The Claws of The Cat pour la Maison des Idées© au début des années 1970. Une série qui ne connaitra que 5 numéros. 
          Si Linda Fite ne manquera pas de se moquer du concept s'agissant de mettre des autrices sur un titre de super-héroïne : « A cat? Oh, my God, how original. We’ll have a woman and we’ll call her Cat and she can be in catfights » ; elle saura saisir sa chance, et insufflera à la série une tonalité féministe qui ne sera pas étrangère à celle que donnera Carmen Valdez à sa propre super-héroïne. 
A
lex Segura s’est aussi entretenu avec Louise Simonson qu'on ne présente plus. 
Et s'il faut le faire, c’est que ce roman risque de ne pas être pour vous. 
            Vous l'avez donc sûrement déjà deviné, « Secret Identity » s'adresse en premier lieu aux aficionados de bandes dessinées américaines. Et accessoirement aux amateurs de milieux interlopes et aux salles de concerts underground qui ont révélé certaines des stars de la musique de l’époque. 
En effet, le roman de Segura, sous couvert d'une intrigue policière, décrit surtout les difficultés que rencontraient alors les femmes qui voulaient écrire ou dessiner de la BD au pays de l’Oncle Sam. 
Et ça démarre vraiment très bien. 
            Mais vous connaissez la chanson. Dès lors qu'il s'agit de critiquer un roman dont on regrette l'issue, c'est qu'on aurait aimé en lire un autre. 
Et « Secret Identity » n'échappe pas à la règle. 
C'est d'autant plus dommage qu'Alex Segura avait mis son héroïne dans une situation quasi inextricable. Et je comptais sur lui pour l'en sortir. 
Fatalitas
            Outre que l'auteur semble bien plus intéressé par les déboires sentimentaux de son héroïne queer, il tire à la ligne pour finalement botter en touche. C’est pas glop
            Chose amusante néanmoins, « Secret Identity » propose plusieurs pages du comic book qu'est sensée écrire Carmen Valdez, intitulé « The Lethal Lynx » dont le dessinateur, Sandy Jarrell, a lui-même participé au Comic Art Convention de 1975 qui s'est déroulé à New York, et auquel se rendra justement Carmen Valdez dans le roman. 
Si les pages de BD disséminées dans le roman sont quasi illisibles avec une KOBO, il semblerait que « The Lethal Lynx » connaitra une sortie en fascicules l'année prochaine, toujours dessiné par Jarrell et écrit, bien entendu, par Alex Segura. Mais je ne sais pas si Taylor Esposito en sera encore le lettreur. 
            En conclusion « Secret Identity » est un roman qui coure plusieurs lièvres en même temps, mais n'en attrape aucun. 
Les lecteurs qui connaissent le milieu de la bande dessinée américaine s'amuseront de voir tel ou tel auteur pointer son nez, et de certaines références peut-être moins évidentes. 
Ceux qui connaissent bien Patricia Highsmith auront aussi de quoi faire un petit Trivial Pursuit™. 
Et les théoristes se réjouiront de voir que le patriarcat n'aura finalement pas la peau de Carmen Valdez, même si Alex Segura commet - à mon avis - une faute difficilement pardonnable en assignant la femme de son héroïne, à la cuisine. [-_ô] 
Reste les amateurs de polars qui s'ennuieront en regrettant la belle occasion manquée de résoudre une belle impasse mexicaine (si je puis dire). 
• Mon avis : un roman qu’on peut lire, à la rigueur.

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