Accéder au contenu principal

L.A.Byrinthe [Randall Sullivan / Benjamin & Julien Guerif]

Livre-enquête ayant servi de base au scénario du film de Brad Furman [Pour en savoir +], « L.A.Byrinthe » vaut d'être lu quand bien même vous avez comme moi vu l'excellent City of Lies.
            Tout d'abord Randall Sullivan explore bien plus en profondeur l'histoire de Death Row Records™, les biographies de Marion Hugh « Suge » Knight, Tupac Shakur, Notorious B.I.G., et bien évidemment celle de Russell Poole. Plus une belle poignée d'individus gravitant dans leur entourage respectif, certes un peu moins fouillés.
En lisant « L.A.Byrinthe » l'impression générale qui en ressort fait du film de Furman un succédané bien moins polémique que le récit de Randall Sullivan. 
En effet la thèse du livre est que si les assassinats (et non pas les meurtres) de Tupac Shakur et de Notorious B.I.G. n'ont toujours pas été élucidés c'est uniquement pour des raisons idéologiques. Et dans une moindre mesure, mais l'une n'allant pas sans l'autre comme on dit, « politiques » en tant que les accointances qu'entretenaient certains policiers du LAPD avec Death Row Records™ auraient terni la réputations de la chaîne de commandement (jusqu'au sommet). Notamment parce que leur travail ne consistait pas seulement à jouer les vigiles de luxe, mais qu'ils étaient, pour la plupart, des gangbangsters affilés aux célèbres Bloods.
On pourrait dire, sans risque de beaucoup se tromper, que ces policiers étaient sous couverture. Puisqu'en tant que gangsters, ils avaient infiltré la police de Los Angeles. <sourire>
            Randall Sullivan explique aussi, comme je l'avais brièvement évoqué s'agissant du film City of Lies, que le « scandale Rampart » était en fait un contre-feu pour protéger les flics Noirs corrompus (non pas que certains des exactions reprochées soient fausses). En effet Death Row records™, si on en croit « L.A.Byrinthe », n'employait que des Afro-Américains. La seule notable exception, est la fille d'un procureur (ou d'un substitut) qui avait rendu service à Suge Knight. D'où la possible atteinte à la sacro-sainte political correctness.
L'idée-force de l'histoire est donc que l’acquittement - en 1992 - des agresseurs de Rodney King, des flics Blancs, a ouvert une énorme brèche dans l'utilisation racialiste de n'importe quel événement impliquant un Afro-Américain.
Outre que cela faussait les jugements (ce qui ne veut pas dire non plus que le racisme est toujours absent des évènements), s'agissant d'affaires pénales, cet argument permet, surtout, d'obtenir des dommages et intérêts mirobolants.
À ce sujet les agissements de Kevin Gaines, quand bien même était-il un policier, rapportés dans l'ouvrage, est saisissant (et scandaleux). 
On mesure aussi la propension de la presse (essentiellement locale) à écrire des articles sans jamais enquêter de son côté, utilisant uniquement des arguments d'autorité préconçus (et erronés). Un ange passe ......
            Bref, « L.A.Byrinthe » est un livre qui risque de plaire même à ceux qui ne s'intéressent pas au rap, tant son propos dépasse largement les frontières de la musique. Son défaut le plus rédhibitoire est, à mon avis, de se lire comme un thriller. Alors que ce qu'il raconte demande (et surtout mérite) d'être maturé, d'être digéré. Mais l'intensité du récit à pour résultat de nous pousser à en lire toujours plus. De plus en plus vite.
Reste cependant un point assez négatif : la traduction.
            Manifestement les deux traducteurs ne connaissent pas le fonctionnement des services de police américains (et ne s'y sont guère penchés dessus) ; lesquels sont municipaux (information capitale, comme la peine). Je ne parle pas bien sûr des services fédéraux (FBI, ATF, etc.).
            Par exemple, à un moment donné, on se trouve dans la ville de Las Vegas, et il est fait - justement - mention de « policiers municipaux ». Une précision qui m'apparaît alors incongrue, puisque comme je l'ai dit, le LAPD et la police de Vegas sont toutes les deux municipales. Et qu'à aucun moment cette appartenance n'apparaît quand il est question de Los Angeles.
Voulant en avoir le cœur net, j'ai donc fait une petite recherche dans le texte original où il apparaît que l'auteur parle de la « Metro police », avec une majuscule. Ce qui m'amène à penser qu'il fait allusion au « Las Vegas Metropolitan Police Department », autrement dit le nom même de la police de Las Vegas. Alors certes la « Metro » est municipale, mais le mentionner comme ça donne à penser que par exemple le LAPD ne l'est pas. Or, si on ne sait pas que le LAPD est une police municipale certains faits risque de rester mystérieux, ou anodins. En outre, ce n'est pas, jusqu'à plus ample informé, ce qu'écrit l'auteur.
Ailleurs, il est question d'un « officier de police », traduction littérale (et fautive) de « police officer » qui est, aux U.S.A., un agent en tenue (uniforme). Et non pas un officier (de police) comme on pourrait le comprendre en France. Ceci dit, c'est une erreur récurrente, qui semble désormais passée dans l'usage. Dommage, car là encore, la compréhension (notamment hiérarchique) dans le déroulé dépend de le savoir.
Le choix, discutable (encore), à mon avis, de garder  tel quel, et tout au long du récit « Internal Affairs ». Alors que l'expression « Affaires internes », grâce au cinéma et à la télévision, est largement tombée dans les habitudes de ce côté-ci de l'Atlantique.  
Idem pour les « preuves physiques », qui auraient gagné à être transformées en des « preuves matérielles ». Tout comme le numéro de matricule d'un agent  ne devrait pas être confondu avec son « d'immatriculation ».
            Quelques notes dites, de bas de page, sont de mon point de vue très insuffisantes. 
Dépeindre Louis Farrakhan comme « un leader activiste (sic) noir » passe, à mon avis, à côté de l'essentiel. L'utilisation de « libérale » est une mauvaise idée, s'agissant d'une traduction en français. D'autant que lorsque intervient la note de bas de page, il s'est passé pas mal de pages. Et que la note en question souffre du même mal que celle de Farrakhan : pas fausse, mais insuffisante. Deux exemples qui peuvent, par leur lacunes donc, amener à mal comprendre ce qu'on lit.       
            En définitive « L.A.Byrinthe » de Randall Sullivan est un livre très intéressant, qui par ailleurs ne souffre pas d'être lu après avoir vu City of Lies. Dommage que l'édition française manque, à mon avis, de rigueur.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'

Juste cause [Sean Connery / Laurence Fishburne / Ed Harris / Kate Capshaw]

« Juste Cause 1995 » est un film qui cache admirablement son jeu.             Paul Armstrong , professeur à l'université de Harvard (MA), est abordé par une vieille dame qui lui remet une lettre. Elle vient de la part de son petit-fils, Bobby Earl , accusé du meurtre d'une enfant de 11 ans, et qui attend dans le « couloir de la mort » en Floride . Ce dernier sollicite l'aide du professeur, un farouche opposant à la peine capitale.   Dès le départ, « Juste Cause 1995 » joue sur les contradictions. Ainsi, Tanny Brown , « le pire flic anti-noir des Everglades », dixit la grand-mère de Bobby Earl , à l'origine de l'arrestation, est lui-même un africain-américain. Ceci étant, tout le film jouera à remettre en cause certains a priori , tout en déconstruisant ce que semblait proposer l'incipit du film d' A rne G limcher. La déconstruction en question est ici à entendre en tant que la mise en scène des contradictions de situations dont l'évidence paraît pour

Nebula-9 : The Final Frontier

... Nebula-9 est une série télévisée qui a connu une brève carrière télévisuelle. Annulée il y a dix ans après 12 épisodes loin de faire l'unanimité : un mélodrame bidon et un jeu d'acteurs sans vie entendait-on très souvent alors. Un destin un peu comparable à Firefly la série de J oss W hedon, sauf que cette dernière bénéficiait si mes souvenirs sont bons, de jugements plus louangeurs. Il n'en demeure pas moins que ces deux séries de science-fiction (parmi d'autres telle Farscape ) naviguaient dans le sillage ouvert par Star Trek dés les années 60 celui du space opera . Le space opera est un terme alors légèrement connoté en mauvaise part lorsqu'il est proposé, en 1941 par l'écrivain de science-fiction W ilson T ucker, pour une catégorie de récits de S-F nés sous les couvertures bariolées des pulps des années 30. Les pulps dont l'une des particularités était la périodicité ce qui allait entraîner "une capacité de tradition" ( M ich