En me replongeant dans la série de John Ostrander & Timothy Truman, j'ai été immédiatement frappé par la densité de leurs histoires.
Aussi bien celles des années 1984-1991, que celles plus récentes (2005 & 2010), publiées au sortir de l'imbroglio juridique, lequel avait relégué la série du côté des nostalgiques et des aventuriers des bacs à soldes.
Avant d'aborder un peu plus frontalement les deux aventures en question, publiées par l'éditeur américain IDW, je voudrais revenir sur GrimJack lui-même. Une sorte de complément à son portrait, que j'avais déjà sérieusement brossé [Pour en savoir +] il y a quelque temps.
Or donc, d'une manière générale, GrimJack est un personnage venu tout droit d'un sous-genre de la science-fiction, que l'on appelle entre initiés aux arcanes de la SfFF, le « Sword and planet ». Et dont les précurseurs sont Edgar Rice Burroughs avec sa série dit du Cycle de Mars (1912) ou encore la bande dessinée Flash Gordon d'Alex Raymond & Don G. Moore, crée en 1934.
On remarquera au passage, que le surnom du héros inventé par Ostrander et Truman, est construit de la même façon que celui de Raymond et Moore ; une épithète et un prénom ; « flash » + Gordon et « grim » + Jack. CQFD !
Et ce n'est pas leur seul point commun, car tous deux partagent une affection particulière pour les capes.
C'est en effet la caractéristique principale de ce sous-genre que de mélanger les pistolets à rayon laser, les capes, les épées et les planètes étrangères peuplées de jolies princesses. Une ambiance que l'on doit, croyez-le ou non, à Walter Scott.
En effet, si Edgar Rice Burroughs n'est pas le premier à s'aventurer dans ce qu'on appellera bien plus tard le « Sword and planet », il est sûrement celui dont l'influence a été l'une des plus fortes. Ainsi est-il justement à l'origine de la création de Flash Gordon, et Shuster & Siegel lui doivent aussi une partie de leur inspiration pour Superman (fusion innovante de Tarzan et John Carter).
Lorsqu'il a inventé John Carter pour l'envoyer sur Mars (alias Barsoom), manière repousser la Frontière (de Frederick Jackson Turner) outre-espace, il en a fait un ex-soldat confédéré.
Et a importé avec lui tout le folklore que s'était construit le Sud, en recherche de racines aristocratiques.
Il faut ainsi savoir que durant les années 1825 à 1860, soit jusqu'à la veille de la guerre de Sécession, Walter Scott a été le romancier le plus lu des États confédérés. À tel point que Mark Twain pourra écrire que « Sire Walter a tellement contribué à former le tempérament sudiste, tel qu'il existait avant guerre, qu'il est largement responsable de la guerre » de Sécession.
Et quel est-il ce tempérament ?
Les gens du Sud se voyaient comme des chevaliers, cultivant le sens de l'honneur, l’intrépidité et la bravoure. Vivant au sein d'une société élégante, mais d'une trempe solide, où il n'était pas rare de prénommer son fils Walter Scott ou sa fille Rowena. Où l'esclavage était justifié par des récits ; tel celui d'Ivanhoé, où des serfs, identifiés par leur un collier de métal, servaient les rois et les nobles.
Rien que de très normal alors, que John Carter devienne sur Barsoom, ce chevalier sudiste idéal.
Un idéal, qui sous le trait élégant d'Alex Raymond imprimera sa marque encore plus profondément dans l'imaginaire collectif en y apportant toute l'iconographie nécessaire. Sans pour cela que Raymond ou Don G. Moore, pas plus que leurs épigones d'ailleurs, sachent d'où cela venait.
Cela dit peut-être êtes-vous encore sceptiques ?
Laissez-moi alors vous racontez une histoire, celle du colonel Jacob Wark Griffith, surnommé « Roarin'Jack ». L'un de ces sudistes romantiques qui s'étaient battus pour l'honneur de leur pays, un officier de cavalerie qui prétendait descendre des chefs de clans et des rois guerriers gallois. Un homme don racontait qu’après avoir eu la hanche cassée par un boulet de canon nordiste, il s'était fait faire une espèce de chariot, attaché à un cheval, sur lequel il prenait place, assis, pour mener ses hommes au combat. Cet individu, dont la maison avait été incendiée et rasée par la guérilla de l'Union, aura un fils nommé D. W. Griffith, que d'aucuns qualifient de premier génie du cinéma.
Lequel cinéaste donnera au 7ème art une œuvre emblématique, intitulée rien de moins que « Naissance d'une nation » [Pour en savoir +], sorte de panégyrique à la gloire d'un Sud rêvé, et du Ku Klux Klan [Pour en savoir +] dont il sera l'outil de la renaissance au début des années 1920.
Il n'est bien sûr pas question de faire de GrimJack, ni du « Sword and planet » une résurgence idéologique, mais plutôt de montrer que l'Imaginaire puise souvent ses racines bien plus profondément qu'on ne pourrait le croire de prime abord.
Après ce petit détour par le « Sword and planet », dont la richesse thématique est particulièrement bien exploitée par John Ostrander & Timothy Truman, en effet peu de chose sont impossible dans ces univers, et les deux auteurs nous le prouvent à chaque page, qu'en est-il de ces deux recueils, respectivement intitulé Killer Instinct et The Manx Cat ?
Outre que Timothy Truman y est en super forme (c'est peu de le dire), que John Ostrander fait preuve d'un savoir-faire certain en écrivant deux nouvelles histoires qui ne dénaturent pas sa série, tout en ajoutant à son background ; lesquelles peuvent d'ailleurs se lire sans connaître la série originale, et qui tiennent encore aujourd'hui la dragée haute à 90% de la production actuelle.
C'est d'ailleurs incompréhensible, vu la qualité de l'ensemble de la série, que GrimJack n'est pas eu l'heur d'être traduit.
Killer Instinct et The Manx Cat seraient deux ambassadeurs tout trouvés pour cela.
En bref comme en 100, vous êtes amateur de grandes aventures, de péripéties épuisantes, de dialogues ciselés, d'humour et de romantisme, sans oublier une ménagerie à faire pâlir Daktari lui-même, alors cette série est pour vous !
Ne passez pas à côté.
Aussi bien celles des années 1984-1991, que celles plus récentes (2005 & 2010), publiées au sortir de l'imbroglio juridique, lequel avait relégué la série du côté des nostalgiques et des aventuriers des bacs à soldes.
Avant d'aborder un peu plus frontalement les deux aventures en question, publiées par l'éditeur américain IDW, je voudrais revenir sur GrimJack lui-même. Une sorte de complément à son portrait, que j'avais déjà sérieusement brossé [Pour en savoir +] il y a quelque temps.
Or donc, d'une manière générale, GrimJack est un personnage venu tout droit d'un sous-genre de la science-fiction, que l'on appelle entre initiés aux arcanes de la SfFF, le « Sword and planet ». Et dont les précurseurs sont Edgar Rice Burroughs avec sa série dit du Cycle de Mars (1912) ou encore la bande dessinée Flash Gordon d'Alex Raymond & Don G. Moore, crée en 1934.
On remarquera au passage, que le surnom du héros inventé par Ostrander et Truman, est construit de la même façon que celui de Raymond et Moore ; une épithète et un prénom ; « flash » + Gordon et « grim » + Jack. CQFD !
Et ce n'est pas leur seul point commun, car tous deux partagent une affection particulière pour les capes.
C'est en effet la caractéristique principale de ce sous-genre que de mélanger les pistolets à rayon laser, les capes, les épées et les planètes étrangères peuplées de jolies princesses. Une ambiance que l'on doit, croyez-le ou non, à Walter Scott.
En effet, si Edgar Rice Burroughs n'est pas le premier à s'aventurer dans ce qu'on appellera bien plus tard le « Sword and planet », il est sûrement celui dont l'influence a été l'une des plus fortes. Ainsi est-il justement à l'origine de la création de Flash Gordon, et Shuster & Siegel lui doivent aussi une partie de leur inspiration pour Superman (fusion innovante de Tarzan et John Carter).
Lorsqu'il a inventé John Carter pour l'envoyer sur Mars (alias Barsoom), manière repousser la Frontière (de Frederick Jackson Turner) outre-espace, il en a fait un ex-soldat confédéré.
Et a importé avec lui tout le folklore que s'était construit le Sud, en recherche de racines aristocratiques.
Il faut ainsi savoir que durant les années 1825 à 1860, soit jusqu'à la veille de la guerre de Sécession, Walter Scott a été le romancier le plus lu des États confédérés. À tel point que Mark Twain pourra écrire que « Sire Walter a tellement contribué à former le tempérament sudiste, tel qu'il existait avant guerre, qu'il est largement responsable de la guerre » de Sécession.
Et quel est-il ce tempérament ?
Les gens du Sud se voyaient comme des chevaliers, cultivant le sens de l'honneur, l’intrépidité et la bravoure. Vivant au sein d'une société élégante, mais d'une trempe solide, où il n'était pas rare de prénommer son fils Walter Scott ou sa fille Rowena. Où l'esclavage était justifié par des récits ; tel celui d'Ivanhoé, où des serfs, identifiés par leur un collier de métal, servaient les rois et les nobles.
Rien que de très normal alors, que John Carter devienne sur Barsoom, ce chevalier sudiste idéal.
Un idéal, qui sous le trait élégant d'Alex Raymond imprimera sa marque encore plus profondément dans l'imaginaire collectif en y apportant toute l'iconographie nécessaire. Sans pour cela que Raymond ou Don G. Moore, pas plus que leurs épigones d'ailleurs, sachent d'où cela venait.
Cela dit peut-être êtes-vous encore sceptiques ?
Laissez-moi alors vous racontez une histoire, celle du colonel Jacob Wark Griffith, surnommé « Roarin'Jack ». L'un de ces sudistes romantiques qui s'étaient battus pour l'honneur de leur pays, un officier de cavalerie qui prétendait descendre des chefs de clans et des rois guerriers gallois. Un homme don racontait qu’après avoir eu la hanche cassée par un boulet de canon nordiste, il s'était fait faire une espèce de chariot, attaché à un cheval, sur lequel il prenait place, assis, pour mener ses hommes au combat. Cet individu, dont la maison avait été incendiée et rasée par la guérilla de l'Union, aura un fils nommé D. W. Griffith, que d'aucuns qualifient de premier génie du cinéma.
Lequel cinéaste donnera au 7ème art une œuvre emblématique, intitulée rien de moins que « Naissance d'une nation » [Pour en savoir +], sorte de panégyrique à la gloire d'un Sud rêvé, et du Ku Klux Klan [Pour en savoir +] dont il sera l'outil de la renaissance au début des années 1920.
Il n'est bien sûr pas question de faire de GrimJack, ni du « Sword and planet » une résurgence idéologique, mais plutôt de montrer que l'Imaginaire puise souvent ses racines bien plus profondément qu'on ne pourrait le croire de prime abord.
Après ce petit détour par le « Sword and planet », dont la richesse thématique est particulièrement bien exploitée par John Ostrander & Timothy Truman, en effet peu de chose sont impossible dans ces univers, et les deux auteurs nous le prouvent à chaque page, qu'en est-il de ces deux recueils, respectivement intitulé Killer Instinct et The Manx Cat ?
Outre que Timothy Truman y est en super forme (c'est peu de le dire), que John Ostrander fait preuve d'un savoir-faire certain en écrivant deux nouvelles histoires qui ne dénaturent pas sa série, tout en ajoutant à son background ; lesquelles peuvent d'ailleurs se lire sans connaître la série originale, et qui tiennent encore aujourd'hui la dragée haute à 90% de la production actuelle.
C'est d'ailleurs incompréhensible, vu la qualité de l'ensemble de la série, que GrimJack n'est pas eu l'heur d'être traduit.
Killer Instinct et The Manx Cat seraient deux ambassadeurs tout trouvés pour cela.
En bref comme en 100, vous êtes amateur de grandes aventures, de péripéties épuisantes, de dialogues ciselés, d'humour et de romantisme, sans oublier une ménagerie à faire pâlir Daktari lui-même, alors cette série est pour vous !
Ne passez pas à côté.
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