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Afterland [Lauren Beukes / Laurent Philibert-Caillat]

Chère madame Beukes, 
            Si c'est la première fois que je prends le temps de vous écrire, sachez que vous occupez mes pensées à chacune des commercialisations de vos romans dans l'Hexagone. Et même souvent un peu avant, et un peu après le temps qu'il me faut pour les lire. 
J'ai également lu quelques-unes des bandes dessinées que vous avez écrites pour l'éditeur américain DC Comics™, avec le même plaisir. 
            Votre nouveau roman, traduit par Laurent Philibert-Caillat pour le département Imaginaire d’Albin Michel™, a encore une fois retenu mon attention. Son entrée en matière, aussi saisissante que de surprendre un carjacking au détour d'une rue mal éclairé de Joburg (alors même que votre récit se déroule essentiellement aux U.S.A.), n'est pas pour rien dans son attrait, lequel ne diminue jamais pendant ses presque 500 pages. S'il est vraisemblable que je ne serai pas le seul à penser à deux autres romans très marquants, qui n'ont pas dû vous échapper non plus, en ce qu'ils émettent sur des fréquences proches du vôtre (La Route de Cormac McCarthy et La servante écarlate de Margaret Atwood),« Afterland », qui devait précédemment s'intituler Motherland, adopte néanmoins un ton qui n'appartient qu'à lui. 
            Ainsi, l'androcalypse virale qui vous décrivez (imaginée bien avant l'arrivée de la COVID-19) ne promet pas un meilleur avenir, sous prétexte que la majorité de la population restante ne serait composée que de femmes. 
De plus l'instinct maternel qui ne quitte jamais votre héroïne risque de faire passer « Afterland » pour un méchant roman réac (pléonasme). Un sentiment qui ira s’exacerbant si d’aventure d’autres lecteurs que moi y voient aussi le regard ironique que vous portez sur l’idéologie woke. Quand bien même prenez-vous le soin d’ironiser sur - je cite – les « racistes homophobes scotchés à Fox News » ; la citation suivante épingle cependant tout un pan du wokisme qui ne reconnait aucune validité à la biologie, notamment les petits soldats de la théorie du genre : « le VCH ne fait aucune discrimination de race, de classe, de religion, de sexualité ou d'identité de genre. ». 
Les militants de cette idéologie belliqueuse, que tout offense, n’en croirons sûrement pas leurs yeux en lisant que l’un de vos personnages (féminin, faut-il le préciser) s’exclame : « Entendez-moi : viendra un jour où l'on regrettera les photos de bites que nous envoyaient les collègues entreprenants ! ». Contextualisée, cette déclaration prend cependant un sens nettement moins provocateur qu’il n’y parait.
            Tout aussi subjectif, mais sûrement plus fédérateur « Afterland » réussit la gageure de maintenir l’aiguille du suspense dans le rouge tout au long de son périple. La diversité des trois points de vue, et leurs différentes interactions entre eux, et avec toute une théorie de personnages parfois juste esquissés, mais toujours croqués avec précision, donne un élan qui ne faiblit jamais. Autre point important, l’héroïne ne se drape jamais dans le camp majuscule du Bien. 
Vous prenez bien soin d’en faire un être humain, pas forcément meilleur que ses adversaires. Lesquelles ne sont jamais non plus de simples faire-valoir. 
            Au final « Afterland » est un excellent roman d’aventure qu’on n’abandonne qu’avec réticence, un thriller Sf sur la résilience, doublé d’un discours politique qu’on peut tout aussi bien ne pas voir, sans que le plaisir de lecture en pâtisse. 
Par contre, l’édition française aurait - à mon sens - gagné à lui choisir un premier plat plus conceptuel. En effet la très belle couverture d’Aurélien Police me parait bien trop explicite quant à l’identité de deux des personnages principaux. Un détail certes, mais paraît-il que le Diable s’y cache souvent. 
 
Cordialement, votre lecteur admiratif Artemus Dada.
Cybérie le 22 janvier 2022.

 
P-S : Tous mes remerciements à Gilles Dumay du département Imaginaire des éditions Albin Michel pour sa confiance.

Commentaires

  1. J'en suis à la moitié, et je suis moins enthousiaste. Même si j'ai du mal à le lâcher, j'ai envie de savoir ce qui va se passer mais je reste sur ma faim, cette longue course sans fin me semble par moment infinis bale.

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  2. Je ne sais pas si je le lirai mais les citations m’ont bien fait rire. C’est déjà ça.
    J’y viendrai peut-être.

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