Si l'Abrégé de cavorologie se présentait sous la forme d'un vrai-faux traité scientifique, où Laurent Genefort ne faisait aucune concession, excepté minière, avec la froide exactitude du savoir et de la connaissance, « Les Temps Ultramodernes » en prend le contrepied en livrant un grand roman d'aventure chaleureux et divertissant.
Une uchronie dont le point de divergence, dit point Renouvier™, est la découverte et l'exploitation d'un minerai (d'origine littéraire), la cavorite.
Si l'uchronie modifie - plus ou moins - le passé tel que nous le connaissons, elle garde souvent - pour ne pas dire toujours - les mentalités, les mœurs et la morale de l'époque dont elle nous offre une image déformée. Et révélatrice.
Ceci étant dit, « Les Temps Ultramodernes », en tant qu'uchronie scientifique, est aussi un passé dont la différence avec le nôtre tient en ce que le futur y est arrivé plus tôt. À tel point que si la colonisation de la planète Mars appartient encore, pour ce qui nous concerne, au domaine de la spéculation ; les contemporains du chronomyme qui donne son titre au roman de Laurent Genefort s'y sont déjà installés.
Mais « Les Temps Ultramodernes » c'est aussi un tribut à ce que Maurice Renard (1875-1939) a appelé le merveilleux-scientifique. Un (mauvais) genre littéraire dont on fait souvent, et tout aussi abusivement, une « proto- » science-fiction. Alors que l'un et l'autre partagent en littérature, la relation qu'occupent Neandertal et Cro-Magnon sur l'échelle de l'évolution.
Outre regarder de biais son présent, le merveilleux-scientifique s'articulait sur le télescopage du conte et de la science. Dit autrement le merveilleux-scientifique rationalise, grâce à la science, la quincaillerie de ce qui caractérise d'ordinaire le conte de fée : miroir magique, philtre d'amour, tapis volant, etc.
Or donc, sur des prémisses fausses ce (mauvais) genre tombé en désuétude construisait un imaginaire vraisemblable. Il explorait, durant son Âge d'or, le surnaturel ; faisant des effets de la surnature quelque chose de bien réel auxquels la science n'avait alors pas encore donné d'explication(s).
L'idée de Maurice Renard n'était pas « d'acquérir la connaissance du futur », mais bien « d'obtenir une plus grande compréhension du présent ».
Néanmoins le natif de Montreuil-sous-Bois est un écrivain de son temps, tout comme son récit.
C'est-à-dire que « Les temps Ultramodernes » utilise une forme littéraire (le merveilleux-scientifique) dont il a conscience. Avec pour conséquence que le roman cite ceux qui l'ont excavé de leur propre imagination - en l’occurrence Gustave Lerouge (mais pas seulement) - pour en faire ce qu'elle est devenue sur le tableau périodique de l'Imaginaire.
L'Histoire, matière première de l'uchronie a été traitée avec - semble-t-il - beaucoup de rigueur. Ce qui n'empêche pas quelques anachronismes (volontaires) comme celui de la « rumeur d'Orléans ».
Ludique donc, l'histoire (avec sa hache minuscule cette fois-ci) n'hésite pas non plus à piocher dans tous les (mauvais) genres capables d'alimenter au mieux ses intrigues.
Vrai-faux roman de merveilleux-scientifique de 450 pages, « Les Temps Ultramodernes » rend bien plus léger notre quotidien, à l'instar de la cavorite qui allège celui de ses personnages. Tout en nous lestant d'une nostalgie pour un temps qui n'a pourtant jamais eu lieu.
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Tous mes remerciements à Gilles Dumay pour sa confiance.
Et à Fleur Hopkins pour ses éclairages bienvenus sur le merveilleux-scientifique au travers de ses nombreux travaux sur le sujet.
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