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La chambre chinoise


.. À l'instar de la réflexion du philosophe John Searle, il me semble que le run de Grant Morrison s'interroge sur la nature des processus mentaux et de leurs liens avec la réalité. Ainsi, Searle bat-il en brèche l'idée très répandue qui considère le cerveau comme un ordinateur avec son expérience dite de la "chambre chinoise".


Voilà comment on peut la formuler :

"Je ne parle pas chinois [..] (et) je suis enfermé dans une pièce avec à ma disposition un grand nombre de symboles chinois  - c'est la base de données - et un livre livre qui m'explique comment assembler ces symboles pour répondre à certaines questions - c'est le programme. On me glisse à travers une fente des suites de symboles : ce sont des questions qui me sont adressées en chinois. Je regarde alors dans le livre et, grâce à la table de correspondances, j'assemble d'autres suites de symboles et je renvois les réponses. On me pose donc des questions en chinois, une langue que je ne connais pas, et je réponds toujours en chinois simplement en m'appuyant sur les instructions du guide qui m'a été fourni. 
En fait on tient là une image du pouvoir limité de l'ordinateur : il ne fait que combiner et manipuler des symboles conventionnels. Les ordinateurs - c'est là le point essentiel - exécutent des programmes, ce qui ne signifie pas qu'ils y "comprennent" quelques chose.
L'esprit va plus loin, il comprend les symboles qu'il manie ; nous voyons là qu'il ne fonctionne absolument pas comme un ordinateur. 
 Entretien avec John Searle 
in Philosophie magazine n° 24 novembre 2008


De là l'énorme utilisation de symboles dans les scénarios de Grant Morrison qui n'est en aucun cas gratuite. Ainsi le scénariste sait-il que ses lecteurs savent manipuler et comprendre les symboles qu'il utilise, même si parfois on a l'impression que ce qu'il raconte c'est du chinois !

Morrison et Searle se rejoignent aussi lorsque le premier fait vivre à Batman ce que c'est que d'être le Joker ou d'être mort, lors du Thögal. Pour Searle comme pour Morrison semble-t-il, l'esprit n'est pas séparé de la matière. Il n'y a pas de distinction entre les deux : l'activité mentale émerge des activités physiques lorsque celles-ci parviennent à un certain degré de complexité.

Ce sera l'objet du prochain billet.

À suivre .....

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