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Everything [Christopher Cantwell / I.N.J. Culbard / Laurent Queyssi]

Ça commence sur un malentendu.
            Lecteur stakhanoviste de bandes dessinées américaines pendant des années, j'ai depuis quelque temps sérieusement levé le pied. Si certains scénaristes se sont enracinés sur ma short list, très peu au demeurant, les autres (les plus nombreux forcément) me sont devenus quasi invisibles illisibles.
Reste une catégorie - les nouveaux venus - à laquelle je reste attentif. Avec une prédilection pour les mini-séries.
            Christopher Cantwell a donc en sa qualité de nouvelle plume, attiré mon attention lorsqu'il a été embauché par Marvel™ pour écrire une histoire du Doctor Doom (alias le Docteur Fatalis). Une attention qui n'a cependant pas tenu longtemps. Je lui ai cependant laissé une chance et je me suis intéressé à la série télévisée Halt and Catch Fire, en même temps qu'à sa maxi-série de BD Blue Flame, chez Vault Comics™, probablement plus personnelle. 
Deux expériences qui ne m'ont pas convaincu davantage.
Reste que la sortie en France chez l'éditeur 404™ d'Everything a malgré tout attiré mon attention.
            Cela dit, c'était d'autant plus mal parti (bis) que le dessinateur de ce qui a donc été une maxi-série commercialisée par l'éditeur américain Dark Horse™, sous le label Berger Books®, les connaisseurs y auront reconnu l’imprimatur de Karen Berger qui a fait de la collection Vertigo® une marque branchée, ... le dessinateur disais-je, I.N.J. Culbard, ne fait pas partie de ceux qui d'ordinaire me font feuilleter leur travail. C'est même plutôt l'inverse.
            Néanmoins, un bruit de fond persistant a eu raison de mes réticences, d'autant que pour le coup Culbard semblait avoir donné à sont trait ce qui me semblait lui manquer. Et son travail de coloriste était en outre de toute beauté.
En sus, l'omnibus de 404™ avait plutôt fière allure. Pour 24,90 euros quand même, mais comme on dit : « le prix s'oublie, la qualité reste ! ».
Et c'est en effet tout ce qui restera d'Everything.
            Comment dire les choses ?
Je crois que le mieux est de citer un extrait de la préface de Christopher Cantwell (traduite par Lauren Queyssi comme le reste du recueil) : « Je crois qu'INJ et moi [...] Nous tentons de tout vous donner en vous offrant, en quelque sorte, rien. ».
Eh bien mission accomplie. 
Everything c'est le catalogue Manufrance© de la citations, une sorte de fanfiction Christopher Cantwell aurait eu à cœur d'inviter tout ce qu'il avait aimé en matière de littérature, de cinéma et de série télévisée, non sans donner à tout ça - Cantwell est un auteur de son temps - un ton engagé. Du moins si j'en crois la quatrième de couverture où Everything est qualifiée de, je cite : « fable complexe, poétique et politique ».
J'ai bien sûr un tout autre avis sur la question.
Cela dit, le pire était encore à venir.
            En effet, j'ai dit que 404™ avait vraiment bien fait les choses, et je réitère ; Everything est un très bel objet. La reliure au dos arrondi est très ergonomique et le papier mat de qualité permet une très fine restitution des couleurs.
Mais le pire disais-je. 
Il est bien sûr dans les détails. Et plus précisément dans la postface d'Aurélien Lemant, où ce dernier écrit, en parlant d'Auschwitz, camp de concentration et d'extermination de sinistre mémoire, je cite : « C'est qu'entre le camp et le centre commercial, les stratégies se rencontrent et s'imitent [..], le centre et le camp doivent nous retenir le plus longtemps possible dans son enceinte, jusqu'à l'immobilité [...] ». Il fallait oser.
Michel Audiart fait dire par l'un des ses personnages en 1963, que c'est à ça qu'on les reconnait. Il avait (encore) raison !
Everything
, récit amorphe, prétentieux et un peu risible (la fin emporte le pompon), en tout cas inoffensif, avait-il besoin de cette comparaison ignoble ?
Ce relativisme désinvolte, dont Aurélien Lemant n'est pas le seul représentant, qui a visiblement échappé à la relecture, est bien plus inquiétant à mes yeux que ce que racontent mollement Cantwell & Culbard. 
C'est d'autant plus inquiétant qu'il ne s'agit plus de se complaire dans le soft power étasunien que véhicule (avec de moins en moins de talent) la pop culture globalisée, mais bel et bien d'affronter la matière grise hexagonale. 
Vaste programme.
            Or donc, si l'Everything original de Cantwell & Culbard fait d'un avatar de Walt Disney le mauvais génie de sa ripopée, la version française de 404™ en propose dans sa postface une version bien plus atterrante & sinistre, certifiée Exception française©.

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