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La Chose [John W. Campbell / Pierre-Paul Durastanti]

C’est en 1934 que les lecteurs du pulp magazine Astounding Science-Fiction découvrent un nouvel auteur, Don A. Stuart, au travers de sa nouvelle titrée Crépuscule (Twilight). Quatre ans plus tard Stuart livrera une novella intitulée «Who Goes There? ». Avant de tirer sa révérence l'année suivante.
D’abord traduite en français par La Bête d'un autre monde, en janvier 1955 (titre qu’elle gardera lors de ses commercialisations successives pendant 60 ans), elle deviendra en novembre 2020 « La Chose », dans la nouvelle traduction de Pierre-Paul Durastanti pour les éditions Le Bélial’™. 
            En effet, pour cette publication, la vingt-septième, dans l’excellente collection Une heure-Lumière®, sous la toute aussi excellente couverture d’Aurélien Police, l’ancienne traduction d’Alain Glatigny n’a pas fait l’objet, comme c’est souvent le cas, d’une révision.
            Un texte donc, d’une modernité bluffant - vous verrez si ce n'est déjà fait - dont le nouveau traducteur se défend d’en être l’auteur : « J'essaie de ne pas moderniser volontairement, malgré l'époque où on vit, l'âge que j'ai, mon vocabulaire personnel, etc. Je traque les anachronismes, j'essaie toujours d'éviter les mots trop récents ou trop "mode". Exercice de bon équilibrisme. ». Et précise-t-il : « Ceci dit, le texte, de 1938, rappelons-le, tranche incroyablement sur ce qui paraissait à la même époque. Je pensais jusqu'à présent que c'était Heinlein qui avait fait entrer la SF dans la modernité l'année suivante. ». Il faut croire que Stuart l'a précédé ! [Pour en savoir +]
            Ceci étant dit, vous avec bien sûr compris que Don A. Stuart (du nom de jeune fille de son épouse : Dona Stuart), n’est autre que John Wood Campbell. Qui par ailleurs vient alors de tout juste de prendre ses fonctions de rédacteur en chef d’Astoundin Science-Fiction. Mais, comme précisé dans la courte introduction qui précède la novella proprement dite, l’honneur est sauf puisque que c’est son prédécesseur, F. Orlin Tremaine, qui en avait accepté la publication. 
            L’histoire est connue. 
D’autant plus qu’elle a fait l’objet de trois adaptations cinématographiques, dont l’une par John Carpenter - à laquelle le nouveau titre rend d’ailleurs hommage - et, tenez-vous bien, d’une novelization. Vrai de vrai ! Alan Dean Foster a de fait été embauché pour justement écrire la version romanesque de 1982, pour l’éditeur Bantam®
            Histoire de science-fiction à l’atmosphère gothique, où le château hanté est remplacé par une station scientifique américaine en Antarctique (qui anticipe de dix-huit ans l’implantation de la base Amundsen-Scott), dont les baraquements sont reliés par des couloirs enfouis sous la glace. Mais où le « mal grouillant au cœur des consciences et le délitement des subjectivités » sont eux bien présents. Récit de Sf gothique donc, mais pas seulement. Je dirais même que c’est seulement la partie émergée de l’iceberg (sic)
            Si « La Chose » commence comme une histoire de Sf à la Erich von Däniken (et se terminera tout à fait comme telle), elle embraye rapidement sur un tout autre (mauvais) genre : une histoire policière par interversion. 
D’ordinaire l’enquête qui occupe le centre d'un roman policier commence par la fin : le meurtre. Charge à l’enquêteur de remonter le temps afin de confondre (sic) le ou les auteurs. 
L’enquête par interversion commence elle, le plus souvent, par les préparatifs du crime, et elle ne dissimule l’identité du coupable qu’aux protagonistes de l’histoire. 
Les enquêtes du Lieutenant Columbo sont certainement ce qui s’est fait de plus connu à ce jour dans ce type d’histoire. Cependant si l’enquête par interversion ne vous est pas totalement inconnue, il y a des chances pour qu’en même temps l’un des plus célèbres whodunit de l’histoire du (mauvais) genre se dessine dans les couloirs oppressants de la station américaine. En effet dans « La Chose » il y a un peu d’ADN des Dix petits nègres d’Agatha Christie (roman contemporain de la novella mais publié en 1940 aux U.S.A.), sauf que là pour le coup ça se termine plutôt comme Le crime de l’Orient-Express1934. Enfin presque.
Ces accointances avec le (mauvais) genre policier (de type whodunit) n'ont finalement rien d’étrange, du moins pour ceux qui ont lu l’introduction que John W. Campbell a rédigé pour l’une des éditions américaines du recueil Who Goes There ? (celle de chez Shasta Publisher®) lisible dans Le ciel est mort, aux éditions Robert Laffont® / Ailleurs & Demain. 
            Cette succession, parfois même superposition de (mauvais) genres, quasi postmodernen épouse en quelque sorte la nature de la Chose éponyme que rencontre les scientifiques de l'histoire. Difficile de n'y voir qu'une coïncidence.
Même la description qui est faite de McReady, « une statue de bronze animée » de plus d'un mètre quatre-vingt-dix, d'une carrure de géant, évoque un personnage de pulp bien connu [Pour en savoir +].
            Huis clos gothique d'obédience résolument Sf, « La Chose » tire une grande partie de son attractivité de l'énergie que lui procure la structure du récit policier traditionnel.
Tout en offrant un résultat profondément original et inédit grâce à une esthétique de la fusion à nulle autre pareille. 
Un cru millésimé à ne pas laisser passer.

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