Mike Baron et Steve Rude (dit le « Dude », aucune parenté avec l'amateur de russe blanc) se sont rencontrés en 1979 du côté de Madison dans le Wisconsin, autour d'une possible collaboration pour un journal local. Mais c'est en 1981 que les deux compères proposent à John Davis, le patron de Capital City Distribution™ (qui voulait alors ajouter une branche édition à son entreprise), une douzaine de pages de BD qui feront partie du premier épisode de la série Nexus, publié au format magazine.
Comme le dit Tom Brevoort, pour une raison inconnue beaucoup de nouveaux éditeurs (comme ici Capital Comics™, ladite branche édition mentionnée plus tôt) qui tentaient de percer via le « Direct Market » (vente en magasins spécialisés, achat ferme), choisissaient ce format.
Après trois magazines en noir & blanc, « Nexus » adoptera le format comic book, et la couleur.
Nexus est un justicier de Space opera, qui n'est pas sans rappeler le Space Ghost (voir infra la page extraite de l'édition Delirium™). Un personnage de dessin animé créé visuellement par Alex Toth pour les studios Hanna-Barbera Productions™.
Sauf que Nexus, alias Horatio Hellpop, est un personnage nettement moins consensuel que son illustre aîné (voir son origine racontée immédiatement ci-dessous, extraite d'un fanzine français dont le nom m'échappe).
À la demande de John Davis le personnage devait être un super-héros. Et s'appeler « The Executioner », ou quelque chose comme ça. En tout cas Mike Baron voulait un « X » dans le nom, parce que c'est toujours de bon augure d'en avoir un quelque part dans le titre. <sourire>
L'idée générale était que le personnage principal soit obligé de tuer, voilà pour l'aspect dramatique ; tout en étant sympathique. Mais il n'a jamais été question de délivrer un quelconque message. Pour ça il y a USPS®.
Ainsi Baron se défend-il d'avoir fait de Nexus une métaphore de la peine capitale, il est seulement au service de l'histoire. Et cela se vérifiera.
Je ne sais pas si c'est le trait d'alors de Steve Rude, mais son Nexus m'a aussi fait penser à une sorte de Tarzan de l'espace (son entourage immédiat, qui copie en partie celui du Space Ghost, incite aussi à le penser). Un peu comme Russ Manning, dont l'influence sur le dessinateur est alors patente me semble-t-il, qui après avoir dessiné le seigneur de la jungle d'Edgar Rice Burroughs, a inventé son propre Tarzan, mais parmi les robots : Magnus.
En parlant d'influence, Mike Baron dit du travail de son ami qu'il a une patte à la Fleisher©, du nom du célèbre studio de dessins animés. Il dessine, précise-t-il, comme s'il voulait « animer » ses planches.
Il a aussi, avoue-t-il, une propension à donner aux méchants des histoires un aspect cartoony, amusant ; en décalage avec ce qu'ils font. « Et ça marche ! »
Plutôt adepte de scénarios « full script » (i.e. déjà dialogué), Baron y est très descriptifs, de manière à ce que l'information passe principalement par l'image. Autrement dit « Show! don't tel!l », ce qui lui évite les gros pavés descriptifs.
En outre, il construit ses histoires autour d'une image ou via un personnage marquants. Puis il structure les 22 pages qui lui sont généralement allouées comme s'il écrivait une partition musicale autour de ce point de départ.
Chose remarquable, dès les premiers numéros de la série, Nexus s'offre une distribution importante, ce qui permet à Baron et à Rude de diversifier leurs récits.
En effet, se contenter d'avoir comme personnage principal un simple exécuteur serait devenu assez rapidement monotone. Les deux compères inventent donc tout un monde, littéralement parlant, qu'ils n'auront de cesse de faire vivre en mêlant adroitement la destinée des uns et des autres.
D'une manière assez amusante, à la même époque (1981), à la télévision américaine une série policière s'approprie un concept imaginé par Ed McBain 25 ans plus tôt ; celui d'un commissariat où le personnage principal n'est plus tel ou tel protagoniste, mais le commissariat dans sa totalité. Hill Street Blue suivait à égale distance les différents personnages dans leurs démêlés quotidiens.
Nexus offre rapidement ce même niveau de mise en récit. Ce qui arrive à Dave n'est pas moins important que ce que fait Sundra Peale ou Tyrone. Et si Horatio Hellpop est le point de rencontre (nexus), ceux qui l'entourent ne sont pas de simples faire-valoir dans les aventures successives qu'ils vivront. La dernière en date (2016) a pris l'aspect d'un comic strip.
Il y a quelques années, les éditions SEMIC avaient tenté l'aventure (avec déjà Alex Nikolavitch à la traduction), mais les lecteurs n'avaient pas été assez nombreux pour qu'elle se poursuive au-delà d'un seul tome.
Espérons qu'avec Delirium™ la série trouve enfin les lecteurs qu'elle mérite, Nexus est en effet autrement plus intéressante que ce que la scène contemporaine de la BD américaine nous propose.
Commentaires
Enregistrer un commentaire