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Lovecraft Country [Matt Ruff / Laurent Philibert-Caillat]

Découpé comme autant d'épisodes, puisqu'au départ Matt Ruff travaillait sur un pitch de série télévisée à la « X-Files » ; Lovecraft Country a un petit air de « fix-up  ». Autrement dit un recueil d'histoires courtes (nouvelles) sur le même thème, ou via un héros récurrent, reliées plus ou moins habillement, pour lui donner l'apparence d'un roman. 
Détail trompeur, mais rassurez-vous, il ne sera pas le seul !
Le fil directeur de ce récit est un livre ; comme on peut légitiment s'y attendre dès lors que l'ombre tutélaire de Lovecraft est invoquée. Mais pour le coup, certainement pas du genre qu'on escompte.
En effet, puisque qu'il s'agit du « Guide du voyage serein à l'usage des Noirs ». Un type de guide largement popularisé, même outre-Atlantique, depuis le film de Peter Farrelly avec Mahershala Ali & Viggo Mortensen : « Green Book, sur la route du Sud ».

KILOMÈTRE « JIM CROW » : Unité de mesure propre aux automobilistes noirs, combinant la distance physique et divers épisodes de panique, de paranoïa, de colère et d’outrage. Sa nature variable empêche de calculer précisément la durée d’un trajet, et sa brutalité fait planer un risque permanent sur la santé mentale et physique du voyageur. 
Guide du voyage serein à l’usage des Noirs édition été 1954

        Ainsi, à l'idée de départ d'une série « aux frontières du réel », s'est greffé un contexte : dans les années 1950, une famille Noires de Chicago possède son agence de voyage, et publie un guide de voyage serein à l'usage des Africains-Américains. 
Deux des membres de cette famille bénéficient en outre d'un net penchant pour la SfFF (Science-fiction, fantastique & fantasy). Et un troisième rêve de devenir auteur de BD.
Un aspect dont Matt Ruff a eu l'idée en lisant l'essai de Pam Noles intitulé « Shame », lequel pour le dire rapidement, est une réflexion sur la difficulté d'être une geek Noire. C'est-à-dire aimer une culture où les « gens de couleur » sont les grands absents.    
Autre apport tout aussi livresque,  et déterminant, l'ouvrage de James W. Loewen sur les  « sundown towns », ces villes dites de « la tombée de la nuit », où une loi interdisait la présence de non-blancs dans leurs limites, après le coucher du soleil. 

       Cette énumération didactique pourrait laisser croire que Lovecraft Country est un pensum. Il n'en est pourtant rien. 

Les presque 500 pages du livre Matt Ruff, traduites par Laurent Philibert-Caillat, se lisent exactement comme son titre le suggère : un récit fantastique (dans tous les sens du terme) d'épouvante. Toutefois l'épouvante en question, ne se trouve pas  seulement là où on l'attend ordinairement.

Du reste le titre lui-même fait plutôt allusion, me semble-t-il, au World Fantasy Award™, plutôt qu'à une relecture des écrits lovecraftiens. Lequel prix était, jusqu'en 2015, un buste de Howard Phillips Lovecraft. Une sorte de totem qui n'était toutefois pas du goût de tout le monde, compte tenu des idées racistes du maître de Providence
Depuis 2016, le buste de Lovecraft a été remplacé par une statuette plus consensuelle, imaginée par Vincent Villafranca.  

Or donc, le pays (country) en question semble plutôt être une façon de penser la pop culture, laquelle honorait ses plus éminents représentants avec le buste d'un raciste notoire, et en oubliant de faire une place à une partie de sa population. 

Manifestement, cet excellent roman n'a pas eu d'effet que sur ma modeste personne, puisque la chaîne américaine HBO™ va en diffuser l'adaptation prochainement.
Une (forme de) consécration bien méritée ! 

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