« Si tout se vaut, le cannibalisme n'est qu'une question de goût. » Leo Strauss
Pas de vraie(s) surprise(s) ici - le titre se passe en effet de commentaire. Ni de réel suspense - Joe Ryker est le personnage récurent d'un série de six romans, dont « Le cannibale » est l'avant-dernier. Mais le deuxième dans la chronologie du Fleuve noir™. Donc difficile de croire qu'il va y laisser sa peau.
Ce n’est d’ailleurs ni l’une ni l’autre des probabilités qui m’intéressent avec ce type de lecture. Laquelle tient essentiellement au plaisir que j’ai de retrouver la singularité du protagoniste principal au fil des tomes, dans des situations où il n'est pas question de savoir s'il va s'en sortir, mais plutôt comment.
Pour le sergent Joe Ryker de la police de New York, pas plus que pour Joe Keller ; personnage pour qui - à l'origine (c'est-à-dire en 1975), cette histoire a été écrite [Pour en savoir +], il n'y a de désordre ontologique. Sa manière de faire respecter la loi n'est pas holistique mais pugilistique. Voire balistique.
Ryker n'est en effet pas de ceux dont la supposée complexité du monde serait un frein à endosser ses responsabilités, et surtout à agir.
Il est d'ailleurs en cela bien aidé par son créateur, qui use d'une formule simple, voire d'une quasi recette : soit un flic mal embouché, qui fatigue ses équipiers (souvent jusqu'à ce que mort s'en suive), qui malmène sa hiérarchie, qui entretient une liaison téléphonique mi-figue mi-raisin avec son ex-femme, et qui fréquente des call-girls et la lie de la société new-yorkaise des années 1970.
Un contexte un poil ripolinée à la fin des eighties par Nelson DeMille alias Jack Cannon lors de la réédition de deux série distinctes - sous le seul patronage de Joe Ryker donc. Mais toujours pour une maison d'édition de livres de poche (paperbacks), dont le cœur de cible était des hommes en quête de sensations fortes et de masculinité exacerbée (et assumée). Avec cette histoire ils allaient être servis.
Scandé par deux moments forts, par deux moments gores plus exactement « Le cannibale » est, si vous me permettez ce trait d'humour, une littérature qui ne plaira pas à tous les palais. Mais la faim ne justifie-t-elle pas les moyens, comme on dit !
Ça commence donc vers le terme de la guerre du Vietnam, du côté du 17ème parallèle, lorsqu'une patrouille de soldats américains est décimée, et que le seul rescapé, Kondor le médecin de cette unité, doit sa survie à la consommation de chair humaine.
Un régime auquel il y a manifestement pris goût, puisqu’on le retrouve quelque temps plus tard à New York, du côté de Chinatown. Ou plutôt « sous » Chinatown.
Ça prendra un certain temps à Ryker pour qu’il fasse avaler sa théorie à ses supérieurs, au point qu'il se retrouvera finalement lui-même prisonnier du cannibale, dans les égouts de New York.
Notre anti-héros (vous savez bien, ces types qui pour faire advenir le bien utilisent des méthodes qui ne le sont pas) s'en sortira in extremis, grâce (encore une fois) au sacrifice d'un de ses collègues. C'est décidément une manie chez Cannon. [Sourire]
Hormis les deux moments de bravoure très crues (sic) déjà cités, qui ne laissent rien ignorer du régime de Kondor, « Le cannibale » ne se distingue que par un personnage que Jack Cannon aurait été bien avisé de garder, plutôt que de le sacrifier à sa recette (oups !). Dommage !
« Forget it Joe, it's Chinatown »
(À suivre …….)
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