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Faute avouée / La Dernière prise [George Pelecanos / Robert Pépin / Mireille Vignol]

Deux recueils m'ont fait passer le temps d'un aller-retour ferroviaire. « Faute avouée » et « La Dernière prise » de George Pelecanos. 
Je m'étais dit que ça serait - peut-être, aussi, un bon moyen de renouer avec le natif de Washington, lui dont la ville de naissance est un personnage très important de sa bibliographie. Et que j'avais laissé en plan il y a déjà pas mal d'années.
            « Ce n'est pas un auteur de policier classique. Chez lui, la résolution du crime n'est pas essentielle. C'est un portraitiste, avec un style très visuel », résume Robert Pépin, son éditeur chez Calmann-Lévy™, et par ailleurs traducteur de « Faute avouée ». 
            Et en effet, Pelecanos a ici un style très accrocheur dont d'ailleurs, je ne me souvenais pas. J'ai lu les nouvelles et les novellas de ces deux recueils sans presque m'ennuyer.
Comme le dit George Pelecanos lui-même : « Oui, je suis un "crime writer". J’écris sur le crime. Mais pour autant je ne suis pas un "mystery writer", comme on dit en anglais. Il n’y a pas d’énigme ou de solution à trouver dans mes livres. Ça ne fonctionne pas forcément comme une enquête ».
            Et c'est vrai, la première histoire de « Faute avouée » raconte la rencontre de deux individus, incarcérés alors qu'ils attendent d'être jugés, puis leurs retrouvailles, dehors, sur un plateau de télévision, où ils jouent les figurants.
L'un des deux, Jerrod Williams veut percer dans le milieu des acteurs, l'autre - Ira Rubin- a fait sienne la philosophie de son oncle Irv : « T’inquiète pas, gamin… rien n’a d’importance dans cette vie. ». Et de fait, il vivote de petits larcins et de boulots du même type.
Rubin ne pourra pas résister à un plan qui se révélera simple, mais surtout foireux, et Williams le retrouvera, quelques temps plus tard, alors qu'il est lui-même devenu acteur dans une série télévisée. 
            Plusieurs choses m'ont plu dans cette nouvelle.
D'abord l'arrière-plan. Je savais que Pelecanos travaillait maintenant aussi pour la télévision, et j'espérais que certaines de ses histoires s'y passeraient. Et c'est le cas ici. On apprend ainsi comment fonctionne un plateau, comment sont fixées les rémunérations, etc.
Si Pelecanos se défend d'être un « mystery writer », il sait, avec des petits rien de la vie quotidienne, maintenir une belle tension dramatique. En plus d'ajouter ici ou là une bonne dose de criminalité ou de délinquance. 
            Toutefois, ce qui ressort de ces plus de 600 pages de fiction, c'est l'obstination de George Pelecanos à s'attacher à la couleur de la peau de ses personnages.
Cette première histoire en est un condensé assez représentatif du reste des deux recueils.  
            Ira Rubin est Blanc et Jerrod William est Noir, le plus malin est Jerrod Williams. Ira Rubin lui trimballe une bonne paire de préjugés sur les Noirs, William aucune sur les Juifs ni sur les Blancs. 
Idem, dans « La dernière prise » la novella éponyme de l'autre recueil.
Le personnage principal rencontre « deux flics des Homicides ». L'un Blanc, l'autre Noir.
À votre avis, qui est le flics désagréable et raciste ?
            Dans cette dernière histoire donc, le personnage principal est un scénariste-producteur pour la télévision qui se retrouve à élucider le meurtre d'un de ses amis. 
L'histoire est prenante de bout en bout, alors qu'il est impossible d'y croire. Pelecanos est, sur ces deux bouquins , vraiment très bon. 
            Sauf qu'en plus d'utiliser un « locus externe » pour tous ses personnages Noirs ; autrement dit, ce qui leur arrive ne dépend jamais de leurs propres actions. 
Ce sont des « personnages non joueurs », comme des variables s'ajustant entièrement aux comportements des personnages Blancs. Un vieux leitmotiv gauchiste, s'il en est !
Seuls les Grecs trouvent grâce, aux yeux de l'auteur. Ils ne sont d'ailleurs, à l'en croire, pas exactement perçus comme Blanc par les Blancs.>Soupir<
Ainsi, Bill, fraîchement débarqué en Amérique n’hésitera pas à commettre un 
« crime d'honneur » sous les bons auspices de Pelecanos. 
Il faut dire qu'il venge un syndicaliste tué par un agent de l'agence Pinkerton. Une victime qui n’hésitait pas à discuter avec le personnel Noir du restaurant, où lui et Bill travaillait. Un type bien, quoi !
Les flics sont parfois épargné par l'intransigeant auteur, mais seulement s'ils deviennent des assistants sociaux.
Et plus généralement les Blancs, lorsqu'ils adoptent des enfants Noirs, et forme une famille pluriethnique. Si, si, sans rire. 
Mais là, pour le coup Evangelos Lucas est un cumulard puisqu'il est aussi Grec.
Ou si leur progénitures vivent avec des Noires. 
Noir sur blanc, sans jeu de mots.
            Cela dit, quand bien même un flic est-il Noir, être flic est synonyme de coups tordus, limite légaux. 
Pelecanos relate ainsi une intervention de la police visant à arrêter des criminels avérés, dont son personnage principal se moque et tourne en dérision les méthodes pas très catholiques (si je puis dire).
Si être Noirs est un viatique chez Pelecanos, être Noir et flic, y est toutefois suspect. À moins de ressembler à Richard Rountree (private joke!
            Ailleurs, il raconte un « swating », dont il aurait été lui-même victime si on en croit certaines de ses déclarations, sous la forme d'une nouvelle - à charge  - contre la police.
Elle y est décrite comme arrogante, et l'un des membres de l'équipe d'intervention ira jusqu'à voler une médaille en forme de croix - dont on ne saura pas grand-chose de plus. Hormis que ce vole signale, à ceux qui n'auraient pas compris, que la police n'est jamais rien d'autre qu'un gang qui opère en ville.
Au demeurant, cette intervention très musclée, visait à interpeller l'un des fils de la maison, accusé d'être l'auteur d'un vol à main armée. Acte très minoré dans la nouvelle.
            Cette histoire est aussi l'occasion de faire le portrait peu valorisant (sic) d'un des policiers (dans un portrait général de la police qui ne l'était pas du tout, vous me suivez ?!) : « J’ai commencé par être militaire. Dans l’armée. L’Irak, au début de la guerre. Et après, quand je suis revenu, j’étais comme un tas d’autres mecs qui s’étaient battus au corps-à-corps, j’étais genre… je sais pas. À l’armée, quand je me réveillais le matin, je recevais mes ordres. J’avais un but, d’accord ? Y a aucune sensation équivalente dans la vie civile, alors je suis devenu officier de police. Avec ce que j’avais fait avant, il s’est pas passé longtemps avant qu’on me mette dans les équipes du SWAT. Aller de maison en maison là-bas, c’était ce qu’on faisait, la même chose donc. On avait une mission. J’avais pas besoin de beaucoup côté parcours d’apprentissage. Et j’étais bon. C’est ça que vous vouliez savoir ? La raison pour laquelle j’ai atterri dans cette espèce de boulot ? ».
Si le « parcours » de ce policier, qui brille par son indigence, ne vous a pas convaincu d'être face à une brute épaisse, encouragé par un « Système » à le rester, le policier en question ajoute lui-même, qu'il a atterri dans un « espèce de boulot ». 
Comment considérer quelqu'un qui se déconsidère lui-même ? 
N'est-ce pas George !?
            D'une manière générale, la bande-son que je récupère du bruit de fond de ces 600 pages, est que George Pelecanos ne manque jamais une occasion d'écrire ses personnages Blancs sous un mauvais jour (pour dire le moins), au contraire des Noirs qui, même lorsqu'ils sont présentés comme des criminels endurcis, ne sont pas responsable de leur situation. 
Où, lorsqu'il ne peut pas faire autrement, il dépeint alors son personnage Noir comme un prédateur charismatique, et sûr de lui, face à des « petits blancs », même pas certains de leur propre identité (Cf. « Paddy bidon »).
            Pelecanos affiche donc ici, mais sur 600 pages quand même, un penchant racialiste immonde. Si vous n'en êtes pas convaincus, il suffit d'inverser ce qu'il dit de ses personnages pour vous faire une idée. Mettez les Noirs à la place des Blancs, et vice-versa, édifiant !
            Ensuite, quand bien même s'agit-il de fiction, son inclination quasi systématique, à faire le portrait de policiers aux méthodes douteuses, voire de policiers carrément douteux, est justement bien trop systématique pour n'être qu'un gimmick d'écriture.
Et vu son habileté d'écrivain, c'est largement inutile. 
La vérité est donc ailleurs, n'est-ce pas Scully !?
            Si je ne gardais pas un très bon souvenir de ma première rencontre avec George Pelecanos, son talent de nouvelliste allait, sans coup férir, me rabibocher avec lui.
Las, son racisme anti-blanc et son penchant anti-police quasi idéologique (qui ne se retrouve pas que dans ses nouvelles d'ailleurs), ce dernier supplante par ailleurs souvent son racisme, est bien trop abject pour une petite nature telle que moi.
 
¡Afuera!       

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