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Marvel Boy



•••Lorsque Grant Morrison débarque sur la « Terre 616 » (i.e. la Terre de l'univers Marvel), il ne se contente pas de prendre en main la destinée d'une partie de l'écurie mutante, il crée un personnage de son cru : Noh-Varr.
Pour Morrison il manquait à Marvel un « héros marginal et rebelle » dans le genre du prince Namor des années 40. Cependant, le but du scénariste n'est pas d'imiter ce qui se faisait avant mais nous dit-on, « de préparer les comics pour un avenir meilleur » et ce faisant de s'engouffrer dans le nouveau millénaire qui s'annonce alors. Le scénariste écossais n'est en effet, pas du genre à faire les choses à moitié.

Mais en y regardant de plus près, il apparait que Grant Morrison, dont on connait le goût pour la chose (Cf. Animal man ou Les Invisibles), s'est en partie inspiré de sa propre vie au moment où il élaborait son scénario.
Noh-Varr est un jeune extraterrestre de la race Kree, venu d'un univers parallèle - plus précisément de la planète Hala - dont le vaisseau s'écrase sur Terre (enfin sur une Terre). Il est alors capturé par celui qui est en partie responsable de cet accident, le Dr Midas.
Ce dernier projette immédiatement « de le disséquer, de vendre ses restes à des experts en anatomie alien », et de réserver le même sort à son vaisseau et aux armes qu'il contient.
Midas, qui porte une ancienne armure d'Iron Man, s'est volontairement exposé à des radiations cosmiques et depuis, tout ce qu'il touche, se change en or : « je tourne tout à mon avantage » dit-il à Noh-Varr.
Aparté 1 : Il n'échappe à personne que c'est à partir du lancement des Fantastic Four que la maison d'édition Marvel commence son ascension. Les Fantastic Four qui ont été irradiés par des rayons cosmiques.



Le jeune Noh-Varr réussi pourtant à s'enfuir, grâce à des facultés hors-normes : son ADN a été modifié par l'adjonction de cellules de cafard, ce qui a eu pour résultat de le doter d'une force, d'une rapidité et d'une résistance surhumaines ainsi que de lui donner le plaisir de se nourrir d'ordures.


Dans sa fuite il devra faire face au S.H.I.E.L.D et aux Bannerman, des clones du super-soldat (dont le prototype a été Captain America), heureusement il sera aidé par Plex (Intelligence Plex) l'équivalent de l'Intelligence Suprême sur la Terre 616, c'est-à-dire la réunion de tous les esprits Kree. À ceci près que Plex est une entité atteinte du trouble de la personnalité multiple (un thème récurrent chez Morrison).
Aparté 2 : Dans le deuxième épisode, Morrison qui s'est plaint au moment de la sortie du film Matrix que les scénaristes, les frères sœurs Wachcowski s'étaient beaucoup (trop ?) inspirées de sa propre série Les Invisibles règle ses comptes, si l'on peut dire :

À ce moment du récit, Plex manipule les esprits des humains : Nous manipulons les foules comme un seul organisme. Leur esprit.. est connecté au niveau primaire. Ils iront où l'Omni-onde les pousse. Ils feront ce qu'elle veut.
Or donc comme de juste, Noh-Varr met la pâté aux clones de Steve Rogers (aka Captain America), et pour fêter ça, se goinfre d'ordures.


L'épisode numéro 3 surprend un peu en ce sens qu'il ne poursuit pas sur les velléités de Midas de s'emparer du jeune Kree, mais oppose ce dernier à un nouvel ennemi : Hexus.
Si le lecteur avait des doutes sur le propos de Morrison, cet épisode va les faire disparaître.
Hexus était stocké dans le Marvel (oui le vaisseau à bord duquel voyageait Noh-Varr s'appelle Marvel) : « Il (Hexus) est invisible, intouchable. C'est une idée. Vivante. Explique Plex à son jeune protégé. Il était emprisonné dans des cachots conceptuels là où nous enfermons les idées les plus dangereuses rencontrées au cours de nos voyages, comme Idealus, l'homme fictionnel. »
Hexus est un parasite féroce qui s'adapte rapidement aux desseins du monde qu'il a pris pour cible. Il montre aux gens ce qu'ils veulent voir, il les hypnotise grâce à des techniques publicitaires sophistiquées. Il se duplique à l'infini.
Aparté 4 : Nous reconnaissons ici le discours du créateur en but aux diktats des décideurs en "costume cravate", rétifs à toute innovation. Cependant Morrison met aussi (et surtout) en scène un concept proposé par Richard Dawkins à la fin des années 70 : le mème.
Le comportement d'un organisme peut-être modifié en agissant sur les gènes ou socialement par imitation, de là découle la mèmetique ou science de la culture. La mèmetique est une grille de lecture qui applique la théorie de l'évolution à la culture. Le gène est remplacé par le mème ou "unité d'information". Deux différences majeures entre le gène et le mème : ce dernier évolue extrêmement rapidement et cette évolution repose massivement sur la modification (plutôt que sur la sélection). Une sorte de modèle "lamarckien".
S'y ajoute l'idée de "lavage de cerveau" expression créée par le journaliste Edward Hunter d'où découlera la "persuasion clandestine" de Vance Packard. Ainsi le mème "lavage de cerveau" issu de la "guerre froide" est en provenance directe de Corée devient sur le sol américain "la persuasion clandestine" devenant 50 ans plus tard le "marketing viral".
Morrison utilise donc un mème pour illustrer le mème.
Bien sûr le jeune Noh-Varr botte le cul d'Hexus, juste à temps pour reprendre avec Midas ou plutôt sa fille (Oubliette)

Afin d'échapper à la jeune femme, Noh-Varr prend le volant d'un bus, clin d'œil évident à sa propre série Les Invisibles (encore !) où Morrison fait dire à l'un de ses personnages :  « Speed parle de l'évolution humaine c'est évident, le car c'est le monde et dedans il y a toutes les nationalités, le chauffeur conduit le monde à l'apocalypse, pendant que les gens s'engueulent ».

Mais comme d'habitude avec Grant Morrison, ses scénarios sont de ceux que l'on peut lire sous différents angles. Ainsi Noh-Varr peut-il aussi bien être Morrison, venu tout droit d'un univers parallèle (celui de DC Comics), et atterrissant dans celui de Marvel.  

Le scénariste a-t-il pour autant chamboulé le status quo
Les comic books sont-ils devenus différents après son passage, du moins les comics Marvel ?

Commentaires

  1. > Explique Plex à son jeune protégé. Il était
    > emprisonné dans des donjons conceptuels

    ...ou, dans une traduction correcte, dans des cachots conceptuels, le mot anglais dungeon étant un faux-ami qui permet de repérer les traducteurs amateurs.

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  2. Oui absolument. Je corrige cette ineptie.

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