Karma City est une ville vertueuse régie par les lois universelles du karma, où l'intérêt général primerait toujours sur l'intérêt particulier.
Emma List se présente aux portes de la "zone blanche" de la capitale, autorisée à entrer malgré un karma un peu négatif, elle s'écrase avec son véhicule.
Ce qui ne semblait être qu'un rapport de routine pour les agents Cooper, Napoli et Asuki va pourtant se transformer en enquête de vaste envergure.
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…. Karma City, théocratie laïque régie par l’idéologie du karma est une belle façon de nous projeter dans un lieu où des us et coutumes légèrement différents transforment le quotidien en étrange dépaysement.
… L’histoire, les personnages, tout y est intéressant, mais ce qui sort cet album du tout-venant culturel, si vous me passez l’expression (dans laquelle il ne faut rien y voir de péjoratif) c’est indéniablement son versant artistique.
Le dessin, le storytelling et la mise en couleur (dont un travail sur la texture assez renversant) hissent sans conteste possible à mes yeux, cette bande dessinée au rang des plus belles que j’ai lues cette année.
…. • À propos de la couleur, je serais curieux de savoir comment Pierre-Yves Gabrion a travaillé, sachant que dès 1995 avec sa série intitulée Shekawati parue notamment en prépublication dans la revue de BD Gotham, il avait expliqué son intérêt pour l’utilisation de l’ordinateur, à une époque ou la technologie numérique n’offrait pas encore autant de possibilités et de confort qu’aujourd’hui.
Il s’agissait alors d’utiliser l’ordinateur dans le cadre de la mise en récit (storytelling) séquentielle (si mes souvenirs sont bons).
…. Si les personnages principaux sont des stéréotypes, l’auteur démontre avec beaucoup de maestria, qu’il est tout à fait possible de faire un chouette travail sur des concepts aussi éculés ; et finalement d’accoucher de protagonistes sinon originaux (mais il est permis de rêver) du moins digne d’attention.
L’une des astuces utilisées est une approche béhavioriste (ou comportementaliste), de celle qui a fait les beaux jours du néo-polar en France sous l’égide du talentueux styliste Jean-Patrick Manchette et ensuite, de ses épigones.
Cependant nous ne sommes pas ici dans une enquête de type hard-boiled (ou dur-à-cuire) mais plutôt dans une sorte de whodunit (kilafé) où le pragmatisme et les règles de la procédure n’économisent pas un certain dynamise disons, « primitif ».
On progresse donc tantôt à pas de loupe, tantôt à coups de poing mais toujours sous les fourches caudines du plaisir d’une lecture d’évasion à laquelle je reste paradoxalement très attaché.
Œuvre au long cours, ce dytique (en devenir) dévoile un attrait formel qu’il est impossible de gommer au travers d’un récit dont les révélations successives ne préparent pas au coup de théâtre que nous réserve l’auteur dans les dernières pages.
Même si rétrospectivement on se demande comment il aurait pu en être autrement.
Une simplicité qui est on le sait, la marque des meilleurs scénaristes, qui nous font croire que tout coule de source.
…. En définitive je dirais que cet album est une pure merveille et qu’il promet un deuxième tome tout aussi excitant.
• Auteur : Pierre-Yves Gabrion • Éditeur : Dupuis
• 176 pages
• Prix : 20,25 €
(À suivre ...)
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