Accéder au contenu principal

Batman (Rebirth) : King, Finch & Reis

SPOILERS

.... C'est auréolé d'un certain prestige que Tom King débarque sur l'un des titres de la « Bat-family », et dès son premier numéro il enclenche le turbo.
Voir en l'espace de quelques pages seulement, Batman chevaucher comme un bronco un avion de ligne, touché par rien de moins qu'un missile, en plein Gotham City, est plutôt stimulant et sérieusement accrocheur.
Et comme si ce climax ne suffisait pas, Tom King enchaîne derechef avec un second, sous la forme d'une injection de deux nouveaux personnages de son cru. Une attitude bien loin de la frilosité de beaucoup de ses collègues, plutôt avares en termes de création de ce type

Après un tel départ en fanfare difficile de faire mieux.

Et pourtant, durant les six numéros de ce premier arc, couronné par un dénouement aussi inattendu que subtil, il maintient la pression grâce à une utilisation "à l'ancienne" du scénario modulaire. Autrement dit par l'adjonction de subplots furtifs mais qui ne peuvent échapper à la vigilance des lecteurs.

Soutenu par un David Finch en pleine possession de ses moyens, et dont la puissance des pages est contagieuse, puis par un Ivan Reis moins puissant mais plus subtil - ça tombe bien le sixième numéro est plus en demi-teinte - King fait feu de tout bois. 
La gestion des "blancs" par Ivan Reis, en collaboration avec le coloriste Marcelo Maiolo j'imagine, qui remplace Jordie Bellaire sur ce numéro, parle le langage des sentiments mieux que ne le ferait n'importe quel récitatif :
Quand l'absence de couleurs devient celle des sentiments
Ce premier arc augure des lendemains qui chantent.

Du moins si les grandes manœuvres entreprises par le staff de DC Comics lui en laissent le loisir [Pour en savoir +].

Ceux qui comme moi, se croient dans le secret des dieux, s'amuseront sûrement à relever ici et là des indices en rapport avec l'oeuvre phare qui sert à alimenter Rebirth : ici une horloge, là un pirate, ailleurs un simili test de Rorschach (liste non exhaustive).

.... Passée une lecture premier degré, à laquelle s'ajoute un décryptage instrumentalisé par le « moteur immobile » en question, lire de la bande dessinée écrite par Tom King c'est aussi profiter d'un storytelling qui se suffit presque à lui-même. Dont l'usage régulier au sein de ces trois derniers travaux (The Omega Men [Pour en savoir +], Sheriff of Baylon et The Vison[Pour en savoir +]) avec des dessinateurs différents, laisse penser qu'il en est l'instigateur. (Ces premiers travaux - moins connus peut-être - sont tout aussi révélateurs [Pour en savoir +])

Le rythme qu'il donne à ses découpages est un plaisir en soi. Tant au niveau de chaque planche prise individuellement, que d'une manière plus globale avec chaque comic book.

D'autant qu'il suggère, me semble-t-il, un usage subliminal dudit découpage (voir infra).
Comparaison avec une page d'All-Star Superman
En effet, comment croire que cette planche ci-dessus et celle scénarisée par Grant Morrison & dessinée Frank Quitely, ainsi que la case qui suit ci-dessous, respectivement la quatrième planche et la dernière case de la 19ème planche, du quatrième numéro n'évoque pas le premier sinon l'un des plus célèbre super-héros du monde ?
Un snap labellisé Zack Snyder
D'autant que Gotham a toutes les caractéristiques qu'a utilisées le réalisateur Zack Snyder pour justifier cette issue dramatique dans son propre film : la jeunesse et l'inexpérience.

Simple jeu avec le lecteur, ou subplot séquentiel (si j'ose dire) ?

... John Workman, lettreur sur les 5 premiers numéros, ajoute au plaisir que je prends à relire les pages uniquement au travers de la mise en récit.
Ses placements de bulles agissent en parfaite intelligence avec le rigoureux découpage de King. 
Deron Bennett, qui prend sa suite pour le sixième & dernier numéro de l'arc, se glisse parfaitement dans le poste taillé par son prédécesseur. 
John Workman dans ses œuvres 
.... Rarement, un comic book mainstream - bimensuel qui plus est - m'aura donné autant d'occasions de me réjouir de l'avoir choisi.

Tom King est décidément le scénariste le plus prometteur de ces dernières années. Du moins à l'aune de ma sensibilité.

(À suivre ......)  

Commentaires

  1. bon, vu ton enthousiasme, je sais ce que je vais tenter dans rebirth

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu vas bientôt pouvoir te faire ta propre opinion.

      [-_ô]

      Supprimer
  2. Ton article précédent sur Tom King a changé ma façon d'approcher sa série Batman.

    Voir Batman chevaucher comme un bronco un avion de ligne : loin de m'accrocher, ça m'avait plutôt paru idiot dans la démesure. Il y a une scène tout aussi exagérée dans le tome 2 qui m'en a tenu à l'écart pendant un temps. Ayant fini par céder à la tentation suite à ton analyse du mode d'écriture de Tom King, j'ai été totalement convaincu par sa façon de donner une version personnelle et adulte du personnage, malgré la scène outrée en question (un problème de dos). Il a même réussi à me convaincre de la pertinence de la relation entre Batman et Catwoman, alors que là aussi il pousse le bouchon assez loin. En outre, je trouve que Mitch Gerads (dessinateur de quelques épisodes de Batman et de Sheriff of Babylon) complète très bien King, certainement grâce à une étroite collaboration.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Triple frontière [Mark Boal / J.C. Chandor]

En même temps qu'un tournage qui devait débuter en 2011, sous la direction de K athryn B igelow, Triple frontière se verra lié à une tripotée d'acteurs bankables : S ean P enn, J avier B ardem, D enzel W ashington. Et même T om H anks. À ce moment-là, le titre est devenu Sleeping dogs , et d'autres noms circulent ( C hanning T atum ou encore T om H ardy). Durant cette période de valses-hésitations, outre M ark B oal au scénario, la seule constante restera le lieu où devrait se dérouler l'action. La « triple frontière » du titre est une enclave aux confins du Paraguay , du Brésil et de l' Argentine , devenue zone de libre-échange et symbole d'une mondialisation productiviste à fort dynamisme économique. Le barrage d' Itaipu qui y a été construit entre 1975 et 1982, le plus grand du monde, produirait 75 % de l’électricité consommé au Brésil et au Paraguay . Ce territoire a même sa propre langue, le « Portugnol », une langue de confluence, mélange d

The Words

... The Words ( Les Mots ) est un film qui avait tout pour me séduire : le roman en tant qu'élément principal, des acteurs que j'aime bien ; D ennis Q uaid, J eremy I rons, J . K . S immons et B radley C ooper. Éléments supplémentaire l'histoire se révèle être une histoire dans l'hisitoire. Ou plus exactement un roman à propos de l'écriture d'un roman, écrit par un autre ; entre fiction et réalité.  Je m'explique. Clay Hammon fait une lecture public de son dernier livre The Words dans lequel un jeune auteur, Rory Jansen , en mal de reconnaissance tente vaille que vaille de placer son roman chez différents éditeurs. Cet homme vit avec une très belle jeune femme et il est entouré d'une famille aimante. Finalement il va se construire une vie somme toute agréable mais loin de ce qu'il envisageait. Au cours de sa lune de miel, à Paris , son épouse va lui offrir une vieille serviette en cuir découverte chez un antiquaire, pour dit-elle qu'

Wheelman [Frank Grillo / Jeremy Rush]

En partie produit, et surtout entièrement cornaqué par War Party™, la société de production de J oe C arnahan & de F rank G rillo, et magistralement interprété par ce dernier ; « Wheelman 2017 » repose sur la règle des 3 unités du théâtre dit classique :  • Unité temps : Une nuit.  • Unité d'action : Une attaque à main armée ne se déroule pas comme prévue.  • Unité de lieu : Une BMW E46  Autrement dit, 98% du film se déroule dans une voiture avec seulement F rank G rillo au volant et à l’écran. Son personnage n'interagit avec l'extérieur quasiment que via un téléphone portable.              Tourné à Boston en seulement 19 jours, pour un budget légèrement supérieur à 5 millions de dollars, « Wheelman » est, au moment des comptes, une péloche dégraissée et bien relevée.  D'entrée de jeu les premières minutes donnent le ton : « l'homme au volant » du titre a été embauché pour être chauffeur lors d'un braquage à main armée. Divorcé, sa fille adolescente, d