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À pleines dents (02)


... Seconde partie de la nouvelle écrite par Joe R. Lansdale, pas forcément sa meilleure mais plutôt sympathique & amusante. Nom d'un Fulchibar en culotte de velours !


...
Elle pourchassa le vaurien sur trois blocs, sans parvenir à le coincer. Il lui fila sous le nez dans une ruelle sombre.

... Dégoûtée, et de plus en plus affamée, Maude émergea de l'allée en pensant : bouffer, il faut que je bouffe.

*****

... Le flic O'Hara faisait sa ronde en jouant avec sa matraque quand il la vit en train de grignoter la peinture d'un vieux lampadaire rouillé. C'était une vieille femme avec une face de pruneau et, quand il s'approcha, elle s'arrêta pour le regarder. Elle avait les dents les plus grandes et les plus étincelantes qu'il ait jamais vues. Elles lui sortaient d'entre les lèvres comme des crocs d'alligator et, à la lumière des lampadaires, même en y regardant à deux fois, il crut un instant qu'elles grandissaient. Et, nom de Dieu, voilà qu'elles avaient l'air pointues à présent !
... Après vingt ans de patrouille, O'Hara était habitué aux excentriques, aux drôles de rencontres, mais il y avait chez celle-ci quelque chose de particulièrement étrange.
... La vieille lui souriait bel et bien.
... Qu'est-ce qu'il y avait comme dents là-dedans ! Encore plus que quelques secondes plus tôt, non ? O'Hara pensa : En voilà une idée bizarre.
... Il se tenait environ à deux mètres de la vieille quand elle lui bondit dessus, faisant grincer ses canines qui cliquetaient comme une centaine de genoux d'Esquimaux gelés. Les crocs attrapèrent la manche du flic et la déchirèrent, engloutirent le tissu aussi vite qu'un serveur ramasse son pourboire.
... O'Hara balança un coup de matraque à la vieille mais elle chopas le bâton avec ses dents qui se mirent à s'entrechoquer et claquer comme une fourrière pleine de chiens enragés. Et il ne resta du bout de bois que des cure-dents.
... Le flic dégaina son revolver, mais elle le bouffa aussi. Puis elle bouffa O'Hara, sans même laisser une godasse.
... Plus tard elle dévora un gamin sur un vélo - vélo compris - et elle s'envoya une pute noire pour le dessert. Cela ne la contenta toujours pas. Elle avait encore la dalle et, pire maintenant, la pitance se raréfiait.
... Ce quartier de la ville se vidait bien avant minuit, à l'exception d'un ou deux clodos. Maude les becqueta. Elle ne cessait de se répéter que si elle poussait jusqu'à la 42°, elle pourrait avoir son content de putes, de gosses, de maquereaux et de camés. Ce serait comme un repas avec buffet à volonté.
... Mais ça faisait une trotte et elle avait vraiment trop les crocs. Ces fichues ratiches avaient maintenant tellement grandi que Maude avait l'impression d'avoir besoin d'une minerve pour soutenir sa tête.
... Elle accéléra le pas et, à environ six blocs du banquet de la 42°, sa bouche se mit à saliver comme les chutes du Niagara.
... Soudain, elle fut frappée par l'évidence. Il fallait qu'elle bouffe MAINTENANT - mais c'était déjà presque trop tard.
... À la moitié de son bras, elle tenta s'arrêter. Bon sang, comme c'était bon. Le dentier continua son boulot et que je te mords et que je te déchire, et bien vite ses mâchoires furent de la taille d'un piège à ours, mastiquant la chair tel du chewing-gum.
... Quand les dents tombèrent sur le trottoir pour reprendre aussitôt leur taille normale, il ne restait rien de Maude qu'une flaque de sang.

*****
... Harry, enivré par la vie, grisé par le vin, titubait sur le trottoir, se balançant un coup à gauche, un coup à droite. Un miracle qu'il ne se soit pas étalé.
... Il vit les dents au milieu de la mare et, n'en ayant plus lui-même - la petite souris les avait toutes emportés chez elle -, décida que, merde alors, ça ne ferait de mal à personne. C'était plus fort que lui.
... Il ramassa le dentier, l'essuya et le glissa dans sa bouche.
Pile poil. Comme s'il était fait pour lui.
... En s'éloignant d'un pas chancelant, il se dit : Qu'est-ce que j'ai faim ! Bon Dieu, je casserais bien la graine.

FIN

Joe R. LANSDALE

Nouvelle inédite paru dans un catalogue distribué gratuitement par les libraires .
Traduit de l'américain par Aurélie Tronchet.

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