... - Tire ton nez de ce bouquin, lui dit son père. Le moment est venu de devenir membre du Club.
... Freddie se rendit au Club, entendit les hommes parler de canards, d'armes, de l'odeur de la fumée et du sang dans la fraîche brise matinale. Ils lui dirent que c'est en tuant qu'un homme se montrait à la hauteur. Ils lui indiquèrent des têtes accrochées au mur. Ils lui demandèrent de rentrer à la maison avec son père, et de revenir le lendemain de bon matin, en pleine forme pour sa première partie de chasse.
... Le père emmena Freddie en ville, et lui acheta une chemise de flanelle (noire et rouge), une veste robuste (doublée), une casquette (avec des rabats pour les oreilles) et des bottes (étanches). Il ramena Freddie à la maison, décrocha un fusil de chasse du râtelier, lui remit une boîte de munitions, l'accompagna dehors au champ de tir, et supervisa l'entraînement de son fils, tout en devisant avec lui de la chasse et de la guerre, lui expliquant qu'en définitive les canards et les hommes mourraient de la même manière.
... Le lendemain matin, avant que le soleil se lève, Freddie et son père prirent leur petit déjeuner. La maman de Freddie ne mangea pas avec eux. Freddie ne demanda pas pourquoi. Ils retrouvèrent Clyde au Club, et roulèrent en jeep sur des routes poussiéreuses, des chemins d'argile et des sentiers à travers buissons et bruyères jusqu'à une étendue de roseaux et d'ajoncs qui poussaient dru, aussi élancés que des bambous japonais.
... Ils sortirent du véhicule, et commencèrent à marcher. Au fur et à mesure qu'ils se frayaient un chemin entre roseaux et ajoncs, le sol sous leurs pieds devenait marécageux. Les chiens couraient devant.
... Deux heures après le lever du soleil, ils arrivèrent à une sorte de clairière au milieu des roseaux, au-delà de laquelle Freddie aperçut le bleu à-vous-fendre-le-cœur d'un lac étincelant. Il aperçut un canard qui se posait sur le lac.
... Il le regarda flotter, jusqu'à ce qu'il disparaisse de sa vue.
... Alors fils ? lança le père de Freddie.
... C'est magnifique, répondit Freddie.
... Magnifique, voyons, es-tu prêt ?
... - Oui, chef.
... Ils poursuivirent leur marche, les chiens étaient maintenant loin devant, et ils se retrouvèrent finalement à moins de trois mètres du lac. Freddie était sur le point de s'accroupir pour se dissimuler, comme il avait entendu dire que cela se pratiquait, lorsqu'un vol de canards surgit des roseaux du lac, et Freddie luttant contre le malaise qui lui vrillait l'estomac, suivit leur course avec le canon de son fusil, sachant ce qu'il lui restait à faire pour devenir un homme.
... La main de son père dévia vers le sol le canon :
... - Pas tout de suite, dit-il.
... - Hein ? rétorqua Freddie.
... - Ce n'est pas avec les canards que tu vas t'en tirer, ajouta Clyde.
... Freddie remarqua que Clyde et son père tournaient la tête vers la droite, là où les chiens regardaient - en arrêt, la truffe en l'air - en direction d'un sous-bois broussailleux. Clyde et son père donnèrent aux chiens l'ordre bref de ne pas bouger, puis conduisirent Freddie dans les broussailles, tout d'abord à travers un dédale de bruyères entremêlées, puis dans une clairière où les attendaient les membres du Club des Chasseurs au grand complet.
Commentaires
Enregistrer un commentaire