« Fuir le ghetto ne nous sauvera pas,
car partout nous sommes présumés violents,
partout on se demande quelle sera notre prochaine victime.»
.... À la fois récit autobiographie, cartographie des Etats-Unis d'Amérique des années 1980 (même si Le Grand combat déborde sur le début des années 1990), mais aussi formidable roman initiatique de fantasy. Une sorte de sword and soul (Pour en savoir +) made in Baltimore tel m'apparaît le livre de Ta-Nehisi Coates.
D'ailleurs les premières pages du livre sont consacrées à un arbre généalogique du « clan » Coates, et à une carte (le désormais sceau nécessaire à tout roman du genre qui se respecte) à laquelle il ne manque ni l'épée ni le dragon.
Une carte commentée, dont les légendes dans tous les sens du terme) sont autant d’incipit à chaque chapitre.
J'ai pour ma part lu les + ou - 260 pages du livre d'une traite.
Il faut dire que Ta-Nehisi Coates scande sont récit avec le talent du rappeur (amateur) qu'il a été dans sa jeunesse, et du joueur de djembé plus tardif mais tout aussi passionné, et ceci apparaît bien avant qu'il ne le mentionne lui-même.
Sous la rudesse de ce qu'il raconte, et ça n'a rien d'une promenade de santé que d'être Noir dans le Baltimore des années 1980 (ça ne l'est pas plus aujourd'hui sur l'ensemble du territoire des U.S.A.), pointe néanmoins un formidable optimiste. Non pas que l'auteur y apparaisse comme tel, mais son parcours m'a fait cet effet.
Une vie placée sous l'égide d'un père, alors que la plupart des familles Noires n'en ont pas, pour qui les bédés de Tarzan et du Lone Ranger (Pour en savoir +) deviennent un terrain d'exercices intellectuel pour Ta-Nehisi, alors âgé de 6 ans. Ancien du Black Panther Party, Paul Coates « un homme voué à la paternité » dira de lui son fils, qui apprendra plus tard que le F.B.I. avait fomenté de le discréditer auprès du fondateur du parti, Huey P. Newton en le faisant passer pour un informateur (Cf. « My President was Black » in America n°1, traduction Emanuelle Vial).
Une accusation qui en ces temps, valait condamnation à mort.
Mentor intransigeant, ce père qui en plus de son travail se charge de réhabiliter des penseurs oubliés au travers de sa propre (et modeste) maison d'édition Black Classic Press, et une ancre importante dans un monde où être Noir c'est mener une vie à « un faux mouvement près ». Où les armes dont il faut se pourvoir se nomme Connaissance - celle de la rue - et Conscience (Noire) : un courant de pensée proche du Black Nationalism et du panafricanisme fondé notamment par Steve Biko en Afrique du Sud en 1976 (voir le glossaire - très utile - qui accompagne le récit proprement dit).
Entre Donjons et Dragons jusqu'à l'université de Howard (que certains qualifieent de « Harvard Noire ») en passant par Dusty Rhodes, Public Enemy ou encore la Maison d'Ankobia (ou l'auteur subira une véritable initiation digne d'un héros de sword & soul*) et j'en oublie, Le Grand combat est un grand livre.
.... Son peu de succès, à sa sortie aux U.S.A., aurait pu l'empêcher de se voir traduit dans l'Hexagone (par Karine Lalechère) mais le retentissement d'Une colère noire (toujours aux éditions Autrement pour la France) en a décidé autrement (sic). Et c'est tant mieux.
Écrit dans une langue ludique (magnifique traduction), Le Grand combat est un livre « puissant et nécessaire » comme le souligne le magazine TIME, et un formidable message d'espoir, dixit la quatrième de couverture. Je ne peux qu'approuver.
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* Une expérience qui ne pourra que lui être profitable sur la série de bédé américaine Black Panther qu'il scénarise depuis plusieurs mois pour l'éditeur Marvel [-_ô].
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